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Élections au Brésil : quel impact pour les entreprises françaises ?

Le 28 octobre dernier, les Brésiliens ont élu Jair Bolsonaro, un ancien militaire qui a séduit par son discours sécuritaire. Il a aussi su rallier les investisseurs grâce à un programme économique ultralibéral. Une bonne nouvelle pour les entreprises françaises commerçant avec le Brésil ?

Publié par Eve Mennesson le | Mis à jour le
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Élections au Brésil : quel impact pour les entreprises françaises ?

Cela fait bien longtemps que le B des BRICS n'est plus aussi prometteur. Le Brésil a connu une récession en 2015 et 2016 et renoue très timidement avec la croissance depuis l'année dernière (+1% en 2017). Inflation élevée (2,95% en 2017), corruption endémique, déficit public très fort (74% du PIB fin 2017)... Le Brésil fait face à de nombreux problèmes qui l'engluent dans une situation économique sans réelles perspectives.

Jusqu'à l'élection de Jair Bolsonaro le 28 octobre dernier ? Le nouveau président brésilien a en grande partie été élu pour ses annonces en termes de sécurité intérieure (près de 64 000 homicides ont été recensés en 2017) mais son programme économique, basé sur la réduction de la dette publique, a également su séduire. "La dette publique s'est accrue de 10 points en 3 ans, ce qui est colossal. Cette tendance est d'autant plus préoccupante qu'elle peut faire fuir les capitaux et avoir un impact négatif sur la devise et donc sur l'économie", Mabrouk Chetouane, responsable de la recherche et de la stratégie chez BFT Investment Managers.

Privatisations et réduction des taxes douanières

"La proposition la plus importante en ce qui concerne le programme économique du nouveau président est l'assainissement des finances publiques. Le gouvernement souhaite réduire la dette de 20% du PIB en l'espace de 3 ans ", précise Van Thuy Pham, économiste marchés émergents chez Groupama AM. Pour mener cette réforme, Jair Bolsonaro a nommé à la tête du "super ministère" de l'Économie (regroupant les Finances, la Planification, l'Industrie et le Commerce extérieur) Paulo Guedes, un économiste ultra-libéral biberonné aux théories de l'école de Chicago. "L'équipe du ministère de l'économie est constituée de personnes très professionnelles, capables de mener les réformes nécessaires à la réduction de la dette de l'État. C'est rassurant pour les affaires et la croissance", pense Guillermo Felices, responsable de la Recherche de l'équipe de gestion Multi-Actifs de BNP Paribas Asset Management.

Parmi les réformes économiques annoncées lors de la campagne : la réforme du système de retraites, en passant par un système par capitalisation au lieu de répartition. "Le système de retraite par capitalisation incitera les ménages à renouer avec l'épargne", explique Mabrouk Chetouane. Est aussi prévue l'accélération des privatisations de 150 entreprises, ce qui peut être une bonne nouvelle pour les investisseurs français qui souhaitent acheter des entreprises brésiliennes pour davantage s'implanter dans le pays. Même si, comme le craint Daniel Gerino, président et directeur de la gestion de Carlton Sélection, "le risque des privatisations est le dépècement des entreprises au profit des investisseurs chinois".

Les réductions des taxes douanières sont aussi au programme afin de davantage ouvrir le Brésil au commerce international. Une bonne nouvelle, donc, pour les entreprises françaises souhaitant commercer avec les Brésil. Même s'il a été annoncée que cette ouverture sera davantage orientée vers les États-Unis. "L'idéologie de Jair Bolsonaro est pro Etats-Unis mais anti-européenne. Les décisions peuvent donc chercher à pénaliser les entreprises européennes et favoriser les entreprises américaines. Des changements sont donc à prévoir", confie Pedro Albuquerque, professeur associé en économie à Kedge.

Des réformes envisagées qui plaisent à de nombreux observateurs économiques : "Ces réformes permettront de contenir l'inflation. Surtout, cela créera un meilleur environnement pour les affaires et pour les marchés", pense Guillermo Felices.

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Un blocage du Congrès ?

Mais encore faut-il que ces mesures soient réellement mises en oeuvre. "Le gouvernement a annoncé vouloir augmenter la productivité de 20% en quatre ans en favorisant une plus grande ouverture de l'économie et en menant des réformes structurelles, y compris la réforme du marché du travail et la réforme fiscale. Toutes ces propositions restent cependant très floues et le risque d'incohérence ou de retard dans l'exécution des actions à mener est très élevé", prévient Thuy Van Phan.

En effet, avant de pouvoir être appliquées, ces mesures économiques vont devoir passer le barrage du Congrès, ce qui ne sera pas facile. "La démocratie brésilienne est très morcelée, avec beaucoup de micro-partis. Les nouveaux dirigeants vont donc devoir constituer des alliances. Il est fort à parier que les réformes économiques seront moins dures qu'annoncées", anticipe Mabrouk Chetouane. Guillermo Felices pense cependant que la dette de l'État est un sujet tellement délicat que des soutiens ne seront pas difficiles à trouver pour mener les réformes nécessaires.

Par ailleurs, comme le rappelle Pedro Albuquerque, "l'idéologie de Jair Bolsonaro était à l'origine très différente de celle de son ministre des Finances. Cela pose question : on ne sait pas jusqu'à quel point il va soutenir les réformes portées par son ministre." En effet, le nouveau Président a aussi été élu grâce au soutien des militaires, auxquels il a réservé des postes importants au sein de son gouvernement. Or, ceux-ci sont davantage pour le protectionnisme et le contrôle de l'État et pourraient voir l'ouverture et les privatisations d'un mauvais oeil. "Le point commun entre le ministre de l'Économie et les militaires au gouvernement est l'ordre moral, qu'ils souhaitent tous rétablir. Mais sur l'économie, on ne sait pas comment cela va fonctionner", s'inquiète Pedro Albuquerque.

Risque démocratique

Surtout, la personnalité extrémiste de Jair Bolsonaro peut faire craindre un risque démocratique. Il a en effet proclamé son admiration pour le dictateur chilien Augusto Pinochet. "De nombreux Brésiliens rejettent très fortement sa politique et ceux qui le soutiennent peuvent rapidement être déçus, notamment en cas de baisse de salaire", reconnaît Pedro Albuquerque. En effet, l'assainissement des finances publiques peut conduire à une baisse des salaires des fonctionnaires, la libéralisation à une protection sociale moins favorable et la réforme des retraites à des difficultés. "Le ministère de l'Économie, très libéral, va supprimer de nombreuses aides. Cela va créer des difficultés pour les ménages brésiliens", prévoit Daniel Gerino. "Les positions sociales dures de Jair Bolsonaro, en phase avec son approche ultralibérale de l'économie, risquent de provoquer des grèves et de bloquer l'économie", poursuit Mabrouk Chetouane.

Ces révoltes dépendront aussi des résultats du gouvernement en matière de criminalité. Daniel Gerino craint quant à lui une dissolution de la chambre basse et du Sénat et la mise en place d'une dictature militaire. "Jair Bolsonaro va-t-il réussir à maintenir la paix", se demande-t-il. Il pense quoi qu'il en soit que l'incertitude en l'avenir que crée Jair Bolsonaro va stopper les investissements étrangers. Et enfoncer encore plus le pays dans la récession. Il invite les entreprises françaises à attendre avant d'investir plus largement au Brésil.


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