Audit interne : la digitalisation pour plus de performance
Réglementation renforcée, augmentation des risques avec l'avènement des nouvelles technologies... L'audit interne est en train de prendre de l'importance au sein des entreprises. Mais pour réaliser sa révolution, cette fonction doit davantage se digitaliser.
Si 76% des directeurs de l'audit interne français sont convaincus qu'il est primordial que la profession s'adapte aux nouvelles technologies, encore peu sont à la pointe dans ce domaine. C'est ce que révèle l'étude " State of the Internal Audit Profession " 2018 de PwC. Selon le cabinet, seules 11% des fonctions audit en France seraient "pionnières" et auraient intégré dans leur quotidien les dernières innovations technologiques. 36% seraient "suiveuses" et adopteraient les nouvelles technologies à un rythme modéré. Enfin, 49% seraient de simples "observatrices" et tarderaient à adopter ces nouveaux outils.
Pourtant, comme le souligne l'étude de PwC, l'exploitation des nouvelles technologies - notamment la collaboration, l'extraction et l'analyse des données ainsi que l'automatisation - permettrait d'améliorer les process de l'audit interne, donc sa contribution à la performance de l'entreprise. En effet, l'étude rapporte que 75% des directions de l'audit interne qualifiées de "pionnières" contribueraient de manière significative à la performance de l'entreprise, contre 54% des "suiveuses" et 34% des "observatrices". "Les auditeurs internes, de par leurs recommandations, aident les entreprises à atteindre leurs objectifs de performance", souligne Jean-Marie Pivard, président de l'Ifaci (Institut français de l'audit et du contrôle internes).
Car la mission de l'audit interne ne se résume pas à la conformité, même si la réglementation se renforce en ce sens (Sapin 2, devoir de vigilance, RGPD). Son objectif est également d'accompagner l'entreprise dans sa transformation à travers une parfaite maîtrise des risques, qu'ils soient juridiques, financiers ou encore informatiques. Un accompagnement qui nécessite une digitalisation des fonctions audit interne, tant les entreprises sont elles mêmes entrées dans l'ère numérique.
Une formation continue
Jean-Marie Pivard le reconnaît : "L'auditeur interne doit désormais savoir aller dans le système d'information et analyser les données. Avec le développement de l'automatisation des contrôles, il devra également être en mesure d'écrire les algorithmes et de les analyser". Elisabeth Aubineau, directrice de l'audit interne d'Aviva en France, dit aussi que les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans son quotidien. Parmi les nouveaux outils qu'elle utilise se positionnent en priorité l'analyse des données et la robotisation. "Nous construisons des scénarios et les vérifions sur un très gros volume de données", décrit-elle. Elle dit aussi s'intéresser à la robotisation, notamment pour l'archivage. Mais précise cependant : "Il s'agit d'une évolution, non d'une révolution". L'adoption des nouvelles technologies se fait donc lentement.
Comment l'accélérer ? Dans son étude, PwC liste trois recommandations : renforcer les compétences disponibles, améliorer la qualité des données et accorder un budget plus important. Le cabinet invite également à ne pas hésiter à "co-créer" avec un prestataire externe. Du côté de l'Ifaci, on conseille de former les équipes de la fonction audit interne de manière continue : "Cela permet de développer de manière permanente les capacités techniques et opérationnelles des auditeurs", pointe Jean-Marie Pivard. Au-delà des nouvelles technologies, les auditeurs internes doivent rester à la pointe sur plusieurs domaines et notamment sur les évolutions sectorielles.
Rigueur et communication
Car même si les nouvelles technologies peuvent aider les auditeurs internes dans leurs missions quotidiennes, les compétences de ces derniers ne sauraient se réduire à une appétence pour les nouveaux outils. Des qualités de savoir-être sont également indispensables à tout bon auditeur interne. Capacité d'analyse, esprit critique, sens de la communication, courage, rigueur... Voici les "soft skills" que doivent posséder les auditeurs internes, selon Jean-Marie Pivard. "La déontologie personnelle doit être irréprochable", ajoute-t-il. Pour Sophie Joannes, senior manager division Finance de FedFinance, "l'auditeur interne doit savoir aller chercher l'information".
Le plus difficile est bien évidemment de réussir à gagner la confiance des équipes, afin de pouvoir réaliser ses missions sans entrave. "La difficulté de l'auditeur interne est de réussir à se faire respecter tout en étant assez ouvert pour que les gens n'hésitent pas à le solliciter", note Jean-Marie Pivard. La communication est donc clé. Élisabeth Aubineau semble avoir trouvé ce difficile équilibre : "Nous bénéficions d'une véritable écoute des dirigeants. Nous ne sommes pas perçus comme des contrôleurs qui pointent les erreurs mais nous construisons avec eux. Ils nous utilisent même parfois pour faire passer des messages au management", rapporte-t-elle.
Le recrutement, véritable nerf de la guerre
De telles qualités ne sont pas faciles à dénicher, surtout associées à des compétences techniques et à une appétence pour les nouvelles technologies. D'autant plus que les équipes d'audit interne connaissent un fort turnover : "Chez Aviva, nous ne devons pas rester auditeur interne plus de quatre ans, afin de ne pas revenir sur des risques déjà couverts. L'objectif étant d'apporter un nouveau regard afin que les recommandations évoluent", explique Elisabeth Aubineau. Par ailleurs, afin de couvrir l'ensemble des risques, les équipes d'audit interne sont multidiciplinaires, les profils sont variés, aussi bien en termes de formation, que d'âge ou d'expérience. L'objectif étant que les différents collaborateurs soient complémentaires.
Ce qui renforce la difficulté à recruter. "Le recrutement est le nerf de la guerre", insiste Elisabeth Aubineau. Même si l'audit interne est un métier passionnant, permettant de toucher toute l'organisation, les jeunes diplômés ne pensent pas forcément à se tourner vers cette fonction. Pour les attirer, les entreprises ont tout intérêt à se montrer innovantes en adoptant les technologies de pointe. Les nouveaux outils permettent donc à la fonction audit interne d'être performante à deux points de vue : en permettant aux auditeurs de contribuer à la croissance de l'entreprise et en attirant les meilleurs talents, notamment au sein des générations Y et Z.
Quel audit interne pour les ETI ?
Pour Sophie Joannes, il existe encore peu d'ETI possédant une structure de contrôle interne. "Pour justifier la création d'un poste d'auditeur interne, il faut une entreprise d'une certaine taille, structurée et possédant des procédures complexes. Sinon il n'y a pas grand-chose à auditer et l'audit légal suffit", estime-t-elle. Pourtant, Jean-Marie Pivard, président de l'Ifaci (Institut français de l'audit et du contrôle internes), remarque que de plus en plus de petites structures sautent le pas aujourd'hui.
Il dit même connaître des associations qui possèdent des auditeurs internes, même si ce sont plutôt de grandes associations. "Cela est dû à la réglementation qui se renforce mais aussi et surtout à la gouvernance : lorsqu'ils entrent au capital d'une société, de nombreux fonds d'investissement exigent la mise en place d'une structure d'audit interne", explique-t-il. En effet, nous l'avons dit : la fonction audit interne ne sert plus uniquement à se conformer aux réglementations mais contribue aussi à la performance des entreprises.
Mais quel modèle ces plus petites structures doivent-elle adopter ? Il paraît en effet difficile de les voir recruter une équipe d'auditeurs internes, voire même de dédier une personne à plein temps à cette fonction. A travers sa publication "Adapter l'organisation de l'entreprise pour une gestion efficiente des risques et des opportunités dans une entreprise de taille intermédiaire" (mars 2017), l'Ifaci conseille aux plus petites structures d'adopter le modèle des "trois lignes de maîtrise des risques". Ce modèle consiste à organiser le contrôle interne en trois niveau : il est réalisé par les opérationnels dans un premier temps puis par les fonctions support et enfin par l'audit interne. Cette dernière fonction n'est pas obligatoirement occupée par un auditeur interne à temps plein mais l'objectif est de se structurer afin d'avoir des process. "Ce modèle donne des responsabilités et des objectifs en termes de maîtrise des risques. Il devrait être adopté par l'ensemble des entreprises, peu importe la taille, le secteur ou la zone géographique", conseille Jean-Marie Pivard qui invite avant tout d'établir une cartographie des risques. Pour lui, ce dernier outil est le seul valable en termes de contrôle des risques. "Il n'existe pas d'outil miracle qui remplacerait un auditeur interne", prévient-il.
Attention donc : en matière d'audit interne, la structure doit être rigoureuse pour être efficace. Et ce n'est pas parce qu'une entreprise est de taille modeste qu'elle doit sacrifier cette rigueur sur l'autel du manque d'effectif et de budget. D'autant plus qu'une entreprise de taille moyenne ou intermédiaire aura moins de contrôles à réaliser.
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