Ces PME qui inventent la logistique de demain
Circuits d'approvisionnement, transport de marchandise, gestion de stock, distribution... De nombreuses start-up et PME rebattent les cartes des métiers de la supply chain. Entre innovation technologique et business model disruptifs, elles inventent ce qui sera la logistique de demain.
Alors qu'Amazon commence à tester des livraisons directement dans le coffre des voitures de ses clients, le groupe La Poste fait ses premiers pas dans l'aventure du "drone-facteur" et DHL adopte les lunettes connectées dans la préparation de ses commandes en entrepôts. Sous le feu des projecteurs, ces quelques illustrations ne reflètent que la partie émergée de l'iceberg des bouleversements que traversent les acteurs de la supply chain.
"Face aux géants de la logistique, des centaines de start-up et petites entreprises se développent en apportant des solutions innovantes jusque-là inexistantes", constate Mehdi El Alami, directeur en charge de l'activité Logistique chez Roland Berger Strategy Consultants. En quête perpétuelle de gisements inédits de productivité, ces entreprises vont jusqu'à bousculer les savoir-faire et les modèles économiques établis en misant sur la R&D, la montée en gamme et/ou l'ultra spécialisation métier. Une bataille dans laquelle leurs meilleures armes restent sans conteste les nouvelles technologies.
La montée en flèche de l'automatisation
Le stockage nouvelle génération commence dès l'entrepôt. "Le marché de la robotisation et de l'automatisation des processus d'entreposage explose ces dernières années, souligne Nathalie Fabbe-Costes, directrice du Cret-Log, centre universitaire de recherche sur le transport et la logistique. Cette tendance de fond a émergé au début des années 1980 mais la technologie de l'époque n'était alors pas assez mature. Aujourd'hui, des automates souples, modulaires et reconfigurables à l'infini investissent les usines."
"Face aux géants, des centaines de start-up
et PME
apportent des solutions innovantes."
Face à des métiers pénibles de plus en plus en tension et des logiques de réduction de coûts, ces initiatives sont lorgnées de près par les géants du secteur. Créée en 1975, la PME rennaise BA Systèmes a ainsi doublé son effectif en cinq ans (160 salariés en 2015, contre 70 en 2010) en développant des robots mobiles en collaboration avec de grands industriels comme Bouygues Travaux Publics ou Système U (chariots automatiques, bras robotisé pour des tâches de manutention, etc.). Si bien que l'entreprise diversifie son activité vers le domaine médical ou l'automatisation de véhicules portuaires.
Avec sa Movebox, la société seine-et-marnaise Balyo (60 salariés - 3,3 M€ de CA en 2014) transforme de son côté n'importe quel chariot élévateur en robot intelligent capable de se déplacer tout seul grâce à un système de détection embarqué (lire le témoignage de son dirigeant). On peut encore citer le cas des start-up Boa Concept et son concept de convoyeur modulaire innovant, Proxipi et son système interactif de prévention des collisions entre engins ou encore EOS Innovation et son robot de surveillance d'entrepôts.
Le bon filon de la traçabilité
La dynamique de l'innovation ne s'arrête pas aux portes des hangars et contamine toute la chaîne de distribution. À l'heure du Big Data et de la mondialisation, de nombreux nouveaux entrants ont capté l'enjeu capital de la gestion des flux physiques et de données mais également de l'impératif de traçabilité. "La logistique industrielle suppose un pilotage des risques partagé où l'innovation va d'abord venir de l'optimisation collaborative des process", analyse Philippe Deysine, délégué général du pôle de compétitivité logistique Nov@log.
Tracers Technology ou encore ELA Innovation se sont, par exemple positionnées sur le contrôle de la chaîne du froid. Grâce au marché de l'internet des objets, Editag propose quant à elle une solution RFID permettant d'assurer en temps réel le suivi des approvisionnements et l'optimisation des stocks et commandes entre fournisseurs et entreprises clientes.
"À ce niveau, l'innovation n'est pas tant technologique qu'organisationnelle, estime Nathalie Fabbe-Costes (CRET-LOG). Certaines PME spécialisées sur le transport intermodal telles que la société TAB leader du rail-route [Raison sociale : Soc Transports Auto Brunier] ont en particulier réussi à faire la différence en supprimant les ruptures de charge, souvent très coûteuses. Des initiatives pilotes autour de la mutualisation logistique interentreprises commencent également à voir le jour."
En chiffres :
- 60 millions de m2 d'entrepôts de plus de 5000 m2
- 1,8 million d'emplois
- 144,6 Mds € de CA dans le transport de marchandises et l'entreposage
- La France au 13e rang mondial du secteur
Nouvelle donne pour la logistique urbaine
De la start-up Cubyn qui se charge de l'intégralité de la préparation des commandes de professionnels, aux services de livraison express de Colisweb ou Deliver.ee, la logistique urbaine se voit elle aussi totalement remodelée, face à une clientèle et des municipalités de plus en plus exigeantes. De nouvelles offres apparaissent de même sous l'impulsion de l'économie collaborative.
La start-up Shippeo met ainsi en relation les chargeurs (industriels, distributeurs...) et les transporteurs pour améliorer la visibilité des prestations de transporteurs, optimiser les flux et assurer un suivi en temps réel des livraisons via une application dédiée. Sur le principe du covoiturage, WeTruck commence, elle à tester un service de co-camionnage entre routiers et particuliers.
"On voit émerger des modèles économiques disruptifs où le citoyen devient un nouvel acteur de la chaîne pour gagner en réactivité", souligne Philippe Deysine (Nov@log). À Paris, le site Tok Tok Tok se positionne par exemple en proposant de déléguer ses achats et sa livraison en moins d'une heure à un "runner" professionnel ou indépendant (ex : artisan, étudiant à son compte, etc.). La logistique, elle aussi, aura bien du mal à passer entre les mailles du filet de l' "ubérisation" galopante des économies occidentales.
Le témoignage de Fabien Bardinet, directeur général de Balyo
"L'automatisation des entrepôts est inéluctable"
En 2013, Balyo ne comptait que 35 salariés. Aujourd'hui, la PME basée à Moissy Cramayel (Seine-et-Marne) en emploie plus de soixante et enregistre une croissance à deux chiffres. Son credo : l'automatisation de chariots élévateurs en entrepôt.
Elle a mis au point une Movebox qui, une fois fixée sur le chariot, le transforme en robot intelligent capable de se déplacer tout seul dans un environnement complexe sans ligne de sol, réflecteur ou intervention d'un opérateur. Pour commercialiser leur innovation, les dirigeants se sont accociés à Fenwick-Linde, l'un des plus importants constructeurs de matériels de manutention du monde.
"Aujourd'hui, 100 chariots sont installés chez une dizaine de clients de tous secteurs. Outre la France, nous sommes pour l'heure présent en Allemagne, en Espagne, en Belgique et aux États-Unis", détaille Fabien Bardinet, directeur général de Balyo. Lui l'assure, "l'automatisation des entrepôts est inéluctable qui sera, contrairement à une idée reçue, bénéfique à tout le monde".
Le chef d'entreprise voit en effet dans ce "mouvement de fond accessible à tous" l'opportunité pour les industriels et logisticiens de monter en gamme en transférant leurs ressources humaines vers des tâches plus complexes et donc, à plus forte valeur ajoutée. Balyo compte bien en tout cas surfer sur cette tendance pour atteindre d'ici à 2020 un chiffre d'affaires de 100 M € , contre 3,3 M € l'année dernière.
Balyo
Manutention / Moissy Cramayel (Seine-et-Marne) / Dirigeants : Fabien Bardinet, 44 ans et Thomas Duval, 39 ans / SA à conseil d'administration / Création en 2005 / 60 salariés / CA 2014 : 3,3 M€
Et ailleurs ?
ÉTATS-UNIS. Deliv.co, l'Uber de la livraison
L'entreprise américaine Deliv.co permet aux e-commerçants et enseignes de proposer à leurs clients, une livraison le jour J. Afin de tenir ces délais, elle s'appuie sur une large communauté de "drivers", des particuliers disponibles, situés au plus proche des lieux de retrait et de livraison.
ALLEMAGNE. Itizzimo en réalité augmentée
Des lunettes intelligentes capables d'assister en temps réel les manutentionnaires en entrepôt ? C'est le pari que s'est donné la start-up allemande Itizzimo en créant son application SAP de réalité augmentée. Connectée aux lunettes, elle est capable de guider et d'informer de manière interactive les opérateurs, notamment dans la préparation des commandes. Le concept est encore en phase de test.
BELGIQUE. Borderlinx abat les frontières de la logistique
Calcul automatique des taxes douanières, livraison express, suivi de l'acheminement, gestion des retours... La start-up belge Borderlinx a mis au point un algorithme et un service dédié à tous les e-commerçants qui exportent. Une offre innovante qui lui a permis de remporter le "e-commerce award de la logistique" lors salon E-commerce Paris 2014.
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