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Prévoir l'imprévisible : mission impossible ?

Face à l'installation d'une situation de « permacrise », le pilotage proactif devient une priorité de la finance. Elle doit élargir son champ de surveillance, être vigilante sur les signaux faibles et mettre en place des outils prédictifs pour alimenter la prise de décision stratégique.

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Depuis plusieurs années, le contexte économique et social fait l'objet de tensions à répétition sur lesquelles l'entreprise a de moins en moins prise. On peut évoquer les pandémies, les guerres, l'inflation, les crises énergétiques, les cyber-attaques, les décisions politiques incertaines... Cet environnement de crise quasi permanente vient directement impacter la capacité des entreprises à dérouler leur feuille de route stratégique et piloter leur performance économique.

Piloter "à vue" n'est pas pensable. L'accroissement de la demande d'informations enrichies et qualifiées pour anticiper l'ampleur des crises, revoir les objectifs et redimensionner les ressources est un levier clé. Un constat s'impose : les données historiques disponibles dans les outils de planification existants ne suffisent plus pour définir les tendances actuelles. Les équipes financières sont ainsi invitées à élargir le périmètre des informations pilotées, développer davantage de flexibilité dans leurs processus, s'appuyer sur les évolutions technologiques pour accélérer les analyses et faire de la pédagogie chiffrée pour permettre à l'entreprise d'anticiper, réagir, et prendre les bonnes décisions.

Un périmètre d'analyse étendue aux données extra-financières

Le périmètre d'analyse doit progressivement s'étendre au-delà des données purement financières. Cette évolution est portée par des obligations réglementaires ou financières, avec l'avènement de l'ESG, mais également par la nécessité de suivre de nombreux autres critères économiques extra-financiers : les tendances clients, les cours de matières premières, l'évolution des taux d'intérêt et ses impacts potentiels sur la trésorerie... Les données affluent de plus en plus : le volume de données double en moyenne tous les 2 ans, ce qui représente à la fois une opportunité et une menace pour le pilotage financier. Cette profusion d'informations issues d'analyses, de benchmarks, de statistiques internes... nécessite une stratégie claire et outillée. Comment les exploiter et détecter l'information utile?

Dans notre contexte incertain, il n'est plus possible de travailler avec des bases de données non structurées ou des outils non automatisés. Les outils de planification constituent un socle nécessaire pour intégrer ces informations nombreuses et diverses. Un effort particulier doit être apporté à la structuration et la qualification de la donnée et à la sélection des inducteurs et indicateurs financiers pertinents. L'objectif est de faire émerger une information simple, disponible, reconnue rapidement de tous et qui porte un sens économique pour l'entreprise.

L'IA, un levier d'accélération

Pour ce faire, les outils représentent un atout considérable. Premièrement, Ils sont en mesure d'exploiter une masse bien plus significative d'informations et de projeter les bons leviers financiers. Là où le financier peut travailler des projections sur la base de quelques critères, un outil structuré pourra utiliser à minima 3 à 4 fois plus de critères d'analyse et évaluer l'impact de chacun. Pour se recentrer sur le pilotage, il faut donc apprendre à déléguer aux outils certains travaux de structuration et d'apprentissage de la donnée : déclinaison et corrections analytiques, rapprochements comptabilité/gestion ou identification des tendances via les outils d'intelligence artificielle et d'analyse prédictive.

Deuxièmement, au-delà de l'exploitation de la donnée, les outils d'intelligence artificielle permettent d'améliorer l'enrichissement et la compréhension de la donnée ?C'est un investissement que les entreprises doivent réaliser sur le long terme pour fiabiliser leurs prévisions et devenir plus flexibles et réactives. Les détracteurs des solutions d'IA mettent souvent en avant que les résultats projetés paraissent proches des projections manuelles et que l'investissement ne se justifie pas. Toutefois, les outils d'IA permettent de mieux maîtriser l'incidence de chaque inducteur sur les prévisions et de réagir si nécessaire en adaptant chaque inducteur isolément. Cela permet de tester des inducteurs nouveaux, de mieux comprendre leur impact sur les prévisions et les incidences quand ils se déforment. Ce mode « test & learn » permet aussi de choisir les scénarios les plus pertinents ou les plus sensibles aux déformations conjoncturelles pour piloter l'entreprise. Ces nouvelles fonctionnalités permettent plus de précision a priori et ménagent des marges de flexibilité plus nombreuses pour adapter les projections financières.

Le directeur financier au coeur de la stratégie

Enfin, ces nouveautés techniques permettent de continuer à faire évoluer le positionnement du directeur financier à un niveau plus stratégique. Son rôle d'influence et d'embarquement des métiers prend une dimension nouvelle au-delà du business partnership. Il se positionne plus comme un stratège éclairé co-participant à la prise de décision. Au-delà de produire des chiffres et les analyser, il doit proposer des perspectives de pilotage ainsi que des scénarios selon les tendances et facteurs de risques qu'il observe à moyen terme et les rendre lisibles et compréhensibles par tous. Cela se traduit au quotidien par la sécurisation du pilotage de la donnée et l'agilité des processus de planification d'une part et, d'autre part, par un effort plus important sur l'explication des notions financières pour s'assurer que les métiers s'approprieront les projections et pourront réagir. Pour ce faire, les outils restent clefs pour mettre le focus sur les tendances ou les chiffres impactants et sensibiliser plus rapidement sur les décisions à prendre. A titre d'exemple, les outils de datavisualisation s'avèrent efficaces pour aider les financiers à faire de la pédagogie auprès des métiers et responsabiliser ces derniers. Dans la même dynamique que le rôle de financier, les outils ne se limitent plus à structurer de l'information mais apportent davantage en matière de projection (IA) et de vulgarisation.

Les enjeux sur les prochaines années portent bien sur l'identification et la structuration des données stratégiques de l'entreprise et sur la flexibilisation des processus de projection financière qui doivent être plus itératifs, concertés et engageants pour les métiers. Prévoir l'imprévisible étant matériellement impossible, l'objectif premier est de créer les bonnes conditions de fonctionnement (gouvernance, processus et outils) pour anticiper les tendances impactantes, garantir l'agilité du processus prévisionnel et permettre une réactivité du pilotage économique. Pour ce faire, la bascule vers des outils plus innovants et prédictifs devient obligatoire pour accélérer la maîtrise et l'exploitation de ces masses de données diversifiées et accompagner les dirigeants financiers vers un rôle de conseil accru, force de proposition pour l'évolution stratégique de l'entreprise.


Les auteurs :

Thuy-Trang DOAN, Associée Conseil en Transformation, est responsable des équipes Finance Transformation et conduite du changement au sein des directions financières au sein du cabinet Julhiet Sterwen.


David GUILLET, Directeur Conseil en Transformation, en charge de programmes de Transformation et de pilotage des directions financières au sein du cabnet Julhiet Sterwen.


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