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Où se trouvent les ressorts de la croissance ?

La reprise devrait faire la part belle aux TPE et PME ainsi qu'à l'innovation, à en croire les économistes Philippe Aghion et Thomas-Olivier Léautier. Un point de vue qu'ils ont développé lors d'un échange organisé par France Invest.

Publié par Florian Langlois le - mis à jour à
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Où se trouvent les ressorts de la croissance ?

Quels éléments permettront aux entreprises françaises de redécoller au lendemain de la crise du Covid ? Pour l'économiste et membre du Cercle des économistes Philippe Aghion, la question est d'abord de savoir quels secteurs n'ont pas performé pendant la crise économique. Le Covid a ainsi révélé un problème de taille, qui existait déjà avant la crise mais qui a été mis en lumière par cette dernière : un déficit d'innovation majeur en Europe et en France plus particulièrement. Et pour l'économiste, la cause de cette insuffisance en termes d'innovation ne date pas d'hier. "En France, on a perdu en innovation dans tous les secteurs, exceptés le nucléaire et l'aéronautique, explique-t-il. Dans tous les autres secteurs, la France a décliné, surtout depuis le milieu des années 1990. Cela s'explique par un sous-investissement massif dans toute la chaîne de l'innovation et également à un retard au niveau de la recherche fondamentale."

Selon l'économiste, l'Etat n'a pas joué son rôle dans le financement de la recherche fondamentale. "Rien n'est figé, et il est tout à fait possible de redresser la barre, mais cela va désormais se faire sur une dizaine d'années. Le succès s'organise autour du triangle entreprises-Etat-société civile. Ce sont les entreprises qui innovent, mais elles ont besoin de l'Etat pour les stimuler" reprend-il.

L'importance des TPE et des PME

Et pour Philippe Aghion s'il y a un bien une catégorie d'entreprises qui peuvent profiter de cette reprise pour se démarquer, ce sont les TPE et les PME. "En France, il faut réindustrialiser et reprendre le contrôle des chaînes de valeur. C'est en développant des start-up que cela va se faire. On a beaucoup de start-up en France mais elles ne peuvent pas grandir sur le territoire et la majorité part aux Etats-Unis pour se développer. Or, il est primordial de donner le moyen aux PME de se développer sur le sol français" analyse-t-il.

Pour l'économiste, cela passera par une refonte du crédit impôt-recherche, qui est actuellement trop avantageux pour les grosses entreprises et n'aide en aucun cas les plus petites. "La manière dont ce crédit est fait désavantage les PME et TPE qui n'atteignent jamais 100 millions d'euros d'investissement R&D. En Angleterre, le taux de subvention de l'équivalent du crédit impôt-recherche dépend du ratio entre la R&D et la taille de l'entreprise. Ce qui fait que l'argent va beaucoup plus aux PME. Mais dès que l'Etat parle de modifier ce crédit impôt-recherche, il y a un chantage des grandes entreprises qui menacent de délocaliser."

La solution serait alors de repenser le crédit impôt-recherche et l'innovation de manière générale en s'inspirant par exemple de ce qui se fait outre-Manche. "Des études le prouvent, ce sont les PME et qui font les plus grandes innovations, il faut donc leur donner beaucoup plus de poids, relate Philippe Aghion. L'idée serait de créer un crédit impôt-recherche bis basé sur le modèle anglais de manière à rééquilibrer un peu plus vers les PME."

L'environnement au centre des intérêts

Reste la question de l'économie verte. Cette relance sera en tout point différente des autres crises car les entreprises devront prendre en compte l'impact environnemental lors de la reprise. Avec cet objectif d'économie verte, le fait de décarbonner l'économie aura un impact très fort sur les investissements réalisés et sur la croissance. " Décarbonner l'économie prend 4% à 5% du PIB d'investissement pendant les 30 ou 40 prochaines années, analyse Thomas-Olivier Léautier, chef économiste d'EDF et directeur de la recherche à la Toulouse School of Economics. Il va donc falloir construire des moyens de productions électriques décarbonnés : remplacer les parcs de véhicules par des véhicules électriques, remplacer les chaudières par des pompes à chaleur ... Cet investissement ne va pas générer de réelle amélioration de la productivité."

A court et moyen terme, la croissance verte serait-elle donc une illusion ? "Après avoir fait tout cet investissement, l'énergie sera décarbonnée. A ce moment-là, il sera possible de retrouver un régime de croissance. Mais pendant les 20-30-40 prochaines années, ce seront des investissements qui ne vont pas forcément augmenter la productivité donc qui n'auront pas un impact très positif sur la croissance" poursuit-il.

Face à de tels défis, quel rôle peuvent jouer les PME et les ETI ? "Elles seront tout d'abord très importante dans le but de relocaliser de manière stratégique la production sur le territoire français pour ne pas dépendre de partenaires commerciaux sur des technologies importantes détaille le chef économiste d'EDF. Les PME et ETI ont également une place primordiale à prendre pour fabriquer des pièces d'usines, pour écrire un bout de code qui permettra d'optimiser des processus et c'est cela qu'il faut orchestrer. C'est alors à Bercy d'accepter cette révolution culturelle, en donnant de l'argent à des grands donneurs d'ordre avec des objectifs à atteindre. Ce sera alors à eux de mettre en place leur chaîne de valeur, mettre en concurrence des PME et des ETI financées par du capital risque ou par des fonds d'investissement afin de répondre à ces appels d'offre et ainsi avancer." Un modèle qui a déjà fait ses preuves aux Etats-Unis le siècle précédent ...

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