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Vidéosurveillance des salariés : cachez ces images que les tribunaux ne sauraient voir

Les éléments recueillis par l'intermédiaire d'un système de vidéosurveillance non conforme ne peuvent servir de preuve des fautes commises par un salarié : la sanction éventuellement infligée pourrait donc être jugée infondée.

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Vidéosurveillance des salariés : cachez ces images que les tribunaux ne sauraient voir
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Il est essentiel pour l'employeur de bien veiller au respect des règles encadrant la mise en place d'une vidéosurveillance car la moindre faille peut rendre inexploitable l'ensemble du dispositif.

L'employeur peut contrôler l'exécution du travail, surveiller et éventuellement sanctionner le salarié défaillant, notamment grâce à la prise de connaissance des courriels à caractère professionnel, la géolocalisation ou la vidéosurveillance. Cependant, la mise en place et de l'exploitation de ce type de dispositifs obéit à un cadre strict, destiné à assurer leur conformité aux principes de proportionnalité et de transparence. Dès lors que le respect des droits fondamentaux du salarié est en cause, l'atteinte doit nécessairement être justifiée et proportionnée au but recherché (article L. 1121-1 du code du travail).

Tout dispositif de contrôle disproportionné est illicite

La délicate conciliation entre les droits et libertés fondamentaux du salarié et les intérêts légitimes de l'entreprise a donné lieu à une abondante jurisprudence notamment en ce qui concerne la licéité de la preuve tirée d'un dispositif de surveillance. Dans un arrêt du 23 juin 2021, concernant un dispositif de vidéosurveillance, la Cour de cassation livre un nouvel exemple de la manière dont les juges apprécient l'étendue et les modalités de contrôle des salariés.

Un salarié qui travaillait comme pizzaiolo est licencié pour faute grave en raison de faits fautifs révélés par des images de vidéosurveillance. Les tribunaux ont tranché en faveur du salarié, estimant que " les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié est disproportionné au but allégué par l'employeur de sécurité des personnes et des biens, n'étaient pas opposables au salarié "(1). En l'espèce, le salarié exerçait seul son activité en cuisine, sous la surveillance constante d'une caméra qui y était installée. Selon les juges, quand bien même l'objectif affiché était d'éviter la réitération par le salarié de manquements aux règles d'hygiène et de sécurité, le dispositif était inapproprié compte tenu des circonstances.

Cette décision est dans la droite ligne de la position de la CNIL qui rappelle régulièrement que les salariés ne peuvent être placés dans une situation de surveillance constante de l'employeur (2).

En d'autres termes, les caméras ne doivent pas filmer les employés en continue, sauf circonstances particulières (employé manipulant de l'argent par exemple), et surtout pas à leur insu.

Un dispositif de contrôle non transparent devient inopposable

On rappellera en effet qu'un dispositif de vidéosurveillance n'est opposable que s'il a été dûment déclaré, selon les cas :

- à la Préfecture du département, si le dispositif est installé dans les lieux ouverts au public ; ou

- à la CNIL, si la vidéosurveillance est installée dans des lieux privées, sauf lorsque l'entreprise a désigné un correspondant informatique et libertés.

En outre, la vidéosurveillance doit avoir été dûment porté à la connaissance des salariés et de leurs représentants, notamment à travers une information et consultation du comité social et économique (CSE), lorsqu'il en existe un dans l'entreprise.

L'information préalable des salariés doit porter non seulement sur l'existence du dispositif, mais également sur l'utilisation qui peut en être faite à leur égard. Exemple : la preuve de l'heure d'arrivée et de départ de salariés, grâce à des images de vidéosurveillance a été déclarée illicite, donc irrecevable, dès lors que les salariés n'étaient pas informés de de l'existence de caméras (3).

Il existe néanmoins quelques exceptions à l'obligation d'information préalable des salariés. Ainsi, dans le cadre d'un procès pénal, les images obtenues illicitement sont tout de même utilisables, par exemple dans le cadre d'une plainte contre un salarié pour abus de confiance commis au préjudice de l'employeur (4).

De même, l'employeur est dispensé de l'obligation d'information préalable des salariés ou du CSE lorsque la vidéosurveillance ne filme que des lieux interdits aux salariés, ou du moins dans lesquels les salariés ne sont pas censés travailler, comme un entrepôt (5).

Le mauvais usage de la vidéosurveillance engage la responsabilité de l'employeur

En vertu de l'article 25 du Règlement Général de la Protection des Données (ou RGPD), l'employeur qui installer un dispositif doit :

- Informer les salariés sur les données personnelles qu'il collecte, d'une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples ;

- Intégrer le système de vidéosurveillance dans le registre des activités de traitement ;

- Réaliser une étude d'impact, notamment en prenant en compte les caractéristiques de la vidéosurveillance, les risques et les mesures adoptées.

En cas de manquement à ces obligations, la CNIL est habilitée à prononcer diverses sanctions, notamment des injonctions de cessation du système de vidéosurveillance, ainsi que des sanctions pécuniaires.

Seules des personnes habilitées peuvent visionner, dans le cadre de leurs fonctions, les images issues d'un système de vidéosurveillance, telles qu'un responsable de sécurité ou encore le Délégué à la protection des données.

Par ailleurs, l'employeur doit définir la durée de conservation des images issues des caméras, en lien avec l'objectif poursuivi. En tout état de cause, cette durée ne peut excéder un mois, sauf en cas de procédure disciplinaire ou pénale où les images pourront être conservées le temps de ladite procédure.

Les recours des salariés

S'agissant d'une mesure de gestion de l'entreprise, le salarié ne peut en principe refuser l'installation d'un dispositif de vidéosurveillance qui remplit les conditions précitées. S'il estime le dispositif irrégulier ou abusif, il peut agir en saisissant l'Inspecteur du travail, ou encore porter plainte au pénal. Précisons en effet que l'auteur d'un détournement de la finalité légitime d'un dispositif encourt une condamnation pouvant s'élever jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (article 226-21 du Code pénal). Le salarié peut également saisir la CNIL qui peut aller contrôler le dispositif et le cas échéant mettre en demeure l'employeur de se conformer à la loi ou le sanctionner.

Pour en savoir plus

Alexandre Ebtedaei, avocat associé est co-responsable du département droit Social du cabinet d'avocats FTPA. Il intervient, notamment en matière de restructuration d'entreprises, de licenciements individuels et collectifs, de relations avec les institutions représentatives du personnel et la gestion du personnel.

1 (Cass. Soc. 23 juin 2021, n° 19-13.856)

2 Délib. Cnil, n° 2010-112, 22 avr. 2010

3 Cass. Soc. 10 janvier 2012 n°10-23482

4 Cass. Crim. 6 avril 1994 n°93-82717

5 Cass. Soc. 19 avril 2005, n°02-46.295


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