Faire financer ses procédures judiciaires par un tiers
Renoncer à une action judiciaire pourtant légitime pour préserver sa trésorerie et s'éviter une procédure longue et couteuse est courant. Le recours aux third party funders évite d'avoir à choisir entre la défense de ses droits et la sauvegarde de sa trésorerie.
Trop souvent se pose, malheureusement, le cas de conscience d'une partie lésée qui, face aux coûts importants que peuvent représenter des procédures judiciaires longues, compliquées, et par nature incertaines, préfère sauvegarder sa trésorerie et développer son activité, quitte à faire une croix sur une action judiciaire pourtant légitime. Des dommages et intérêts, oui, mais pour quand ? Et à quels coûts en amont (avocats, experts, huissiers, arbitres...) ? C'est la raison d'être des third party funders ou tiers financeurs.
L'action en justice financée à 100%
Apparu tout d'abord dans les pays anglo-saxons (Australie, Royaume-Uni, Etats Unis), le recours au financement de procédures judiciaires par des tiers se développe en France. Couramment appelés third party funders, ces tiers sont des fonds qui, au lieu de se positionner uniquement sur les marchés et classes d'actifs plus conventionnels, investissent aussi dans les gains potentiels qu'une procédure judiciaire peut générer pour la partie dont ils financeront la procédure. Ils prennent ainsi à leur charge les coûts inhérents à la procédure judiciaire et se rémunèrent sur un pourcentage des dommages et intérêts qui pourraient être recouvrés en cas de succès. Aucun frais n'est donc exposé par la partie financée qui peut non seulement aborder la procédure sans crainte pour l'état de ses finances, et ainsi être en mesure de lutter à armes égales contre un adversaire dont les moyens peuvent être plus conséquents. Grâce à ces tiers financeurs, de David, on devient Goliath !
Le transfert des risques
Avantage supplémentaire d'un tel financement, on ne risque plus d'avoir exposé ses actifs propres en pure perte en cas de défaite. L'ensemble des frais exposés sont pris en charge par le fonds et, le plus souvent, aucune obligation de remboursement n'incombe au financé. Le risque est ainsi totalement transféré sur le third party funder. Le gain est double puisqu'en plus de ne pas avoir à mobiliser sa trésorerie pour mener à son terme la procédure, il n'y a pas davantage de provision à passer dans les comptes pour frais de procès susceptibles d'alourdir le bilan. L'effet sur le comité de direction est spectaculaire : le partisan de la bagarre judiciaire retrouve les mains libres dès lors que le partisan de l'orthodoxie budgétaire est rassuré.
Un financement ouvert à tous et dans un cadre très large
Preuve encore de son utilité, ce mode de financement n'est pas réservé à une certaine catégorie de sociétés. D'une PME à un grand groupe, tous les dossiers sont intéressants dès lors qu'ils impliquent un enjeu financier substantiel (les fonds n'ayant pas de vocation philanthropique) et sont suffisamment solides juridiquement pour tempérer le risque pris par le third party funder. Si des critiques ont pu être émises, considérant que ces modes de financement pouvaient entrainer une hausse artificielle des contentieux judiciaires, celles-ci sont théoriques. Ces financements sont en effet soumis à un audit préalable qui permet, pour le fonds de vérifier la solidité juridique et financière du dossier, et pour le financé de s'assurer de la viabilité des griefs qu'il allègue et de la réalité de son préjudice.
De la même manière, si ce mode de financement s'est déjà fortement développé dans le cadre de procédures d'arbitrage international plus couteuses, il ne faut plus négliger la possibilité de faire financer des procédures devant un juge étatique. Certes les frais de procédure sont moins conséquents devant les juridictions nationales, mais la force de l'adversaire, les enjeux, et les incertitudes inhérentes à toute procédure, sont tout autant susceptibles d'impliquer du temps et des frais importants qui pourraient être pris en charge par un tiers.
Le financement couvre la procédure en elle-même jusqu'à l'obtention de la décision, mais les fonds peuvent aussi accompagner l'entreprise dans la phase d'exécution. Celle-ci se révèle parfois délicate et, en particulier quand des mesures de saisies doivent être pratiquées, parfois même à l'étranger, l'assistance des fonds peut se révéler bien utile. Le temps continue de passer et, somme toute, le dossier suppose une mobilisation financière jusqu'au recouvrement de la créance reconnue. On évite alors le paradoxe de détenir un titre judiciaire sans pouvoir le faire exécuter.
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Quelques chiffres clés pour conclure. Plus d'un tiers des cabinets d'avocats disent avoir déjà proposé cet outil de financement à leurs clients. Beaucoup de dossiers concernent des arbitrages internationaux mais la pratique se développe plus généralement dans l'ensemble des procédures contentieuses.
Le marché du financement de procédures est néanmoins encore à ses débuts et tout reste à faire : certains spécialistes considèrent que plus de 100 milliards d'euros pourraient être investis dans ce cadre chaque année en France !
Pour en savoir plus
Augustin Nicolle, avocat associé du cabinet BCTG avocats, expert en contentieux des affaires, arbitrage et médiation.
Mathieu Ducrocq, avocat collaborateur exerçant au sein du département " Contentieux-Arbitrage-Médiation " du cabinet BCTG avocats
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