Facturation électronique : 3 questions à David Dogimont, associé chez Forvis Mazars
Depuis l'annonce de l'administration en octobre dernier de l'abandon de la mise en place de son portail public gratuit de facturation électronique, près de quatre millions d'entreprises sont tenues de se mettre en ordre de marche dès à présent. Quels sont les impacts pour les directions financières ? Comment les Daf se préparent-ils ? Quels changements pour eux ? Eléments de réponses avec David Dogimont, associé chez Forvis Mazars.
1-L'objectif premier de la réforme est la lutte contre la fraude à la TVA. Comment la e-facturation le garantit-elle ?
L'objectif de la réforme est effectivement la fraude qui intéresse l'administration parce qu'elle souhaite récupérer la TVA qui ne rentre pas dans ses caisses. Pourquoi ? Parce qu'il y a de la fraude, mais aussi des oublis. Certaines choses sont mal réalisées par les entreprises qui font que pour la taxe déductible et collectée, il y a un manque à gagner évalué à plusieurs millions.
Derrière cette recherche de la fraude, il y a aussi une recherche de simplification et de compétitivité, je dirais. C'était ce qui était annoncé par l'administration en disant qu'une facture papier, c'est plus cher à traiter qu'une facture électronique. Je pense qu'il est nécessaire d'avoir des informations- de la « data »- la plus fiable possible et le plus rapidement.
Avec cette réforme, nous allons avoir des échanges plus normalisés puisqu'on va être sur une facture homogénéisée, plus pratique à traiter, avec des éléments d'information qui permettront de travailler de manière plus efficace.
2-Quels changements cela impliquent pour les directeurs financiers en interne ?
La grande transformation pour le DAF- et pour l'entreprise- c'est que ce flux transactionnel va concerner tout le monde : le contrôle interne, la fiscalité, le métier, les commerciaux, les achats, etc.
Le directeur financier était jusqu'à présent le garant d'une déclaration sur les revenus, de la comptabilité, d'un bilan, d'un compte de résultats. Aujourd'hui, le Daf est de plus en plus une partie prenante dans l'entreprise, non seulement dans son coeur de métier, la partie finances, mais aussi sur des projets plus transverses et plus importants dans l'entreprise. C'est le réel impact à mon sens de cette réforme pour lui.
Puis, un sujet connexe est celui du traitement de cette donnée. Comment le Daf va-t-il la traiter et la mettre à disposition des autres personnes dans l'entreprise ? La facturation électronique est un levier pour avoir de manière beaucoup plus rapide l'information sur le transactionnel. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il lui faut attendre que la facture arrive jusqu'au service comptable. Ces temps de traitement vont peu à peu disparaître puisque la facture va arriver directement par l'intermédiaire de la PDP à la direction financière. Il y aura un lien direct entre le client et le fournisseur qui pourront transmettre directement sur les PDP leurs factures. Les temps de traitement vont se réduire.
Autre impact pour le Daf, c'est d'avoir cette donnée à disposition et de pouvoir sortir les bons indicateurs pour permettre à chacun dans l'entreprise de les reprendre selon sa fonction métier.
3-De nombreuses enquêtes pointent la non-préparation des entreprises (seules 5 % des ETI). Comment vous l'expliquez ?
Je pense que pour les Daf, ce n'est pas la priorité du moment. Pour les trésoriers, encore moins. Dans l'entreprise, les fonctions supports ne sont pas celles sur lesquelles on met la valeur ajoutée. C'est plutôt un coût. Ce sont les plus grandes entreprises qui ont la possibilité de se pencher sur le sujet dès à présent parce qu'elles ont les équipes, les budgets pour le faire et elles ont été sensibilisées.
Pour d'autres structures, comme les ETI, elles sont très souvent dans une recherche d'optimisation de leur cartographie IT. Avec cette réforme, elles devront ajouter un outil supplémentaire alors qu'elles sont peut-être déjà en migration ou en train de faire évoluer un autre outil. Ce n'est donc pas leur priorité tout simplement.
Certaines entreprises gèrent au quotidien un, deux, ou trois projets, mais comment pourront-elles gérer la multitude de projets qui se présentent à elles ? En sachant que les fonctions financières sont déjà bien occupées avec la gestion de la comptabilité extra-financière pour répondre aux évolutions de la RSE qui arrivent dès 2025. C'est aussi un autre vaste sujet en plus de celui de la facturation électronique que les entreprises doivent gérer.
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