Facturation électronique : les clés de la conduite du changement
Pour 24% des dirigeants d'ETI, la résistance au changement est un des principaux freins rencontré dans la mise en oeuvre de la facturation électronique selon un baromètre réalisé par Grant Thornton sur le sujet du 10 septembre au 6 octobre 2023. Comme tout projet de transformation d'entreprise, la réforme de la facturation électronique nécessite en effet un pilotage précis et une stratégie bien établie en matière de conduite du changement. Aussi bien pour les entreprises bonnes élèves qui avaient, avant le report du calendrier annoncé cet été, déjà bien avancé sur la question de la dématérialisation de leurs process en général et de la facturation électronique en particulier, que pour les retardataires. Ce délai supplémentaire devra permettre à toutes d'être prêtes en temps et en heure pour la nouvelle échéance fixée au 1er septembre 2026.
Constituer une équipe projet et embarquer les équipes
« La facturation électronique ne représente pas une révolution pour la fonction finances, c'est plutôt une brique supplémentaire dans le parcours de digitalisation amorcé déjà depuis longtemps pour un certain nombre d'entreprises. Pour autant, son bon déploiement nécessite de structurer et accompagner cette transformation », pointe Laura Pallier, cofondatrice de Regate, plateforme de gestion comptable et financière, candidate à l'immatriculation PDP (plateforme de dématérialisation partenaire).
Dans cette logique, Adam Nicol, associé et directeur national de l'expertise-conseil chez Grant Thornton, conseille de créer un comité de pilotage central fédérant l'ensemble des parties prenantes. Notamment, donc, la direction financière, la direction des achats, la direction des ventes et le service IT. Puis de descendre d'un cran en dessous des directions de service en questionnant plus largement sur les attendus, les besoins de chacun afin d'aligner le projet sur l'ensemble des intérêts communs. Le schéma directeur du projet peut alors être dressé avant d'impliquer, d'un point de vue opérationnel et transversal, les utilisateurs. « Tout changement est source de difficultés potentielles. Pour réussir son passage à la facturation électronique, il est essentiel d'embarquer tous les intervenants potentiellement impliqués et de communiquer largement sur les enjeux, les objectifs, les indicateurs. Il faut réussir à transformer ce sujet particulier en projet d'entreprise dans lequel tout le monde peut se retrouver », préconise l'expert de Grant Thornton.
Accompagner la transformation des métiers impactés
« Se préparer à la facturation électronique passe par plusieurs étapes. D'abord, d'une part, la phase de cadrage des flux d'achat et vente pour cartographier les flux de TVA et leur envoi vers du e-reporting, e-invoicing ou hors champ de la réforme, et de l'écosystème applicatif finance d'autre part, permettant de mesurer la maturité digitale de ces cycles ainsi que la qualité des données », alerte Emmanuelle Muller-Schrapp, business consulting finance partner pour EY. « Ensuite vient la stratégie de connexion au Portail Public de Facturation (PPF) ainsi que le plan de transformation du système d'information au niveau applicatif et data associé. Enfin, l'implémentation dans les systèmes et l'évolution des processus transactionnels et fiscaux qui en découlent. Tout ce processus de transformation sous-tend de nombreux enjeux dont il faut bien tenir compte dans sa manière de conduire le changement ».
Par exemple, la nécessité d'effectuer un nettoyage en profondeur de ses bases fournisseurs et clients, de revoir les process ADV (pour administration des ventes) qui souvent associent transmission de la facture et communication client (ce qui ne sera plus possible avec la facturation électronique), de rajouter probablement une couche supplémentaire de contrôle interne etc. « De nombreux changements sont donc à prévoir et à mettre en oeuvre. Il faut communiquer largement autour de ces évolutions », poursuit-elle.
Certains de ces changements vont se traduire concrètement dans le travail, au quotidien, de certains collaborateurs. « Les évolutions vont impacter notamment ceux dont le métier est de traiter les factures fournisseurs. Avec la facturation électronique, les étapes de récupération des factures, de scan, de saisie manuelle ou de contrôle de conformité fiscale vont disparaître. L'enjeu est de donner du sens, de montrer que cette évolution va permettre d'éliminer des tâches chronophages, peu intéressantes et de leur donner du temps pour se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée », analyse ainsi Renaud Texcier, Associate Partner dans le cabinet en stratégie et transformation des opérations Argon & Co.
Recruter de nouveaux profils
Il est important d'anticiper dès à présent ces transformations en en tenant compte pour les recrutements à venir en renforçant notamment, conseille Emmanuelle Muller Schrapp, les postes de contrôle interne, de digitalisation de la fonction fiscale, de data analyst. En parallèle, la formation de ceux dont les missions vont être amputées ou modifiées va souvent s'avérer nécessaire. « Au-delà de l'engagement des entreprises auprès de leurs collaborateurs, il est judicieux, dans le contexte actuel de tension sur les métiers du chiffre, de travailler sur une montée en compétences des équipes plutôt que de débarquer ceux dont les compétences actuelles ne colleraient plus exactement aux nouveaux besoins », enjoint Adam Nicol. Par exemple, illustre-t-il, les collaborateurs affectés au contrôle de la saisie pourraient évoluer vers du contrôle analytique. « L'idée est de faire monter tout le monde d'un cran ».
Et ce n'est pas parce que la réforme a été repoussée à 2026 qu'il faut évacuer ce sujet , insiste Renaud Texcier. « Ce serait une erreur de poser le crayon. Il faut continuer à mobiliser les équipes sur ce sujet, communiquer clairement la nouvelle feuille de route en la plaçant dans la roadmap globale. N'oublions pas que l'enjeu est, cette fois, d'arriver bien préparés pour l'entrée en vigueur de la facturation électronique ».
Une équipe projet chez Hervé Thermique
La facturation électronique est un vrai projet d'entreprise. C'est sur cette ligne que s'est positionnée, Karine Couteperoumal, directrice comptable en charge de la comptabilité générale/fiscale et fournisseurs de l'entreprise Hervé Thermique (3.500 salariés). C'est elle qui pilote la transition de son entreprise vers la facturation électronique pour la partie achats (plus de 400.000 factures fournisseurs par an). Après une phase d'audit réalisée avant son arrivée à ce poste en février dernier, elle a créé une équipe projet qu'elle pilote et qui est composée de deux personnes de la comptabilité fournisseurs et de chefs de projets informatiques. « Au-delà de nos réunions et de nos échanges hebdomadaires avec l'intégrateur, le sujet est abordé très régulièrement au sein de mon équipe comptabilité fournisseurs pour les tenir informé tout au long du projet, ils seront également partie prenante dans la phase de recettage pour la prise en main de l'outil», explique-t-elle.
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