Faut-il s'intéresser à la norme IFRS pour PME ?
Disposer d'un ensemble de normes d'information financière unique, adaptées aux PME partout dans le monde, tel était l'objectif premier de l'IFRS PME. Différente des IFRS complets, elle est méconnue ou mal comprise, mais peut se révéler bien utile. L'éclairage de Jean-Laurent Bracieux de PwC.
Au coeur de nombreux débats avant sa publication ou lors de la révision des directives européennes, la norme IFRS pour PME est petit à petit tombée dans l'oubli en France, l'interdiction de la publication de comptes selon cette norme ne facilitant évidemment pas son développement.
Publiée en 2009, amendée en 2015, la norme a rencontré un vif intérêt auprès de nombreux pays. Certains pays en voie de développement ont ainsi pu disposer d'un référentiel " clé en main ", d'autres pays plus matures s'en sont largement inspirés ou en permettent l'utilisation. À ce jour, 85 pays (sur 150 susceptibles de l'être) sont recensés par l'IASB comme utilisateurs de la norme, dont notamment le Royaume-Uni. L'IASB a largement contribué à sa promotion, en la traduisant en de nombreuses langues et en proposant des supports de formation. Conçue au regard des besoins d'une PME d'une cinquantaine de personnes, elle peut être utilisée par de plus grandes entreprises ou groupes, ou par des entités de plus petite taille.
Autonome par rapport aux IFRS complets et contrairement à ces derniers, la norme n'est pas destinée aux investisseurs, mais davantage aux prêteurs de l'entreprise. D'inspiration anglo-saxonne, elle est largement simplifiée par rapport aux IFRS, tant au niveau des principes comptables que des notes annexes. Le nombre d'options est réduit, mais cela peut parfois se révéler pénalisant, en enlevant une certaine souplesse.
Une réaction plus ou moins hostile
En France, les syndicats patronaux, l'ANC, l'administration fiscale, la profession comptable, les politiques ont eu une réaction plus ou moins hostile vis-à-vis de la norme IFRS pour PME, lors de sa publication et de la révision des directives comptables européennes. Il n'est donc pas possible, même de façon optionnelle, de l'appliquer, tant au niveau des comptes sociaux que consolidés. Les raisons sont multiples : référentiel géré par une institution supranationale, sans possibilité de s'opposer à ses éventuelles évolutions, dégradation des capitaux propres de nombreuses PME du fait de la comptabilisation obligatoire des engagements de retraite, déconnexion entre la comptabilité, le droit des sociétés et la fiscalité, nécessité d'un effort important de formation, multiplication des référentiels, la France disposant actuellement d'un référentiel pour les comptes sociaux, d'un pour les comptes consolidés, ainsi que d'une option IFRS complets pour les comptes consolidés.
L'apparente complexité du référentiel a également été mise en avant, bien que de nombreuses dispositions d'IFRS pour PME soient proches des méthodes de référence des règles françaises, notamment pour les comptes consolidés. Paradoxalement, certaines évolutions récentes du référentiel français ont conduit à une plus grande complexité ; ainsi, IFRS pour PME impose un amortissement systématique des "goodwills" , alors que les règles françaises, en n'imposant pas cet amortissement, conduisent à la réalisation de tests de dépréciation fort complexes.
Utile à l'international
Bien qu'interdit pour la publication des comptes, tant individuels que consolidés, l'utilisation de la norme IFRS pour PME peut s'avérer dans certains cas très utile pour les entreprises françaises, dès lors que celles-ci sont amenées à communiquer à l'international, en fournissant un langage qui peut être compris tout autour du monde. Dans le cas d'un petit groupe français établissant des comptes consolidés et disposant de plusieurs filiales à l'étranger, il est difficilement envisageable de demander que ces filiales reportent en règles comptables françaises, celles-ci étant complètement inconnues hors de France. Il est donc possible de demander que le "reporting" soit établi selon la norme IFRS pour PME ; ainsi, le groupe disposera d'un langage comptable commun, facilement transmissible (de nombreuses traductions étant disponibles) et ne présentant pas toute la complexité des IFRS complets. Quelques retraitements seront toutefois nécessaires pour la publication des états consolidés. Dans le cadre d'une opération de rapprochement de deux ou plusieurs PME de nationalités différentes, les différences des référentiels nationaux ne permettent pas de déterminer le poids relatif de chaque entité ; sur la base d'IFRS pour PME, il est ainsi possible de disposer de comptes comparables et donc de pouvoir déterminer le poids relatif de chaque entité. Les opérations d'acquisition transfrontalières, ainsi que les opérations financières, sont également facilitées par l'utilisation de la norme IFRS pour PME ; imagine-t-on une PME française, à la recherche de capitaux à l'étranger, et présentant des comptes à un bailleur de fonds ne connaissant pas les règles françaises ?
Un langage comptable commun
La norme IFRS pour PME permet de présenter des comptes selon un référentiel internationalement connu, mais sans avoir la complexité, et donc les coûts, des IFRS complets. De même, dans le cas d'un audit de cession (ou VDD - Vendor Due Diligence), l'établissement de comptes selon la norme IFRS pour PME permettra d'élargir le cercle des acquéreurs potentiels, en permettant à des sociétés étrangères de s'intéresser à la société française à céder. A contrario, dans le cas d'une acquisition d'une société étrangère par un groupe français, le fait de disposer de comptes selon un référentiel connu permettra une meilleure connaissance de la cible, et donc d'éviter d'éventuels problèmes lors de l'acquisition.
Même si son utilisation peut paraître restreinte, la norme IFRS pour PME est un bon outil pour les PME françaises ayant ou désirant développer leurs affaires à l'international, en leur fournissant un langage comptable complet et connu de tous, mais sans les inconvénients, notamment de coût et de complexité, des IFRS complets.
Jean-Laurent Bracieux, associé PwC France et Afrique francophone est spécialisé dans l'audit de PME dans un contexte international. il est également en charge de l'application de la nomre IFRS PME et de sa mise à jour au sein du Memento IFRS publié chaque année par le cabinet PwC aux éditions Francis Lefebvre.
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