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ERP boomerang : comment éviter le retour des mauvaises habitudes ?

L'implémentation d'un ERP Finance marque un tournant pour l'entreprise... mais souvent, six mois après, les équipes continuent d'utiliser les anciens reportings. Ce réflexe persiste par habitude et manque d'adaptation. Comment l'éviter et pérenniser les bénéfices liés à la transformation ? Réponse dans cette tribune de Thuy-Trang Doan et Erwan Besco de Julhiet Sterwen.

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ERP boomerang : comment éviter le retour des mauvaises habitudes ?

L'arrivée d'un ERP a des impacts forts sur les collaborateurs(trices) des directions financières. Elle nécessite de nouveaux usages spécifiques à leurs métiers, de nouveaux réflexes, difficiles à mettre en oeuvre, et surtout à ancrer. Comment font les entreprises qui réussissent à relever le challenge ? Quel accompagnement concret mettent-elles en oeuvre ? Trois clés s'imposent : les analyses d'impact ; l'appui sur un Business Process Owner (BPO) garant des nouveaux processus ; et l'activation de communautés et de managers pour une diffusion durable des bonnes pratiques.

L'évolution s'ancre au plus tôt

Ancrer un changement dans la durée, c'est le comprendre. Pourquoi changer ? Répondre à cette question est essentiel, dès le démarrage. Le changement ne pourra s'ancrer durablement que si chaque métier de la finance impacté comprend le sens de la transformation à son niveau.

Un projet de mise en place d'ERP a souvent des impacts perçus comme forts par les comptables, assistants de gestion et contrôleurs de gestion. Leurs tâches mensuelles, comme les clôtures ou les analyses d'écarts, s'appuient souvent sur des outils comme Excel, des pré-analyses automatisées ou des raccourcis spécifiques. Ces habitudes, bien ancrées, expliquent les réticences face à la mise en place d'un nouvel ERP. Pour les lever, il est indispensable de préciser de manière spécifique à chaque métier les opportunités significatives apportées par l'ERP : digitalisation, simplification et optimisation des données... C'est pourquoi une analyse d'impacts est indispensable. Menée dès le lancement du projet, elle permet de cartographier les « personae », représentant chaque rôle concerné, de clarifier les conséquences du projet pour elles et d'anticiper les besoins d'accompagnement au changement.

Cette démarche est à reproduire à chaque étape clé du projet, rendant le changement de plus en plus concret. En effet, au lancement du projet, les impacts sont globaux. Ensuite, lors de la phase de conception, ils deviennent de plus en plus spécifiques. Cela permet de les décliner en pratiques précises, que l'on peut introduire aux collaborateurs(trices) via des sessions de « Découverte ». Enfin à l'approche du Go-Live, la vision de l'évolution de chaque métier de la Finance ainsi que les nouveaux processus et pratiques sont partagés à tous lors de formations, pour une vision et une compréhension globales.

Le BPO, acteur clé du changement

Ancrer un changement dans la durée, c'est l'incarner. Le Business Process Owner (BPO) est une pierre angulaire. En tant que propriétaire des nouveaux processus financiers, il incarne le changement. Il doit agir tout au long du projet pour soutenir la construction spécifique du sens de la transformation pour chaque métier de la direction Financière. C'est pourquoi il est essentiel de mobiliser autour de lui les bons acteurs, les référents de demain, pour co-construire les nouvelles pratiques pérennes.

Le BPO intervient dès la phase de conception pour structurer, collecter les informations et construire une vision éclairée. Il garantit un alignement opérationnel en s'appuyant sur la mobilisation de référents métier, sachants et futurs Key Users au sein de chaque service, direction, entité. Grâce à eux, il dispose d'une vision d'ensemble sur les pratiques actuelles et des pain points. Cela lui permet de définir les processus cibles qui seront déclinés en pratiques à l'issue de la phase de conception. Il oriente ainsi les nouveaux processus selon les objectifs stratégiques de l'entreprise et garantit l'alignement opérationnel. Il est également l'acteur clé pour concevoir des formations adaptées aux besoins réels des utilisateurs.

Le rôle du BPO va au-delà du déploiement de l'ERP, pour inclure l'évolution continue des processus. En tant qu'incarnation du changement, il est un acteur clé lors des séminaires et ateliers. En effet, il partage sa vision de l'évolution des métiers de la Direction Financière sur son domaine d'expertise métier, assurant un lien fort entre technologie et collaborateurs. Il peut ainsi garantir l'ancrage à long terme et éviter tout retour en arrière.

Les réseaux, garants de la pérennité des nouvelles pratiques

Enfin, ancrer un changement de la durée, c'est le diffuser à tous les niveaux de l'organisation. Cela passe par la mise en place de communautés organisées, directement connectées avec les équipes Finance, et par le soutien actif des managers.

Plusieurs typologies de communautés sont à prévoir : des Key Users pour fournir un support de premier niveau ; des Ambassadeurs, pour relayer les informations ; une Communauté d'experts métiers pour le partage des bonnes pratiques et la pérennité des nouveaux processus. Cette dernière est clé : elle détecte les dérives potentielles et évite les retours aux anciennes méthodes.

Pour assurer leur efficacité, ces communautés doivent être structurées et régulièrement animées, notamment à travers des groupes de travail. Ces derniers permettent de repérer les meilleures pratiques tout en identifiant les contournements possibles. Par exemple, un utilisateur pourrait exporter des données de l'ERP dans Excel pour effectuer des ajustements manuels avant de les réimporter, perturbant ainsi la standardisation des processus et réduisant les bénéfices de l'automatisation.

Les rencontres exceptionnelles, quant à elles, offrent des opportunités de partager les bonnes pratiques. Elles permettent d'aligner les communautés sur les points de vigilance, tout en renforçant leur engagement et leur dynamique collaborative.

Enfin, les managers jouent également un rôle central en s'assurant que les nouvelles pratiques sont comprises pendant le projet et appliquées dans le temps. En tant que relais et garants du changement, ils doivent être sensibilisés à l'importance du suivi des actions et encourager l'engagement de leurs équipes dans les communautés. Grâce à leur soutien, ils contribuent activement à limiter le retour aux anciennes méthodes en renforçant l'utilisation des processus mis en place.

Une transformation financière pérenne repose sur une approche proactive et continue. Elle nécessite la mise en place de nouvelles pratiques claires pour chaque métier, l'identification d'acteurs clés (BPO), un solide réseau de Communautés locales et de managers. Ainsi, l'entreprise peut s'assurer que le changement ne sera pas éphémère. L'effet boomerang pourra être évité et l'organisation pourra tirer pleinement profit de sa transformation.

Cette approche repose sur une évidence souvent oubliée : une transformation financière ne se résume pas à la mise en place d'une solution ERP, mais repose sur les personnes qui mettent en pratique cette transformation chaque jour. En misant sur l'engagement de chaque métier de la fonction Finance, l'organisation peut créer un écosystème vertueux. Le changement y est durable, car ancré dans des pratiques collectives partagées. L'ERP devient alors non seulement un outil performant, mais le socle d'une culture d'amélioration continue au service de l'agilité.


Les auteurs : Thuy-Trang, Partner Finance chez Julhiet Sterwen, en charge des activités d'accompagnement projets de transformations liées de la fonction finance et l'évolution des métiers de la finance.
Erwan Besco, Senior Manager chez Julhiet Sterwen, est expert en conduite du changement et a accompagné plusieurs projets de transformation de la fonction finance.

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