Quand l'inflation met KO la trésorerie d'entreprise
Hausse des coûts de financement avec de forts taux d'intérêt, effets de « pincement » sur la trésorerie d'exploitation, allongement des délais de paiement... l'inflation heurte de plein fouet la trésorerie des entreprises. Comment y faire face ?
L'inflation annuelle dans l'Hexagone était de + 4,9 % en 2023 selon l'Insee. Et selon le dernier rapport KPMG Global Economic Outlook, l'inflation régresse en France (2,4 % en 2024) et dans le monde (5 % en 2024). Malgré cette tendance à la baisse, les trésoreries d'entreprises se trouvent en difficulté. « L'inflation engendre un risque de pincement sur la trésorerie d'exploitation notamment pour les entreprises qui n'ont pas pu la répercuter sur leurs prix de vente. Mais également une hausse du coût de financement avec de forts taux d'intérêt », détaille Stéphanie Rousseau, présidente de la commission de financement au sein de l'AFTE. Un avis partagé par Denis le Bossé, président d'Arc, cabinet de recouvrement de créances : « Le cash coûte de plus en plus cher aux entreprises. » Pour y remédier, les daf doivent mieux centraliser leurs liquidités, savoir anticiper les besoins de financement et préserver leur trésorerie.
Rolling forecast et scénarios d'inflation
« Il s'agit de gérer les swings de BFR », pour Stéphanie Rousseau. Pour cela, les daf doivent miser sur le rolling forecast et mettre à jour régulièrement leurs données mais aussi modéliser les effets de l'inflation sur leur trésorerie en élaborant des scénarios pour évaluer les impacts sur la santé financière de l'entreprise, selon la plateforme de gestion financière Regate : « Vous devez par exemple être capable de mesurer l'effet d'une augmentation de prix de X % de votre principal fournisseur sur votre BFR (besoin en fonds de roulement) ou sur votre rentabilité. De la même manière, vous devez pouvoir évaluer l'impact d'une hausse de Y % de vos tarifs. Pour ce faire, vous devez matérialiser le budget et les objectifs de votre entreprise sous forme de compte d'exploitation, et l'actualiser le plus régulièrement possible pour intégrer les changements liés à l'actualité. »
Optimiser les liquidités
Le daf doit également optimiser les liquidités de l'entreprise en allant trouver les meilleurs placements. « L'accès aux liquidités est bel et bien là, autant du côté des marchés bancaires que des investisseurs », constate Stéphanie Rousseau. « Il s'agit donc de faire travailler ces liquidités rapidement sur des supports sécurisés à court terme tout en s'assurant que ces investissements couvrent au maximum la valeur du coût de la dette. Et donc que le rendement actif est supérieur au coût de financement. » Ainsi, certains placements affichent aujourd'hui des taux de rendement de près de 4 %. « Il existe un changement de paradigme dans l'approche du financement lié à l'évolution du contexte de marché : il faut s'assurer que la dette reste soutenable, tout en diversifiant la maturité et les types de financement », prévient cependant Stéphanie Rousseau. Pour Sandrine Ngo Hagbe, vice-présidente de la commission ETI de l'AFTE : « Il existe des opportunités de placement pour les ETI. Cependant, la hausse des taux induit des contraintes de trésorerie qui se répercutent sur le risque clients avec l'allongement des délais de paiement. »
Allongement des délais de paiement et affacturage
Le sujet des délais de paiement est en effet incontournable dans la gestion de la trésorerie des entreprises. Ainsi, en 2021, selon le rapport annuel de l'Observatoire des délais de paiement, le trou dans la trésorerie des TPE-PME était estimé à 12 milliards d'euros. « Il faut travailler son poste client », selon Denis le Bossé, président du cabinet Arc. En résumé, il s'agit d'aller chercher les factures impayées auprès de ses clients. Et si l'affacturage demeure une solution très intéressante, il s'affiche néanmoins aujourd'hui comme trop coûteux et non rentable par 84 % des entreprises interrogées dans le baromètre du cabinet Arc d'octobre 2023. « Les frais de fonctionnement de l'affacturage sont de 1 à 2 %. À cela s'ajoute le coût du financement généralement égal au taux Euribord + 2 points, soit un total de près de 7 %, c'est conséquent. Le coût de l'affacturage absorbe bien souvent la marge de l'entreprise », souligne Denis le Bossé.
Culture cash
Savoir diffuser la culture cash au sein de l'entreprise est également essentiel. « Il faut savoir faire preuve de pédagogie et communiquer sur la culture cash au sein des diverses entités de l'entreprise. Il s'agit d'expliquer aux opérationnels et aux achats par exemple, que dans les contrats se joue la question du cash clients et que tout ce qui est négocié avec leurs clients peut avoir un impact sur la trésorerie de l'entreprise comme par exemple l'insertion des clauses d'acomptes mises en place par certains fournisseurs », conclut Stéphanie Rousseau.
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