Opérer un virage professionnel sans sortie de route
Tout plaquer pour changer de vie. Les médias s'en font l'écho régulièrement. Pourtant, rares sont ceux qui sautent le pas. Sans en arriver jusqu'à gérer une chambre d'hôtes à Bali, il peut arriver qu'au cours d'une carrière, on ait envie de changer d'air. Pour les Daf, quel est le champ des possibles ? Tout dépend de vos appétences et de vos compétences. Une première voie consiste à capitaliser sur votre expertise pour exercer différemment : consultant, manager de transition, expert-comptable, enseignant, formateur...
"Les Daf disposent de nombreux atouts, dont la légitimité, pour s'orienter vers des fonctions transversales", Mireille Garolla, associé-gérant de Group'3C
Pour ceux qui envisagent un virage plus marqué, il est possible de dévier vers les ressources humaines, les achats, la direction des opérations, la direction générale ou encore l'entrepreneuriat. "De par leur rôle de business partner et leur vision globale de l'entreprise, les Daf disposent de nombreux atouts, dont la légitimité, pour s'orienter vers des fonctions transversales, estime Mireille Garolla, associé-gérant de Group'3C et auteur du livre Changer de vie professionnelle : c'est possible en milieu de carrière. En revanche, les Daf s'aventurent rarement, à tort, vers la création ou la reprise d'entreprise. Leur job consiste à gérer et minimiser les risques alors que l'entrepreneuriat nécessite justement une certaine prise de risques et une dose d'audace."
Un avis partagé par Jerry Knock, directeur associé chez Oasys Consultants : "La prise de risque n'est pas toujours très naturelle pour un Daf, par nature prudent et réfléchi." Son cabinet a d'ailleurs publié une étude baptisée "Daf à mi-carrière'' [lire l'encadré en fin d'article] qui révèle un certain conservatisme de la fonction : peu de Daf aspirent à s'éloigner radicalement de leur coeur de métier. Pour Jerry Knock, "la question est de savoir si c'est un véritable choix ou s'ils s'autocensurent. Or, leur transversalité, leur rigueur et leur capacité à conduire le changement en font de bons candidats pour de nombreuses fonctions."
S'armer de patience
Reste que toute reconversion demande un temps de maturation et de préparation, "souvent sous-estimé", prévient Pierre Lamblin, directeur des études de l'Apec. Car les entreprises, encore frileuses dans leurs recrutements, ont tendance à rechercher des Daf pour des postes de... Daf. "Pour une reconversion dans un métier proche de votre domaine d'expertise, il faut compter trois à quatre mois, en étant accompagné, précise Mireille Garolla. Pour une fonction plus éloignée de votre coeur de compétences, ce sera plus long, entre six mois et un an." Avis corroboré par Jerry Knock : "Concrétiser un changement substantiel, comme une reprise d'entreprise, en moins d'un an n'est pas réaliste, souligne-t-il. Un délai de 18 à 24 mois paraît plus raisonnable."
Un projet de reconversion débute par une phase d'introspection. Pourquoi ai-je envie changer de job ? Quel genre de projet me tente ? Que sais-je faire ? Les réponses à ces questions sont essentielles. L'enjeu consiste à bien déterminer vos compétences, aptitudes et motivations en vue de définir un projet professionnel réaliste et réalisable. Et de vérifier que vous ne confondez pas la lassitude pour votre poste actuel et celle liée à l'exercice de votre métier !
à savoir
Transition professionnelle : du nouveau avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Dès 2019, les salariés souhaitant entreprendre une formation en vue de se reconvertir pourront obtenir une prise en charge financière et bénéficier d'un congé spécifique grâce au CPF de transition, qui va remplacer le CIF. Par ailleurs, les salariés ayant travaillé de façon ininterrompue pendant cinq ans et ayant un projet professionnel (création d'entreprise...) pourront démissionner et bénéficier d'un droit à l'assurance-chômage.
Pour avancer dans vos réflexions, il est opportun de se faire accompagner afin de bénéficier d'un regard extérieur, de méthodologies et d'une expertise dans les projets de reconversion. Dans le cas d'une reconversion subie, comme lors d'un licenciement, pourquoi ne pas négocier avec votre employeur la prise en charge de cet accompagnement ou outplacement ? Pensez au conseil en évolution professionnelle (CEP), dispositif d'accompagnement gratuit permettant de faire le point sur votre situation professionnelle.
Un bilan de compétences est, quant à lui, éligible au CPF. "Un bilan de compétences peut vous aider à y voir plus clair sur votre potentiel et votre positionnement, à vous projeter et à conforter ou non vos choix", résume Pierre Lamblin.
Enfin, l'Avarap, association loi de 1901 implantée dans certaines métropoles françaises et dédiée à l'accompagnement des cadres en recherche d'un nouveau souffle professionnel, peut vous aider, contre quelques centaines d'euros de cotisation, à bâtir votre nouveau projet en suivant une méthode éprouvée depuis de nombreuses années et recommandée par de nombreuses grandes écoles, dont HEC et l'ESCP.
Dans tous les cas, cette réflexion vous demandera du temps et de l'énergie. À l'Avarap, on estime que l'ensemble du processus, depuis le bilan de compétences jusqu'à l'écriture du projet, prend environ 7 mois, à raison d'une quinzaine d'heures de travail par semaine.
Du rêve... à la réalité !
Se confronter au marché et au réalisme de votre projet est une étape incontournable. Parlez-en autour de vous. Échangez avec des professionnels du métier ciblé, des RH ou ayant effectué le même cheminement que vous. "Travailler son réseau est une méthode efficace pour accéder à une nouvelle fonction", assure Pierre Lamblin. Vérifiez également les perspectives d'emploi et les salaires proposés en consultant les offres publiées dans votre région.
"Intéressez-vous aux petites entreprises et au secteur de l'économie sociale et solidaire, probablement plus ouverts en termes de recrutement, plus sensibles aux compétences qu'aux parcours, signale Pierre Lamblin. Car plus la reconversion est singulière, plus les barrières seront importantes."
"Si le bilan de compétences et la phase de test du marché valident un vrai potentiel, le candidat à la reconversion peut alors passer la seconde, sinon mieux vaut éviter", alerte Jerry Knock. L'étape de concrétisation, où là encore, vous pouvez vous faire accompagner, notamment gratuitement par l'Apec, va de l'élaboration du CV au discours, au ciblage des entreprises en passant par le réseautage. Tout doit être minutieusement préparé et mis en perspective.
Le CV, par exemple, doit mettre en avant vos réalisations probantes en lien avec le nouveau poste recherché, en les décorrélant d'un secteur ou d'une fonction. "En général, les CV sont trop touffus et les plus-values qui différencient des autres professionnels sont souvent absentes ou pas mises en valeur", déplore Mireille Garolla.
Pour vendre votre projet professionnel, surtout s'il est atypique, il va vous falloir travailler votre discours. "En vous appuyant sur un storytelling intelligent, cohérent et authentique", résume l'experte. "Clarté et conviction seront vos meilleurs atouts", ajoute Jerry Knock. Envisagez également la formation pour compléter vos compétences, voire la VAE.
À noter
Changer de métier ? DG sinon rien !
Rester Daf mais dans un autre environnement, telle est l'évolution la plus réaliste pour 95 % des Daf sondés dans le cadre de l'étude "Daf à mi-carrière'' du cabinet Oasys. A contrario, se spécialiser (audit, compliance , trésorerie...) est l'option qui leur semble la moins envisageable, ne récoltant que 64 % d'opinions favorables. Entre les deux, la reprise et la création d'entreprise ou le conseil (consulting ou expertise comptable) sont des éventualités pour les trois-quarts des sondés.
Mais, s'ils devaient s'extraire de leur champ de compétences, ce serait pour un poste de direction générale : c'est une voie professionnelle réaliste pour 85 % des répondants et motivante pour un Daf sur deux. La même proportion se dit motivée par un poste de Daf avec un périmètre élargi.
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