Indemnités de rupture conventionnelle : vers une nouvelle taxe
Depuis sa création en 2008, le mécanisme de la rupture conventionnelle s'est imposé dans un grand nombre d'entreprises françaises. Plus de 900 000 contrats ont été clos via ce dispositif en quatre ans, et on en comptait 30 000 sur le seul mois de juin 2012. Ce procédé de séparation à l'amiable permet à l'employeur de se séparer de son salarié sans avoir à motiver sa décision. De son côté, l'employé qui quitte l'entreprise ne subit pas les inconvénients d'une démission, puisqu'il conserve ses droits au chômage et touche une indemnité de départ. C'est justement la fiscalité de cette indemnité qui est remise en cause dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Soupçons de fraude
Jusqu'à présent, dans le cas d'une rupture conventionnelle, le versement de l'indemnité était soumis à des cotisations sociales uniquement dans le cas où celles-ci dépassaient deux fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 72 744 euros en 2012. Mais le succès de l'opération a éveillé des soupçons de fraude. “Les ruptures conventionnelles ont été utilisées par certains employeurs comme instruments pour se séparer de salariés, souvent âgés, en échappant aux règles encadrant le licenciement”, pointe le projet de loi de finances.
Le gouvernement propose donc que la partie des indemnités sur laquelle il n'y a pas de cotisations sociales soit soumise à un forfait social de 20 %, dû par l'employeur. En clair, ce forfait, qui devrait faire rentrer 330 millions d'euros par an dans les caisses de l'État, pourrait donc s'appliquer dès le premier euro d'indemnité versé. En cas d'adoption de la loi par le Parlement, le coût supplémentaire pour l'entreprise pourra ainsi atteindre jusqu'à 20 % du plafond, soit 14 550 euros.
Vers un retour aux licenciements ?
Certains observateurs craignent que ce surcoût conduise les employeurs à délaisser la rupture conventionnelle. « En soumettant les indemnités de rupture conventionnelles à un forfait social de 20 %, le gouvernement va implicitement, mais nécessairement, encourager les employeurs à préférer un licenciement long et coûteux à un arbitrage rapide répondant aux attentes des deux parties, analyse Léa Faulcon, avocate spécialisée. En tout état de cause, le coût du forfait social sera inéluctablement répercuté indirectement sur le salarié qui verra son indemnité fortement réduite », estime-t-elle.
« Par ailleurs, on peut également imaginer le scénario d'une avalanche de conclusions de ruptures conventionnelles dotées d'un seuil inférieur à deux fois le plafond annuel de la Sécurité sociale avant la fin de l'année, et ce, afin d'éviter le forfait social de 20 % envisagé », ajoute-t-elle.
À noter que l'indemnité versée au titre de la rupture conventionnelle est exonérée d'impôts sur le revenu à condition que le salarié ne soit pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire.
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