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Cyril Lahaussois (Thuasne) : « Pourquoi j'ai supprimé le budget »

Cyril Lahaussois est, depuis 2021, le directeur financier du groupe Thuasne, fabricant français de dispositifs médicaux dans les domaines de l'orthopédie, de la compression médicale et du sport. Il a engagé une transformation profonde des process en supprimant l'exercice budgétaire.

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Cyril Lahaussois (Thuasne) : « Pourquoi j'ai supprimé le budget »

Depuis votre arrivée dans le groupe Thuasne, - après un parcours en audit chez EY puis chez SKF notamment comme contrôleur de gestion groupe (4 milliards d'achats)-, vous avez entrepris une profonde transformation de la fonction finance. En particulier, en déployant une approche de Beyond budgeting. C'est encore assez rare dans les entreprises françaises. Expliquez-nous.

Effectivement, nous avons abandonné en 2024, pour la première fois le fameux « budget », comme on l'entend traditionnellement. Construire un budget détaillé mobilise énormément de ressources entre septembre et novembre. Pendant trois mois, les financiers ne font que ça et les opérationnels y consacrent au moins 20% de leurs temps. Pour quoi faire ? J'exagère un peu mais, en somme, il s'agit d'établir très précisément combien nous allons dépenser dans six mois, combien on va vendre telle référence, en quelle quantité, à tel client. J'exagère un peu le trait mais c'est l'idée, le niveau de détail dans lequel nous descendons souvent est infini. Quand vous avez des centaines de références et des dizaines de milliers de clients, cela représente une perte de temps phénoménale pour des prévisions qui, de toute façon, seront fausses. Et d'autant plus aujourd'hui, dans un contexte hyper changeant et volatile. C'est absurde. Non seulement ce budget n'a pas de valeur ajoutée mais en plus, j'estime qu'il en détruit tout au long de l'année.

C'est-à-dire ?

Au-delà du temps passé à construire ce budget, l'exercice est en réalité contre-productif tout au long de l'année. Lors des revues de performance mensuelles, par exemple, chacun passe son temps à justifier pourquoi le budget s'est révélé faux, ce qui est tout à fait normal de toute façon puisqu'il a été construit il y a plusieurs mois. Le budget, comme il est construit habituellement introduit, selon moi, un biais négatif immédiat entre les équipes et les managers.

L'explication de la non réalisation du budget est intéressante parfois mais au fond, il est beaucoup plus intéressant de concentrer son énergie sur les actions à mettre en oeuvre. Il est beaucoup plus pertinent d'échanger sur ce qui va être mis en oeuvre pour recoller à l'objectif et sur ce dont ils ont besoin pour y parvenir.

Cette évolution permet de transformer une réunion où les équipes se justifient en une réunion où elles expliquent ce qu'elles vont faire. On passe ainsi d'une justifications ans valeur ajoutée à un plan d'action. Tout est lié. On perd du temps en construisant le budget puis on perd du temps à vérifier pourquoi il est faux.

Vous avez supprimé complètement le budget ?

Complètement non. Nous maintenons des objectifs par business unit mais très macros : des objectifs de croissance du chiffre d'affaires, de marge opérationnelle etc. Pour 2025, nous avons encore plus simplifier nos objectifs.

Quel résultat pouvez-vous d'ores et déjà constater ?

Je dois dire que l'effet « whaou » est assez incroyable. C'est aussi un gain de temps extraordinaire. Désormais, nos réunions de budget, qui sont en réalité désormais des réunions d'objectifs, n'ont plus rien à voir avec ce qu'on faisait avant. Elles ne sont plus du tout financières. Les commerciaux, les opérationnels sont beaucoup plus créatifs, plus engagés. Ils expliquent désormais ce qu'ils ont envie de faire, où ils vont aller pour faire progresser l'entreprise. Les échanges sont beaucoup plus constructifs entre la direction et les équipes. On parle désormais d'actions concrètes à élaborer et il ne s'agit plus de chipoter sur un +2,8% ou un 2,9% de hausse sur telle référence.

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