Immobiliers d'entreprises : comment répartir équitablement la taxe foncière entre les occupants ?
Taxes foncières, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe sur les bureaux en Ile-de-France, taxe de balayage, etc... Elles sont généralement refacturées aux occupants. Mais quels sont les modes de calculs ? Comment les vérifier ?
Les baux commerciaux prévoient habituellement la refacturation des taxes locales incombant légalement au propriétaire des locaux loués. Mais dans la quasi-totalité des baux, les modalités de calcul des refacturations sont très évasives ! Concernant plus particulièrement la taxe foncière (TF) et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), des litiges peuvent naître entre propriétaires et locataires avec des retards de paiement ou des avances excessives de charges.
Dans quelles situations la refacturation de la taxe foncière pose-t-elle problème ?
Si, dans le cas d'un immeuble loué par un occupant unique, le montant de la taxe refacturé ne soulève pas de difficulté particulière, il en est autrement quand l'immeuble est en multilocation.
En effet, l'avis d'imposition reçu par le propriétaire est présenté par adresse et non par occupant. Il revient alors au propriétaire - ou à son gestionnaire - de répartir lui-même la taxe entre les occupants en utilisant une clef de répartition très souvent contestable et contestée.
Pourquoi la simple répartition de la taxe foncière proportionnellement aux surfaces louées est-elle critiquable ?
Les taxes foncières sont - à l'exception des établissements industriels ou exceptionnels - assises sur la surface des propriétés à laquelle est appliqué un tarif d'évaluation. Il est vrai que pour un bâtiment n'abritant qu'un seul type d'activité - comme un immeuble de bureau ordinaire - la répartition de la taxe foncière, faite au prorata des surfaces louées rapportées à la surface totale louable de l'immeuble, peut assez souvent répondre au besoin.
En revanche, les sources de conflits s'amplifient en présence d'un bâtiment qui abrite différentes activités (bureaux, commerces, entrepôts, parkings, habitations). En cause ? Les modalités d'évaluation des bases d'imposition, par les services fiscaux, qui sont spécifiques à chaque catégorie de locaux aboutissant à des ratios de taxe foncière par mètre carré différents selon l'affectation du local.
Et lorsque, parmi les occupants, certains sont susceptibles de bénéficier d'une exonération de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères en raison de leur statut ou d'une exonération de taxe foncière en raison de leur activité, la répartition peut vite devenir un casse-tête !
Lire aussi : Cegid lance Cegid Tax Flex
Comment calculer la quote-part de taxe foncière de chaque occupant ?
Les propriétaires avisés et soucieux de conserver un bon relationnel avec leurs locataires ont tout intérêt à justifier la refacturation des taxes foncières, en s'appuyant sur les revenus cadastraux portés sur le relevé cadastral de leur propriété.
Il s'agit alors d'identifier, dans la documentation cadastrale mise à jour chaque année, les conditions de taxation des différents locaux généralement regroupés par affectation sous une désignation dite " Invariant ". L'administration est en effet tenue de créer un local-cadastral (invariant) par unité susceptible d'une occupation distincte. Ce découpage doit permettre d'asseoir les bases d'imposition de la cotisation foncière des entreprises (CFE) dont chaque exploitant est redevable ou de la taxe d'habitation (TH) si l'occupant est un particulier ou un organisme exonéré de CFE.
Mais l'état d'occupation des immeubles évolue dans le temps au gré de la demande et des besoins des exploitants sans que, pour autant, le service du cadastre modifie en parallèle le découpage de la propriété, sauf en cas de changement de consistance (agrandissement, démolition partielle) ou d'utilisation (transformation d'un commerce en bureaux par exemple). On comprend alors aisément que le rapprochement des locaux cadastraux et des lots réels d'occupation puisse devenir inextricable pour un néophyte.
De plus, les parties mutualisées d'un immeuble, entre tous les occupants ou seulement une partie d'entre eux, doivent également faire l'objet d'une identification car elles aussi sont taxées. Il peut s'agir des halls d'immeubles, des espaces réunions, du restaurant interentreprises, des mails dans les centres commerciaux, mais aussi des locaux techniques nécessaires au fonctionnement de l'immeuble (chaufferie, TGBT, ...). Il est indispensable de connaître les conditions d'occupation de l'immeuble pour définir la clef de répartition des taxes foncières de ces parties communes.
Comment la révision des valeurs locatives complexifie les calculs ?
L'entrée en application de la révision de la valeur locative des locaux professionnels depuis le 1er janvier 2017 n'a pas simplifié la tâche des gestionnaires en charge d'établir la répartition des taxes foncières.
Au contraire, sont venus s'ajouter à l'opacité des avis d'imposition et des relevés cadastraux de propriété, les mécanismes transitoires dénommés " planchonnement " et " lissage des cotisations " destinés à rendre progressifs les effets de la révision jusqu'en 2025.
- Le planchonnement a pour conséquence de maintenir dans les bases d'imposition une part de l'ancienne valeur locative 1970, dont le montant est fonction de la surface qui avait été déclarée à l'origine. Or en 2013, à l'occasion de la campagne déclarative pour la révision des valeurs locatives, il y a très souvent eu des confusions d'invariants créant des incohérences que l'administration n'a pas toujours su corriger.
- Du fait du lissage des cotisations sur 10 ans, certains locaux situés à une même adresse voient progressivement leur taxe foncière évoluer dans un sens alors que d'autres vont évoluer dans un sens contraire. Ainsi, la quote-part de taxe foncière de chaque local, dans la taxe totale à répartir, changera d'une année sur l'autre. Or ce lissage n'apparaît pas sur les relevés de propriété. Il est mentionné globalement sur l'avis d'imposition sans distinction ni d'adresse ni d'invariant. Il est donc nécessaire de reconstituer le détail du calcul des impositions, invariant par invariant, pour chiffrer au plus juste le montant à refacturer à chaque locataire.
Compte tenu de la complexité des calculs, le recours à des experts qui disposent d'outils spécifiques s'avère indispensable. A l'occasion de ces analyses qui s'apparentent souvent à des travaux archéologiques, des anomalies sont détectées et peuvent faire l'objet d'actions correctives, comme la souscription de déclarations rectificatives pour corriger les surfaces, avec, à la clef, une amélioration certaine des relations propriétaires/locataires et, dans certains cas, des économies non négligeables pour l'un comme pour l'autre.
Pour en savoir plus
Jean-Philippe DUPUY, responsable technique au sein de la société Ayming, il accompagne ses clients dans leurs obligations déclaratives et la maîtrise de leur fiscalité liée à la construction, la détention et l'exploitation d'immeubles.
Sur le même thème
Voir tous les articles Réglementation