ESG : intégrer la comptabilité extra-financière
Avec la future CSRD qui va être instaurée sur le territoire européen, les directions financières vont être sollicitées pour mettre en place un reporting plus complet. Une comptabilité globale, incluant l'extra-financier, pourrait les aider dans cette tâche.
Dans leur quête de durabilité, les entreprises françaises vont très rapidement devoir se soumettre à la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), dont le texte final a été adopté en fin d'année dernière par la Commission Européenne. Cette directive introduira des transformations destinées à renforcer la place des enjeux de développement durable dans la stratégie, la gouvernance et la gestion des risques des entreprises et aura aussi pour but d'empêcher le greenwashing. « L'un des grands buts de cette loi est d'éviter d'avoir uniquement de la communication sans actes derrière. Cet enjeu doit tout d'abord être placé à un niveau stratégique de l'entreprise pour ainsi définir les quelques indicateurs ou quelques points à identifier dans un premier temps, détaille Frédérique Lange, partner chez Aon. Les entreprises doivent définir une stratégie avec des objectifs quantifiables et réalisables, mais tout de même ambitieux, à court, moyen et long terme. »
Les sociétés peuvent parfaitement tirer profit de cette loi qui arrive. « Les entreprises gagnantes sont celles qui n'ont pas attendu la réglementation et qui ont déjà commencé à avoir une stratégie ESG. Car cette stratégie permet un accès plus facile aux financements auprès des banques, auprès des investisseurs, auprès des fonds de private equity mais est également très fédérateur dans une société et permet vraiment d'engager les employés, ce qui peut aussi aider pour les entreprises rencontrant un problème de talents, » développe Frédérique Lange.
Du pain sur la planche
Lors de la mise en place de cette directive, le gros du travail reposera sur les directions financières, qui auront la lourde tâche d'organiser la collecte des données de l'entreprise. « Ce sont au total 1184 données à renseigner progressivement, mais assez rapidement en réalité, éclaircit Emmanuel Millard, président de la DFCG. La CSRD est une initiative intéressante, qui va qui va très certainement permettre de normaliser l'analyse de la production de données. Sauf que les grandes entreprises qui sont en train de basculer de la DPEF à la CSRD sont en train de s'arracher les cheveux. Ces dernières ont d'ailleurs doublé leurs honoraires d'audit. C'est quelque chose de très compliqué, avec des équipes sustainability qui ne sont pas toujours rattachées à la direction financière. »
En plus d'être une tâche compliquée, les entreprises ne sont pas encore totalement au fait de ce qu'attend l'Union Européenne. « Les actes délégués de l'EFRAG, qui sont en quelques sortes le décret d'application de la CSRD n'est pas sorti. Une partie sortira cet été et l'autre à l'été 2024. Nous sommes donc encore loin de savoir ce qui est attendu, » poursuit Emmanuel Millard. Ce qui implique également un problème de formation sur ces sujets. « Nous sommes encore dans le flou car nous ne savons ni comment ni à quoi se former, étant donné que nous ne savons pas ce qu'il va falloir renseigner en réalité, » développe le président de la DFCG.
Une comptabilité globale
Pour faire face à cette nouvelle norme, Amaury de la Bouillerie, associé au sein du cabinet RSM, rêve d'instaurer dans toutes les entreprises une comptabilité triple capital. « C'est une comptabilité qui considère qu'il y a un capital qui appartient aux actionnaires, mais il y a aussi un capital vis-à-vis du monde et un capital vis-à-vis de la société au sens large. Ce sont ces trois capitaux qui doivent diriger la comptabilité d'une entreprise. » L'idée derrière cette comptabilité triple capital serait d'analyser les comptes d'une entreprise où seront regroupés les résultats financiers et extra-financiers. « Il faut s'autoriser à avoir un résultat net qui ne dépende pas seulement du résultat d'exploitation financier mais qui soit la somme du résultat financier, du résultat environnemental et du résultat social. Ce serait ce résultat net final qui s'évalue et se comptabilise, » reprend Aumaury de la Bouillerie.
Emmanuel Millard est quant à lui convaincu que cette comptabilité a un rôle majeur à jouer dans cette transformation RSE. « C'est même la colonne vertébrale. Autant, la comptabilité a pu apparaitre comme un outil désuet, autant demain, dans la projection, l'utilisation, la restitution, la comptabilité aura un rôle central. Et je pense que nous allons passer à une comptabilité qui va complètement évoluer et qui sera, comme le disait Amaury, tournée autour de 3 grands blocs, » conclut le président de la DFCG. Reste désormais à voir comment les directions financières vont concrètement intégrer ces enjeux.
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