Daf, ce qu'il vous faut savoir pour (bien) recruter en 2015
Un marché assez porteur, quoique tout en nuances. Un Daf un peu moins autonome. Une appétence pour certains profils, seuls à pouvoir jouer la surenchère salariale. Une tendance à pourvoir un poste à l'identique. Autant d'éléments à maîtriser pour asseoir l'attractivité du poste que vous proposez.
"Le marché comptabilité et contrôle de gestion est bien plus dynamique que celui réservé au Daf", selon Bruno Fadda, directeur au sein de Robert Half. "Bien plus qu'en 2012 et 2013, pour Pauline Magat, manager au sein de la division finance de Robert Walters, surtout à compter de juin." "Si, début 2014, les entreprises ont été très attentistes, relate Mathieu Blaie, directeur régional comptabilité et finance d'entreprise au sein de Fed Finance, elles sont un peu moins frileuses depuis le troisième trimestre." Les experts sollicités sont tous d'accord pour parler d'une reprise, mais il faut se garder de tout enthousiasme (cf. baromètre Fed sur les motifs d'embauche) et tenir compte des nuances: traditionnellement, ce marché décolle en deuxième partie d'année et la reprise ne vaut que pour certains postes à haut potentiel. Voici donc ce que l'on peut projeter raisonnablement sur 2015.
Pour les experts Robert Half, il y a de plus en plus d'interlocuteurs dans le process de recrutement en finance d'entreprise
Le Daf recruteur ...presque autonome
"Le Daf a une idée très précise du profil qu'il recherche, donc un cahier des charges assez lourd", estime Sylvie Haldi, senior manager de Robert Half Finance, pour qui "très souvent, il y a un travail d'accompagnement à faire car ils ont une idée élevée de l'attractivité et du poste et de leur entreprise". Mais pour les experts Robert Half, ce n'est pas le seul fait du Daf: il y a de plus en plus d'interlocuteurs dans le process de recrutement en finance d'entreprise. "On peut compter le Daf, le manager type contrôleur de gestion, un membre de l'équipe, le DRH, un opérationnel lorsque le poste à pouvoir est en lien direct avec celui-ci et bien souvent le dg; ajoutez à cela s'il s'agit d'un groupe, un membre du corporate", détaille Bruno Fadda. Preuve de la transversalité de la fonction sans doute, pour les optimistes, mais gage de complexité et de lenteur pour d'autres!
Et si, pour Pauline Magat, "en dessous de 200 millions de chiffre d'affaires, le Daf est assez autonome dans un recrutement et forme un binôme avec le dg", en tout état de cause, veillez à jouer le rôle de chef d'orchestre. Le but? Éviter qu'en cours de recrutement, le candidat ne se voie décrit un poste différent selon chaque interlocuteur et écourter le process (quelques conseils de bon sens sur la conduite d'un tel entretien), "parce que, dans ce marché porteur, le bon candidat peut trouver assez vite ailleurs".
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"Les descriptifs de profils se font en collaboration avec ceux qui seront amenés à travailler avec le candidat", confirme Mathieu Blaie. Dès lors, cela rallonge le process que l'expert évalue à "deux à trois semaines entre l'expression de besoins et la signature du contrat pour la comptabilité, à quatre à cinq semaines dans l'audit, la trésorerie...", car ces derniers, nécessitant une approche plus transversale, impliquent en plus du Daf et du responsable direct, le DRH et le dg. Des délais sur lesquels tous tombent d'accord en pointant une exception: "Le recrutement d'un directeur comptable prend plus de temps car les spécificités varient selon l'entreprise, ses outils informatiques, ses process de cash et la population très vaste", avertit Pauline Magat.
Les fonctions les plus capées au second semestre
Toute année et toutes tailles d'entreprises confondues, les postes à pouvoir se concentrent autour du comptable général, du responsable comptable et du contrôleur de gestion avec trois à cinq ans minimum d'expérience. Les exigences sont identiques: anglais courant, conduite de changement et potentiel évolutif.
Mais, "au deuxième semestre de chaque année, ce sont des postes plus capés qui reviennent sur le devant de la scène: directeur du contrôle de gestion, directeur comptable ou encore contrôleur financier pour lequel on exige une polyvalence technique (école de commerce et certification en expertise comptable) et une polyvalence culturelle", entonnent d'une même voix les experts de Robert Half. Toutefois, en 2014, quelques lignes de force sont apparues. Pauline Magat estime que "les postes gelés au sein des grands comptes ont été ré ouverts en début d'été 2014, notamment pour les auditeurs internes et les contrôleurs de gestion spécialisés" et que "côté PME, on note un rebond sur le contrôleur de gestion homme à tout faire et le responsable financier".
Ceci fait écho à la liste que dresse Mathieu Blaie, pour qui les fonctions à la hausse fin 2014 étaient: "Le contrôleur de gestion, l'auditeur interne puis le trésorier dans les grosses PME et petites ETI; dans les plus grands comptes, c'est le business analyst qui vient tout de suite après le contrôleur de gestion." L'objectif est ici de satisfaire le besoin d'analyse de la direction d'entreprise monté en puissance ces deux dernières années. Les dominantes recherchées sur ces postes sont: "Trois à cinq d'expérience minimum, de la polyvalence, des compétences liées à l'informatique afin de faire évoluer les outils et l'adaptabilité."
Évidemment dans un contexte de crise, les fonctions qui aident à libérer le cash (comptabilité clients, recouvrement, credit management) sont très prisées, notamment depuis six mois. En revanche, les postes en M&A pâtissent d'une moindre activité, cette compétence étant désormais recherchée auprès du Daf directement... s'il y a lieu.
La continuité du secteur d'activité
Soulager des équipes sous pression après des mois d'atonie côté embauche, structurer l'entreprise, accompagner la croissance... quel que soit le motif, recruter pour le Daf revient à résoudre une équation difficile: d'un côté, un marché assez porteur, de l'autre, des budgets toujours limités et une prise de risque minime. Comme le résume Mathieu Blaie: "Le recrutement doit être rassurant."
En conséquence, la continuité du secteur d'activité est recherchée puisqu'elle rassure et la recherche d'un clone en cas de remplacement ne s'efface que si le besoin de polyvalence sur ce poste est très marqué donc lié à l'évolution même de l'entreprise "ou parce que deux départs ne vont déboucher sur un seul poste à pouvoir", illustre Mathieu Blaie. Mais en général, "nous sommes dans une réponse à un besoin immédiat, sans qu'il y ait de vraie gestion de carrière à ce stade", ce que semble confirmer Pauline Magat (Robert Walters) lorsqu'elle déplore que "les Daf nous sollicitent tardivement pour les accompagner, un défaut assez fréquent, mais très marqué chez eux". Elle nuance toutefois cette recherche du clone par deux considérations. D'une part, la taille de l'entreprise: "Les grands comptes accordent une forte importance à la continuité du secteur d'activité, les PME se montrent plus ouvertes..." D'autre part, "le binôme à former avec le Daf et pour lequel on recherche la complémentarité".
"Seuls les auditeurs, consolideurs et trésoriers, des postes à pouvoir au sein des grands comptes, peuvent se livrer à la surenchère salariale"
Fidélisation ou surenchère?
La mobilité interne est toujours vive en finance d'entreprise: l'objectif d'une bonne maîtrise de la masse salariale est bien compris par le directeur financier! Mais "la fidélisation est évidemment bien plus complexe pour les entreprises réalisant moins de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires: perspectives d'évolution limitées, risque de perte d'expertise, volonté de se spécialiser, de manager sa propre équipe, tout cela rend les contrôleurs de gestion en poste dans de telles structures assez mobiles", décrit Pauline Magat. D'autant plus si ces contrôleurs de gestion ont développé une expertise en gestion industrielle ou gestion d'achats... Autre élément: "Les postes de collaborateurs du Daf sont maintenant occupés par des représentants de la génération Y qui, souvent, n'ont pas d'attachement à l'entreprise, sont ultra-connectés et donc très identifiables", complète Sylvie Haldi, senior manager de Robert Half Finance. Une employabilité qui a pour conséquence, selon une étude de Robert Half de novembre 2014, que 86% des Daf se disent "préoccupés" par le départ de leurs meilleurs collaborateurs. À cela une solution, si la stratégie de l'entreprise le permet: devenir un gestionnaire de carrière de ses collaborateurs.
Un bémol toutefois dans ce marché décrit comme porteur par les experts: "Seuls les auditeurs, consolideurs et trésoriers, des postes à pouvoir au sein des grands comptes, peuvent se livrer à la surenchère salariale", précise Pauline Magat qui poursuit: "Un très bon directeur comptable, celui qui a des compétences managériales, qui maîtrise l'ensemble des problématiques liées aux états financiers et aux projets transversaux, type ERP ou dématérialisation des factures, et l'optimisation fiscale, se paie cher." Mais sur ce poste, le souci c'est la gestion de carrière car il ne peut que rarement devenir CFO.
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