L'instance commune, une opportunité pour les entreprises d'au moins 300 salariés
Dans le cadre de la loi Rebsamen, les entreprises d'au moins 300 salariés peuvent constituer une instance commune. L'intérêt d'un tel dispositif est d'adapter "sur mesure" la représentation du personnel à la configuration particulière de chaque entreprise.
DP + CE, DP + CHSCT, CE + CHSCT ou encore DP + CE + CHSCT...
En permettant de regrouper les délégués du personnel (DP), le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ou seulement deux de ces institutions, au niveau de l'entreprise et/ou de tout ou partie de ses établissements, l'instance commune créée par la loi Rebsamen a pour premier attrait sa grande souplesse.
De plus, le périmètre du regroupement peut être plus réduit ou plus étendu que l'entreprise : l'instance commune peut être mise en place au niveau d'un ou plusieurs établissements distincts d'une entreprise, voire selon des modalités différentes entre établissements concernés : DP + CHSCT dans un établissement, CE + DP + CHSCT dans un autre ; ou au niveau d'une unité économique et sociale (UES) comportant au moins 300 salariés ; ou encore au sein d'une ou plusieurs entreprises composant une UES, quel que soit leur effectif respectif, dès lors que l'effectif de l'UES elle-même est d'au moins 300 salariés.
L'instance commune peut ainsi être adaptée aux spécificités de l'entreprise, à ses différents niveaux de centres de décision, tout en préservant l'ensemble des attributions des institutions faisant l'objet du regroupement.
Exemple
Un siège social et des sites de production, s'ils constituent des établissements distincts, n'auront pas nécessairement des instances communes similaires, le siège social pouvant par exemple préférer un regroupement des trois instances alors que des sites de production regrouperont peut-être les DP et le CHSCT, laissant le CE propre à chaque établissement, en dehors de l'instance commune.
En pages suivantes: accord majoritaire, fonctionnement de l'instance...et des conseils pratiques!
L'auteur
Maître Stéphanie Dumas, associée du cabinet Flichy Grangé Avocats
Fort d'une équipe de 66 avocats, dont vingt associés, le cabinet Flichy Grangé Avocats est l'un des acteurs majeurs du droit du travail et de la sécurité sociale en France. Ses avocats interviennent notamment dans les domaines suivants : restructurations, protection sociale, épargne salariale et avantages sociaux, négociation collective et durée du travail, santé et sécurité, sécurité sociale et régimes obligatoires, contentieux à risques, dirigeants, éthique et diversité, entreprises publiques.
Focus sur le CHSCT
Lorsque le CHSCT est compris dans l'instance commune, l'accord doit prévoir un nombre minimal de réunions consacrées -au moins quatre par an-, en tout ou partie, aux sujets propres au CHSCT. L'accord doit aussi mettre en place une commission hygiène, sécurité et conditions de travail au sein de l'instance commune, qui exercera par délégation tout ou partie des attributions du CHSCT pour le compte de l'instance. L'intérêt d'une telle commission est d'aborder en formation plus restreinte certains sujets, sans avoir à convoquer l'ensemble des membres de l'instance commune, ce qui pourrait dans certains cas s'avérer lourd et contre-productif (on pense notamment au cas du danger grave et imminent qui nécessite une réunion urgente).
En conclusion, l'instance commune constitue "sur le papier" une réelle opportunité d'allégement du fonctionnement des institutions représentatives dans les entreprises d'au moins 300 salariés, et d'adaptation à l'organisation spécifique de l'entreprise, pourvu que les organisations syndicales y consentent. Plus qu'une réduction comptable du nombre de salariés protégés et du volume d'heures de délégation, qui serait vraisemblablement de nature à freiner les organisations syndicales à la conclusion de l'accord majoritaire, l'instance commune devrait surtout permettre une simplification de la gestion matérielle de l'instance, en évitant de multiplier les réunions portant sur le même sujet et, in fine, devrait améliorer la fluidité du dialogue social. -
à savoir
- La loi Rebsamen , promulguée le 17 août 2015, ne pourra être effective s'agissant de l'instance commune qu'après la publication des décrets d'application... initialement prévue pour novembre et décembre 2015.
- Il n'est pas prévu par les textes que l'instance commune puisse englober le comité de groupe ou le comité d'entreprise européen.
- L'accord majoritaire a vocation à définir des règles de fonctionnement de l'instance commune "sur mesure", la loi ne prévoyant que des règles supplétives (dont la plupart sont donc en attente de la publication des décrets d'application).
- L'accord peut organiser d'autres commissions (économique, formation, information et aide au logement des salariés, égalité professionnelle).
- La commission des marchés (du CE) reste obligatoire si l'instance en remplit les conditions (CE dépassant deux des trois seuils suivants : 50 salariés ; 3,10 M€ HT de chiffre d'affaires ; 1,55 M€ de bilan)
- Enfin, la suppression de l'instance commune est possible par dénonciation de l'accord la créant, qui fait courir un préavis de trois mois. L'employeur procède alors à de nouvelles élections et le mandat des membres de l'instance est prolongé jusqu'à la mise en place des institutions séparées.
Le fonctionnement de l'instance commune
L'accord majoritaire fixe le nombre minimal de réunions (une tous les deux mois au minimum) et les modalités d'établissement et de communication de l'ordre du jour (délais de communication, support utilisé, ordre du jour unique ou ordres du jour distincts pour chaque institution comprise dans l'instance commune...).
En pratique
Dans la mesure où la composition de l'instance est variable selon que les thèmes abordés relèvent du CE ou du CHSCT, il paraît prudent d'établir un ordre du jour avec des horaires différents selon les thèmes abordés pour permettre, au cours de la réunion, l'entrée et la sortie des différents intervenants selon l'institution concernée.
D'autres sujets pourraient également être utilement abordés par l'accord : la présidence de l'instance, qui pourrait être confiée à des représentants de l'employeur différents en fonction de l'importance des réunions et des sujets abordés, l'existence d'un secrétaire commun aux différentes institutions regroupées (notamment si l'on envisage un ordre du jour unique), la possibilité de rendre un avis unique si un sujet de consultation relève de deux institutions qui sont regroupées dans l'instance commune (CE et CHSCT)...
Les règles subsidiaires de fonctionnement sont celles du CE si celui-ci est inclus dans l'instance et, à défaut, celles du CHSCT.
Convaincre les organisations syndicales représentatives
Si l'intérêt que présente l'instance commune pour l'entreprise est facile à percevoir, encore faut-il réussir à convaincre les organisations syndicales représentatives de l'intérêt d'un tel regroupement pour elles. C'est dans les modalités de fonctionnement de l'instance, à définir dans l'accord majoritaire, que des pistes peuvent être trouvées.
Suppléants, heures de délégation...
L'accord précise également " le rôle respectif des membres titulaires et des membres suppléants ". Il devrait donc être possible de prévoir que les suppléants n'ont, par exemple, pas à assister systématiquement aux réunions, notamment lorsque le titulaire est présent.
Enfin, l'accord fixe le nombre d'heures de délégation et de jours de formation dont ils disposent (dans la limite de minima qui seront fixés par décret). Si la tentation risque d'être grande pour les entreprises de réduire le volume global des heures de délégation accordées aux salariés protégés, il conviendra de garder néanmoins à l'esprit la nécessité de rester attractif pour emporter la signature de l'accord par les organisations syndicales représentatives.
Nota bene
à défaut de précision dans l'accord, ce sont les règles fixées par décret qui s'appliqueront concernant le nombre de représentants, de jours de formation et d'heures de délégation.
La nécessité d'un accord majoritaire
La mise en place de l'instance commune est subordonnée à la conclusion d'un accord d'entreprise (ou un accord d'établissement, si le périmètre couvert est celui de l'établissement) avec les organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives au premier tour des dernières élections du CE (ou de la délégation unique, ou à défaut des DP). Il s'agit de la même majorité renforcée que celle exigée pour les accords portant sur les plans de sauvegarde de l'emploi.
C'est à l'occasion d'un prochain renouvellement -ou de la constitution_ de l'une des institutions (CE/DP ou CHSCT) que les entreprises pourront se poser pour la première fois la question de l'opportunité de négocier un tel accord. En ce cas, la durée des mandats des institutions regroupées devra être ajustée dans l'accord majoritaire, afin que leur échéance coïncide avec la date de proclamation des résultats des élections des membres de l'instance commune.
L'élection aura lieu selon les règles propres au CE si ce comité est inclus dans l'instance (c'est-à-dire avec un collège spécifique pour les cadres), ou selon les règles des DP dans le cas contraire.
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