Compte de pénibilité : malgré le report partiel, le temps presse
À compter du 1er janvier 2015, toutes les entreprises françaises devront mettre en place un compte personnel de prévention de la pénibilité pour chacun de leurs salariés. Un chantier de taille qui incombera aux Daf dans bon nombre de PME. Revue de détail.
Pour beaucoup d'entreprises françaises, il s'agira d'un chantier de taille. La loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite prévoit la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité au 1er janvier 2015, avec une généralisation à partir de 2016. La première année, seuls quatre des dix facteurs de risque listés seront pris en compte (travail de nuit, répétitif, posté ou en milieu hyperbare; pour en savoir plus, cliquez ici ). Le compte de pénibilité s'inscrit dans le prolongement direct de la réforme des retraites du 9 novembre 2010. Laquelle exigeait de l'employeur de consigner dans une fiche individuelle l'exposition de chaque collaborateur à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. L'idée était déjà de permettre aux salariés exposés sur une longue durée de pouvoir prétendre à un départ anticipé à la retraite. " Mais cela n'était pas automatique, il fallait qu'il y ait la reconnaissance d'une maladie professionnelle avec un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) d'au moins 10 % ", souligne Me Pascal Garcia, avocat associé et conseil en droit social chez Capstan. Par ailleurs, la loi de 2010 renvoyait à des facteurs de pénibilité qui étaient définis dans leurs principes (posture pénible, température extrême, etc.) mais pas dans leur intensité ni dans leur durée. Résultat : " Les entreprises ont dû, en interne, définir leurs propres seuils d'exposition, note Pascal Garcia. On s'est retrouvé avec des diagnostics différents d'une entreprise à l'autre. C'était illisible et très compliqué à mettre en oeuvre. "
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Un enjeu énorme...
Avec la loi du 20 janvier 2014, la donne a changé. L'objectif du compte personnel de prévention de la pénibilité est de permettre à chaque salarié exposé à un ou plusieurs facteurs, durant tout ou partie de sa carrière, d'acquérir des droits. Droits qui lui permettront de se former en vue de changer d'emploi, de réduire son temps de travail en fin de carrière avec maintien de sa rémunération, ou d'anticiper son départ à la retraite grâce au rachat de trimestres. " Désormais, il n'y a plus de notion de maladie professionnelle ni d'IPP, souligne Pascal Garcia. Le raisonnement n'est plus le même en termes de contraintes mais aussi de coût pour les entreprises. " D'autant que toutes sont concernées, quelle que soit leur taille ou leur secteur d'activité. " L'enjeu est énorme ", selon l'avocat.
Dans un premier temps, la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité va exiger des entreprises un travail de diagnostic. À ce titre, un décret attendu doit définir les seuils d'exposition pour chacun des dix critères de pénibilité (manutention manuelle de charges, postures pénibles, travail répétitif, travail de nuit, équipes alternantes, températures extrêmes, bruit, vibrations, risque hyperbare et risque chimique). Une fois le diagnostic effectué, l'entreprise devra rédiger une fiche individuelle pour chaque salarié sur la base d'un imprimé Cerfa qui sera ensuite transmis à la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat).
Financé par les entreprises
En l'état de ce que l'on sait actuellement, et dans l'attente d'un décret, un salarié exposé à un facteur de pénibilité cumulera sur son compte un point par trimestre, deux points s'il est exposé à plusieurs facteurs. Dans sa carrière, il pourra totaliser un maximum de 100 points qui pourront être convertis en formation, réduction du temps de travail ou rachat de trimestres. Par mesure d'équité, un régime de doublement des points devrait être accordé aux salariés âgés de plus de 52 ans au 1er janvier 2015. La mesure sera financée par les entreprises au titre de l'assurance retraite. Une première cotisation sera due par l'ensemble des employeurs sur la base de tous les salariés entrant dans le champ d'application de la loi. Le taux de cette cotisation sera fixée par décret dans la limite de 0,2 % de la rémunération. A cela s'ajoutera une cotisation additionnelle sur les salaires des travailleurs exposés : de 0,3 à 0,8 % pour ceux exposés à un facteur, et de 0,6 à 1,6 % pour ceux exposés à plusieurs facteurs. "Au final, l'addition peut-être extrêmement lourde ", estime Pascal Garcia.
Dans les PME, le Daf pourrait se retrouver en première ligne pour la mise en place du compte de pénibilité. Et le timing sera serré puisque la mise en place opérationnelle ne pourra intervenir qu'à partir de la parution du décret et au plus tard au 1er janvier 2015. A compter de cette date, toutes les entreprises devront déclarer l'exposition de leurs salariés à la Carsat et cotiser. En cas de manquement, l'entreprise risquera un contrôle de la Carsat, voire un recours éventuel d'un salarié devant la juridiction du contentieux de la Sécurité sociale. " L'enjeu pour le salarié est l'acquisition de droits et celui de l'entreprise de limiter le surcoût lié à l'exposition de ses employés, résume Pascal Garcia. Cela fait du compte de pénibilité un sujet de nature à générer des tensions. "
Avis d'expert
Antoine Aubois, associé du cabinet Akoya consulting, spécialisé en stratégie et management du capital immatériel.
Antoine Aubois, associé du cabinet Akoya consulting, spécialisé en stratégie et management du capital immatériel : " La pénibilité se paie forcément un jour ou l'autre "
Quel est le coût de la pénibilité ?
Parler du coût de la pénibilité uniquement pour les entreprises est, à mon sens, réducteur. Car le premier qui paie la pénibilité, c'est le salarié, il ne faut jamais l'oublier. Il existe aussi un coût qui incombe à la société en général, car les salariés vont développer des maladies professionnelles qui seront supportées par l'assurance maladie ou l'assurance chômage.
Et pour l'entreprise ?
En entreprise, la pénibilité va se traduire par des symptômes qui vont générer des surcoûts. Les plus évidents sont l'absentéisme, les accidents du travail et le turnover. Il faut distinguer les coûts directs (intérim, maintien de salaire...), indirects (coût de gestion administrative, perte de production...) et cachés (perte d'expérience, de qualité, coût en termes d'image...).
La direction financière de l'entreprise est donc directement concernée...
Travailler sur la pénibilité en entreprise nécessite un appui fort du management et notamment de la direction financière qui doit avoir une bonne vision des coûts générés. La pénibilité se paie forcément un jour ou l'autre. Agir sur ce terrain peut rapporter de l'argent à l'entreprise. Pour cela, il faut que la fonction financière perçoive ce travail comme un investissement et non comme une charge supplémentaire.
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