Louis Schweitzer, Commissaire général à l'Investissement: " De tempérament et de vocation, je suis plus contrôleur de gestion que directeur financier "
Louis Schweitzer, ex-président de la HALDE, éclaire ici les conditions d'éligibilité aux programme d'investissements d'avenir. Il déplore aussi le manque d'ambition des ETI et livre son regard sur la fonction finance en entreprise, lui qui fut directeur finance de Renault.
Quels sont les secteurs d'activité ou filières identifiés comme porteurs d'avenir par le Commissariat général à l'Investissement (CGI) ?
L'équation ne se pose pas vraiment ainsi. Il faut revenir à la philosophie de notre organisme : excellence, innovation et coopération. Que je traduis comme suit : nos financements vont à de "bonnes" entreprises - et non aux entreprises en difficulté - qui font de l'innovation, que celle-ci soit technologique ou porte sur des façons de faire. La coopération est un élément très important pour nous : c'est un domaine où la France est en retard, en comparaison à d'autres pays, que ce soit dans la coopération public-privé ou entre entreprises d'une même filière.
Selon moi, il n'y a pas de filière plus porteuse qu'une autre et nous ne nous interdisons pas de créer : il n'y a pas de filière bois dans notre pays, mais on peut le faire, d'autant que ce secteur recèle un vrai potentiel d'innovations. Pour répondre à votre question et sans pour autant parler de secteurs d'avenir, nos derniers appels à projets ont porté sur l'agroalimentaire, secteur sur lequel nous sommes beaucoup montés en puissance ces douze derniers mois, l'environnement, notamment le recyclage, la silver economy, la santé publique et, bien sûr, le numérique.
Comment une PME ou une ETI peut-elle bénéficier d'un financement au titre d'un investissement d'avenir ?
En tant que porteuse ou intervenante d'un projet dans le cadre de nos appels de projets ou manifestations d'intérêt. D'ailleurs, nous tenons compte du grand besoin de réactivité de ces entreprises. Nous avons donc simplifié et accéléré nos procédures. Désormais, sur notre site, nous publions un document pour chaque appel et un résumé, d'une seule page, pour permettre à l'entreprise de rapidement jauger s'il y a lieu d'aller plus avant. Pour les projets modestes, ceux d'un montant inférieur à un million d'euros, nous veillons à tenir un délai de trois mois maximum entre le dépôt du projet et l'accord d'investissement. Et nous développons en région un processus encore plus simple, avec un délai de deux mois maximum.
Contrôleur de gestion ou directeur financier, peu importe : descendez sur le terrain. Et faites-le savoir, c'est un élément de légitimité.
Du dépôt d'un projet à un éventuel accord de financement, quelles sont les différentes étapes ?
La définition de l'appel à projets ou de la manifestation d'intérêt revient au Commissariat. Mais nous sommes une petite équipe, moins de quarante collaborateurs. Aussi, l'instruction du dossier revient souvent à nos opérateurs (NDLR: Bpifrance le plus souvent). Les fonds sous forme de subventions, prêts, fonds propres, etc., sont débloqués après recommandation d'experts indépendants, qui examinent les projets soumis. Je précise que le Commissariat contracte directement avec les PME et ETI lorsque celles-ci participent à un projet et pas seulement avec le porteur du projet. Mais nous ne finançons jamais en totalité un projet.
Vous avez été directeur du contrôle de gestion, puis directeur financier de Renault : quelle vision avez-vous de ces fonctions ?
C'était il y a bien trop longtemps pour que je puisse me prononcer sur leur réalité ! Mais de tempérament et de vocation, j'avoue que je suis plus contrôleur de gestion. Au sein de l'entreprise, il n'est pas le plus populaire. Mais cette fonction tournée vers l'intérieur et qui a souvent une vision transversale de l'entreprise est là pour expliquer la vue d'ensemble, faire preuve de pédagogie. Je l'ai bien souvent constaté chez Renault : les commerciaux et les fabricants ne comprenaient pas le contrôle de gestion et y étaient quasi hostiles parce qu'ils n'avaient pas de vision globale de l'entreprise ni de comment leur contribution s'inscrivait dans la chaîne de production. Contrôleur de gestion ou directeur financier, peu importe : descendez sur le terrain. Et faites-le savoir, c'est un élément de légitimité.
Pour conclure, la parole est l'ancien président de la Halde. Quelles sont les discriminations les plus fréquentes en entreprise ?
J'en vois quatre. Dans le recrutement, c'est une discrimination fréquente et bien souvent inconsciente, celle qui consiste à limiter le plus possible le risque. Ce qui pousse le recruteur à choisir quelqu'un qui est proche de son propre profil. Et pour la gestion des personnes, les discriminations les plus fréquentes sont bien sûr le harcèlement, l'âge - la vieillesse en entreprise commence à 45 ans - et le plafond de verre. Ce plafond de verre ne concerne pas que les femmes : il s'applique aussi par un inégal effort de formation des gens selon leur formation initiale. Ceux qui ont une formation initiale de bon niveau ont davantage de chances de bénéficier de formations en continu, diplômantes ou certifiantes. Le décalage se creuse inévitablement. C'est une discrimination autant qu'un vrai gâchis.
A savoir
Proposer un projet au Commissariat Général à l'Investissement
Le CGI publie sur son site les appels à projets : citons "Systèmes électriques intelligents " qui sera clôturé en octobre 2016, Chimie du végétal et matériaux bioresourcés (clôture en février 2017) ou bien encore le concours d'innovation numérique, appel à projets continu. Pour prendre connaissance de l'ensemble des appels à projets et manifestations d'intérêt : www.gouvernement.fr/appels-a-projets-et-manifestations-cgi
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