Make or Buy : mieux cerner le rôle de la direction financière
Si la question de faire ou faire faire incombe aux achats, le Daf peut être un allié précieux. Il apporte notamment de la rationalité dans ce débat parfois passionné et permet de comparer des choses a priori non comparables. En voici 5 preuves qui sont autant de pistes de travail.
Faire ou ne pas faire, telle est la question...Une question qui est certes le plus souvent au coeur de la direction achats mais qui ne peut pas être uniquement portée par elle. La direction administrative et financière, que les achats lui soient rattachés ou pas, a également un rôle à jouer, et pas des moindres : sa vision transversale de business partner associée à ses parfaites connaissances financières font du Daf l'allié indispensable pour permettre des comparaisons réellement objectives entre faire ou faire faire. Voici 5 points clés sur lesquels les Daf ont beaucoup à apporter dans le processus Make or Buy.
1 - Lutter contre les dogmes et querelles politiques
La question d'externaliser ou non une fonction qui était jusqu'à présent réalisée en interne cristallise beaucoup de passions, les opposants ayant souvent peur que l'externalisation conduise à la destruction d'emplois. Selon Serge Dautrif, CEO de Synapscore, société de conseil qui a réalisé une étude sur les enjeux clés à l'interface Achats/Finance, le Daf peut justement être utile pour lutter contre ces querelles d'ordre politique. " Conserver ou pas une activité en interne est souvent lié à des enjeux sociaux qui sont des sujets émotionnels. Le Daf permet d'apporter du rationnel économique ", estime-t-il. En effet dépassionner les débats en présentant des données très objectives peut permettre de recentrer le débat et donc de mener le projet de Make or Buy à bien. Car, comme le rappelle Jean-Louis Cailloux, spécialiste de la fonction achats au sein de la société de conseil Dirigeants Conseil Alsace, la communication est clé : " Faire adhérer l'ensemble des acteurs de l'entreprise au projet permet qu'il soit mené à bout, avance-t-il. Il s'agit de faire comprendre que cette décision est en phase avec la stratégie de l'entreprise, qu'elle ne sera pas forcément liée à des réductions d'effectifs... " Et qui de mieux que le Daf pour apporter une vision rationnelle allant au-delà du court terme ?
2 - Aider à définir le coeur de métier
Externaliser, oui. Mais pas n'importe quoi : certaines fonctions peuvent être conservées à l'intérieur de l'entreprise parce qu'elles apportent une valeur ajoutée en étant réalisées en interne. Ou au contraire être externalisées pour accéder à davantage d'innovation. Le Daf peut aider à déterminer ce qui peut être envisageable d'externaliser en apportant une méthodologie structurée " Il faut se poser la question de ce qu'il est essentiel de conserver, de maîtriser pour avoir un avantage compétitif sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Il faut reconstruire le flux complet, l'ensemble du processus de production du produit, et se poser la question étape par étape, composant par composant, de ce qu'il est indispensable de maîtriser ou non ", pense Jean-François Laget, directeur associé d'Argon Consulting. De nombreux autres paramètres entrent en compte : possède-t-on les compétences en interne ? Le client souhaite-t-il que ce soit réalisé en interne ou non ? Quels sont les risques ?... Des questions que le Daf peut/doit poser et auxquelles il peut apporter des éléments de réponse.
3 - Comparer ce qui est comparable
" Il faut avoir en interne une idée précise du coût complet ", note Jean-Baptiste Sebag, senior manager chez Argon Consulting. Surtout, il faut pouvoir comparer ce coût avec celui proposé par le fournisseur : " La vision en interne et en externe n'est pas la même, ce qui rend la comparaison difficile. Il faut réussir à reconstituer un coût de production vraiment objectif en rentrant dans la compréhension des éléments structurels du processus de fabrication ", souligne Jean-François Laget. En effet, comment mener une étude Make or Buy si l'on compare des choux et des carottes ? Le Daf est là pour fournir des modèles de calcul objectifs et neutres pour chacun des scénarios envisagés. Intégrant le coût total (y compris les coûts indirects), les amortissements, le ROI, la NPV (valeur actuelle nette en français), l'évolution de la structure de coûts... etc.
Mais aussi les évolutions de produit, qui ne seront pas forcément correctement menées par un prestataire externe. " La vision de l'externalisation est souvent à trop court terme et trop statique. Il faut faire des scénarios, avoir une vision globale de l'entreprise ", pointe Serge Dautrif. Jacques-Emmanuel Durand, président d'Experbuy, conseille d'élaborer des prospectives économiques, à partir de l'analyse SWOT, afin d'établir quel sera le futur de sa propre entreprise mais également du marché, celui des fournisseurs éventuels... " L'évaluation des fournisseurs potentiels et leur comparaison par rapport à l'interne ne doit pas se faire en prenant en compte uniquement l'instant t. Il faut réussir à anticiper les évolutions et pas seulement pour les mois qui viennent mais pour les années ", approuve Jean-Baptiste Sebag.
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4 - Répondre à la question de la réversibilité
" Le coût de la réversibilité est à prendre en compte lors de l'évaluation Make or Buy ", pointe Serge Dautrif. En effet, si la relation ne se passe pas bien avec le prestataire externe, quelles seront les conséquences ? Le Daf est là pour pointer ce risque et penser à toutes les conséquences que cela induirait. Car, au-delà du coût de la réversibilité, Serge Dautrif souligne l'aspect juridique de cette question : " Quand on externalise, on cumule des expériences à deux : le problème de la propriété intellectuelle se pose ", note-t-il. Un problème important en matière de réversibilité : qui est propriétaire de ce qui a été co-innové, à quelle hauteur... ? Une question à ne pas négliger.
5 - Sensibiliser les acheteurs à la finance
Si le Make or Buy peut faire intervenir le Daf, ce sont bien les achats qui pilotent un tel projet. Le Daf doit donc faire du prosélytisme, de manière à ce que la direction des achats intègre de manière naturelle la question financière. " Former les acheteurs à la " Finance pour non financiers " peut permettre à ces derniers de mieux évaluer tous les coûts d'un projet sur la base d'un modèle financier plus complet et de renforcer leur réflexion stratégique sur certains ", analyse Serge Dautrif. En effet, comme le rappelle Florent Labey, associé chez Althéa en charge de l'offre à destination des directions financières, " le directeur achats doit acquérir des notions financières ". Le Daf doit donc faire preuve de pédagogie afin que les achats intègrent des indicateurs financiers ambitieux.
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