Télétravail : quels sont les droits des employeurs ?
Le travail à distance n'a plus la cote chez les entreprises ! Certaines décident même de diminuer voire supprimer les jours de télétravail de leurs collaborateurs. Mais ce rétropédalage peut soulever plusieurs questions d'ordre juridique. Nous faisons le point avec deux avocates spécialisées en droit du travail.
Alors qu'il avait le vent en poupe durant la crise sanitaire, le télétravail n'est plus au goût de certaines entreprises. Mais quelles sont les marges de manoeuvre de celles-ci ? Pour répondre à cette question, le cabinet Voltaire Avocats a récemment organisé un webinaire pour faire un point sur les droits et devoirs des employeurs en la matière. Pour rappel, le télétravail est mis en place par un accord collectif ou une charte élaborée par l'employeur, après avis du comité social et économique (CSE). En l'absence d'accord ou de charte, le salarié et l'employeur peuvent tout de même convenir de recourir au télétravail « mais il est toujours préférable de formaliser l'accord entre le salarié et l'employeur », précise Anne Vincent-Ibarrondo, avocate associée chez Voltaire Avocats.
Une pratique réversible
Sauf circonstances exceptionnelles ou force majeure, l'employeur comme le salarié peuvent refuser le télétravail. L'employeur doit toutefois motiver son refus lorsque le collaborateur occupe un poste éligible au télétravail.
De même, le télétravail est réversible pour les deux parties, sauf dans l'hypothèse d'un télétravail contractualisé, mais ce genre de contrat prévoit généralement une clause de réversibilité. « Il n'y a pas de droit acquis au télétravail, il s'agit d'une organisation collective du travail qui n'est pas irréversible », confirme Anne Vincent-Ibarrondo. Les conditions de retour à une organisation sans télétravail doivent être prévues dans l'accord collectif. Toutefois, lorsque le télétravail est préconisé par le médecin du travail, l'employeur est tenu de prendre en considérations cet avis. « Il peut tenter d'argumenter et de convaincre le médecin du travail en proposant des alternatives mais si ce dernier persiste, l'employeur a tout intérêt à s'y conformer », conseille Olivia Guilhot, avocate associée chez Voltaire Avocats. Si elle ne suit pas l'avis du médecin, l'entreprise engage sa responsabilité pour violation de son obligation de sécurité envers le salarié.
Quid du télétravail dans un lieu très éloigné du bureau ?
Lorsque le télétravail s'est démocratisé, certains collaborateurs ont fait le choix de déménager loin de leur lieu de travail. Ce qui pose problème lors d'une diminution ou suppression du télétravail. Dans ce cas, le salarié n'est pas tenu de déménager, mais il doit être en capacité d'exercer correctement ses missions. Si le salarié est libre de choisir son domicile, un éloignement géographique peut bouleverser l'économie du contrat, notamment en cas de réduction ou d'arrêt du travail à domicile. "Cela allonge les déplacements et génére des coûts liés à ces déplacements", pointe Olivia Guilhot, qui conseille de se référer à l'accord ou à la charte de télétravail. Ces derniers peuvent d'ailleurs interdire le télétravail à l'étranger. Pour l'avocate, cette pratique dans un pays étranger ne s'improvise pas. Elle peut avoir de multiples incidences sur la loi applicable au contrat, le régime de sécurité sociale applicable, le régime d'imposition du salarié et la nécessité d'obtenir préalablement une autorisation de travail. « Le télétravail à l'étranger ne peut s'exercer à l'insu de l'employeur. Le salarié doit rester loyal et dialoguer avec l'employeur », indique Olivia Guilhot, qui appuie ses propos en citant le cas d'un salarié licencié pour faute grave après avoir dissimulé télétravailler au Canada et avoir refusé de reprendre le travail en présentiel.
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