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Droit du travail français : un frein à la compétitivité des entreprises ?

Le droit du travail est considéré par de nombreux dirigeants comme un obstacle à la compétitivité de leur entreprise. Si le gouvernement a promis un choc de simplification administratif, les résultats semblent se faire attendre.

Publié par Mallory Lalanne le | Mis à jour le
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La loi sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi, accordant de nouveaux droits et obligations pour les salariés et les employeurs, a été pointée du doigt par de nombreux professionnels et dirigeants. "Lorsque le sujet de la compétitivité des entreprises est abordé, il est souvent question de pouvoir d'achat, de fiscalité et charges sociales. En revanche, il est rarement question de droit du travail. Pourtant, je rencontre de nombreux dirigeants qui affichent un ras-le-bol de la paperasse et de l'incompréhension des textes", clame François Taquet, avocat et professeur à l'Iéseg, école supérieure de commerce.

La raison de cette pesanteur ? Les sources du code du travail français sont multiples. Il englobe notamment le droit de la sécurité sociale, le droit pénal, le droit des sociétés. Mais aussi le droit européen et international rassemblés plus communément sous le droit de l'entreprise. À cela s'ajoute le droit conventionnel contenu dans les conventions et accords collectifs signés par les partenaires sociaux, ainsi que la jurisprudence. Un code du travail devenu "tellement abondant que les acteurs, dirigeants, avocats et experts-comptables n'y comprennent plus rien. Et que dire des petites entreprises qui n'ont pas de service juridique", estime François Taquet.

En 40 ans, le code du travail a explosé. Il est passé de 600 articles à plus de 10 000 ! "La réglementation est excessivement lourde et complexe pour les dirigeants et les DRH. Chaque nouvelle loi, créée par un législateur qui ne connaît pas parfaitement le monde de l'entreprise, devient illisible, généraliste et souvent inadaptée aux difficultés économiques et sociales que peuvent connaître les sociétés, constate Stéphanie Lecocq, juriste et directrice des études au sein de l'institut supérieur du travail (IST). Les dirigeants devant appliquer la loi tentent de l'adapter et de la préciser par le biais de la signature d'accords d'entreprise avec les représentants du personnel ou les délégués syndicaux".

Un droit du travail inadapté et dissuasif

François Taquet pousse le vice un peu plus loin. Selon l'avocat, le droit du travail inciterait même les entreprises à contourner le droit. "90 % des entreprises sont aujourd'hui, sans le savoir, dans l'illégalité. Ainsi, le simple fait que la fiche de paie ne corresponde pas à la réalité de la durée du travail place l'entreprise dans le champ d'application du travail dissimulé, s'insurge François Taquet. Certaines entreprises se privent même d'embaucher des salariés pour éviter le casse-tête des effets de seuil". Le passage de 49 à 50 salariés implique, entre autres, des taxes supplémentaires sur la valeur ajoutée et de nouvelles obligations de création d'institutions représentatives du personnel.

Autre sujet épineux pour les entreprises : celui du forfait jours, appliqué aux cadres essentiellement. Le droit du travail s'adapte aux besoins de l'entreprise sous réserve que le dirigeant précise dans le contrat de travail du salarié la prise en compte du droit au repos, de sa santé et de l'adéquation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. "Ces précautions doivent être contractualisées par la rédaction d'une clause spécifique figurant au contrat de travail sous peine de risque de requalification du contrat de travail du salarié par les juges", met en garde Stéphanie Lecocq, directrice des études au sein de l'IST. À titre d'exemple, le juge peut condamner l'employeur sur la base d'une convention de forfait jours irrégulière, c'est-à-dire ne respectant pas la santé et la sécurité du collaborateur. Celui-ci devenant alors légitime à réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale.

Un droit du travail au cas par cas?

Autant d'exemples qui posent la question de la réforme de la législation au nom de la compétitivité. L'urgence selon François Taquet ? Que le gouvernement ouvre les yeux et qu'il fixe en premier lieu un calendrier pour réformer la législation. "Il faut stopper cette frénésie législative contre-productive. D'autant que la France a reçu un rappel à l'ordre de l'OCDE (organisation de développement et de coopération économiques) : la législation sociale est trop complexe et entraîne un sentiment d'insécurité auprès des salariés et des employeurs. Chaque année, 10 % des articles des différents codes changent", explique-t-il. Un avis partagé par l'association pour la simplification et la dématérialisation des données sociales (SDDS) qui, en octobre 2012, a demandé que les réformes touchant les déclarations sociales aient une seule date d'application par an.

Si Stéphanie Lecocq estime également que le droit du travail doit être simplifié, elle tient à préciser qu'il reste "un outil de sécurité pour le dirigeant et le salarié, auquel se référer pour évoluer de la meilleure façon dans leurs relations de travail ou résoudre un conflit. Le salarié sécurisé juridiquement et bien encadré par le management et la direction travaillera sereinement et efficacement. Il ne faut donc pas faire d'amalgame entre sécurité juridique et complexité juridique", souligne la juriste.

Une refonte totale, ou du moins un allégement du code du travail, sont-ils possibles ? Selon Stéphanie Lecocq, "les choses évoluent peu à peu. La simplification du droit du travail doit d'abord passer par une adaptation au monde du travail actuel puis par une simplification des textes. Cela a commencé en 2008 par la recodification du code du travail afin de le rendre plus lisible et supprimer les dispositions devenues inapplicables". Puis, la loi du 21 janvier 2008 exigeant la consultation préalable à toute réforme sociale des partenaires sociaux permet d'avoir deux types d'acteurs : les partenaires sociaux et le législateur afin d'adapter au mieux le droit du travail au contexte économique et social. Dernière solution : "la simplification du code du travail pourrait passer par la contractualisation du code du travail et par la refonte des branches professionnelles et du dialogue en entreprise. Ce sera dès lors un droit du travail "adaptable" à chaque cas, à chaque entreprise", confie Stéphanie Lecocq (IST). Les leviers de la compétitivité passeraient donc également par la construction d'un réel contrat de confiance. Un contrat prenant toujours en compte la sécurité juridique mais de manière peut-être un peu plus adaptée.

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