Directive européenne : Comment prendre en charge les lanceurs d'alerte ?
Le lanceur d'alerte pourra dorénavant procéder directement à une alerte externe et la protection sera étendue aux personnes physiques et morales ayant aidé le lanceur d'alerte. Il faut continuer à diffuser une culture de la compliance favorisant une prise en charge efficace de tout lanceur d'alerte.
Si la protection des lanceurs d'alerte en France est actuellement prévue par la loi Sapin II et le code du travail, celle-ci connaîtra des rebondissements du fait de la transposition prévue avant le 17 décembre 2021 de la directive européenne sur le sujet. Les entreprises doivent se préparer au nouveau régime de protection des lanceurs d'alertes et comprendre les nouveaux enjeux posés par les modifications apportées au régime actuel.
Le statut et la protection du lanceur d'alerte étant une matière complexe, au carrefour de plusieurs droits (droit social, droit pénal, protection des données personnelles, compliance), il est vivement recommandé aux entreprises d'interroger leur avocat référent pour se préparer au mieux aux évolutions à venir dans notre droit positif. En effet, la seule lecture des médias doit inciter à la prudence lorsque l'on prend conscience des risques et dommages réputationnels considérables provoqués par une alerte mal traitée.
La loi Sapin II impose, en son article 8, aux entreprises de plus de 50 salariés, l'établissement de canaux et procédures internes pour les signalements.
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1. Les conditions actuelles d'acquisition du statut de lanceur d'alerte
L'article 6 alinéa 1er de la loi Sapin II définit le lanceur d'alerte comme la personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, entre autres, un crime ou un délit, dont elle a eu personnellement connaissance.
En son article 8, cette même loi prévoit une hiérarchie des voies de signalement à suivre afin de bénéficier du statut de lanceur d'alerte :
- Signalement interne auprès du supérieur hiérarchique ;
- Signalement externe auprès des autorités judiciaires ;
- Signalement public, notamment via la presse ou les réseaux sociaux.
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Ainsi, seules les hypothèses dans lesquelles l'alerte interne n'a pas donné lieu à des vérifications dans un délai raisonnable ou la survenance d'un danger grave et imminent permettent au lanceur d'alerte d'adresser son signalement aux autorités compétentes. Ensuite, seul le défaut de réponse de l'autorité saisie dans un délai de 3 mois permet au lanceur d'alerte de rendre son signalement public en continuant à bénéficier de la protection inhérente à son statut.
2. La protection permise par le statut de lanceur d'alerte
Aux termes de l'article 9 de la loi Sapin II, la stricte confidentialité de l'identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l'ensemble des destinataires du signalement est garantie. Par ailleurs, le référentiel de la CNIL relatif aux dispositifs d'alertes professionnelles prévoit l'anonymat de certaines alertes, notamment si la gravité des faits est établie et les éléments factuels suffisamment détaillés.
Si le statut de lanceur d'alerte est défini par la loi Sapin II, son applicabilité ne se limite pas à celle-ci. Les entreprises doivent donc offrir une protection adéquate au lanceur d'alerte, indépendamment de l'objet de son alerte (lutte contre la corruption, discrimination, harcèlement au travail, etc.). Cela est particulièrement important, notamment s'agissant de la réalisation d'enquêtes internes.
Sous réserve du suivi des paliers prévus par la loi Sapin II et dès lors que le signalement a pour objet un délit ou un crime ou une violation visée par l'article 6 de la loi Sapin II et est réalisé de bonne foi, la personne à l'origine du signalement doit être protégée (1).
Par ailleurs, il faut préciser que la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés, et non de la seule circonstance que ces faits ne sont pas établis (2).
Cette protection, prévue à l'article L. 1132-3-3 du code du travail, permet au lanceur d'alerte de ne pas faire l'objet de représailles, telles qu'une mesure de licenciement (3) ou des comportements discriminatoires, de la part de son employeur ou de ses collègues.
3. Les modifications à venir au regard de la directive européenne
En l'état, le projet français de transposition de la directive européenne 2019/1937 ne modifie pas les trois procédures permettant de réaliser une alerte. Celle-ci peut être réalisée en interne, auprès d'organismes externes ou via une divulgation publique.
L'approche européenne supprime toutefois la hiérarchie procédurale entre les alertes internes et externes. Elle admet ainsi le signalement externe comme une première étape possible, tout en encourageant la réalisation de l'alerte interne. La proposition de loi indique ainsi que le signalement peut être porté à l'extérieur, soit directement auprès de l'autorité publique, soit en s'appuyant sur le Défenseur des droits. De surcroît, la directive impose aux entités d'ajuster leur dispositif d'alerte interne : le lanceur d'alerte doit recevoir un accusé de réception de son signalement dans un délai de 7 jours.
Par ailleurs, la protection initialement prévue pour le lanceur d'alerte sera étendue à ceux l'ayant aidé, tels que les personnes physiques au sein de l'entreprise visée ou les " facilitateurs ", c'est-à-dire les personnes physiques ou morales de droit privé à but non-lucratif ayant participé à favoriser le signalement (organisations syndicales, associations, organes de presse, etc.).
Les entreprises doivent donc se saisir de cette opportunité qu'est la transposition de la directive européenne pour s'assurer qu'elles assurent un statut protecteur aux lanceurs d'alerte, via la diffusion d'une culture de la compliance et d'une sensibilisation de tous les collaborateurs à ces sujets. En effet, le choix interne ou externe de la réalisation de l'alerte dépendra du degré de confiance dégagé par l'entité concernée et de la qualité de ses procédures de signalement.
Emmanuel Daoud, avocat associé au cabinet VIGO et membre d'AvoSial
1)(Cass. soc., 4 nov. 2020, n°18-15.669)
2) (Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-13.593)
3) (Cass., soc., 29 sept. 2021, n°19-25.989)
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