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"Lorsqu'on a connu une crise de liquidités, on n'est plus jamais le même."

Axel De Schietere, associé du cabinet d'executive search Heidrick & Struggles et spécialiste des fonctions financières, décrypte le rôle du Daf en temps de crise. Retour sur les missions de celui qui doit parer au plus urgent tout en pensant à l'après en préparant déjà la phase post-crise.

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'Lorsqu'on a connu une crise de liquidités, on n'est plus jamais le même.'

> Le rôle du Daf est clé dans la gestion de crise, de quelles qualités user pour gérer cette crise là ?

Avec ce que l'on vit aujourd'hui, les Daf sont sur le pont. Ce sont les plus exposés pendant la crise car c'est au directeur financier d'apporter lors du comité de direction les éclairages stratégiques sur la marche à suivre. C'est à lui de mesurer l'impact des décisions sur le bilan et le cash flow de la société.

Il faut donc savoir être réactif et adaptable sur la partie cash tout en étant un partenaire digital. Il s'agit, à mon sens, des deux compétences clés, aux côtés de l'agilité, mais qui incombe, elle, à n'importe quel membre d'un comité de direction. La force d'un Daf, c'est d'être capable de pivoter assez rapidement et de ne pas s'ancrer dans ses certitudes afin de s'adapter à des situations nouvelles.

> Les Daf de 2020, sont-ils les Daf de la crise de 2008 ? Peut-on faire des parallèles en matière de gestion ?

Le point commun avec la crise de 2008, c'est que dans un laps de temps très court, nous avons besoin de personnes assez agiles sur la partie financement et sur la partie cash, pour s'adapter aux contrats afin de s'assurer que les sociétés ont les liquidités pour tenir. Il faut également essayer de chiffrer combien de temps les entreprises peuvent résister.

La grosse différence avec la crise de 2008 réside dans l'obligation d'avoir une continuité opérationnelle pour les équipes en garantissant leur sécurité. Car elles sont amenées à rencontrer des problématiques logistiques et informatiques à traiter avec rapidité. Pour le Daf, il s'agit de chiffrer rapidement le coût de ces opérations, en prenant en compte l'ensemble des scénarii envisageables.

Nous pouvons également faire un parallèle au niveau de l'impact violent sur le cash. La fameuse formule "cash is king" n'a jamais autant été d'actualité. En effet, tous les Daf réalisent des points cash de manière hebdomadaire, voire quotidienne. C'était déjà le cas avec la crise de 2008. Mais en 2020, l'impact sur le cash est encore plus significatif, les chiffres d'affaires ont diminué immédiatement et drastiquement. Dans les secteurs les plus impactés (tourisme, aérien, hôtellerie restauration), certains Daf annoncent des pertes de 75% de leurs revenus.

> Certains étaient-ils mieux préparés que d'autres ? Pourquoi selon vous ?

Certains disent que lorsqu'on a connu une crise de liquidités, on n'est plus jamais le même. Il est sûr que les profils qui ont déjà vécu une crise s'adaptent mieux. Les Daf qui ont connu 2008 ont sans doute plus rapidement dessiner un plan de route, ce qui atténue le stress et la peur. Avoir à gérer une crise d'une telle ampleur et être obligé de prendre des mesures extrêmes en négociant de nouvelles lignes de crédit, en restructurant et rééchelonnant les échéances de remboursement et autres, c'est un peu comme un enfant qui attrape des poux à l'école. La première fois on a un peu honte, la deuxième fois on se dit que cela fait partie de la vie.

Concernant le crise actuelle, la continuité opérationnelle fait que les entreprises les mieux préparées sont celles qui étaient en contact avec la Chine, avec des filiales ou des équipes de vente sur place. Elles se sont aperçues en premier que leurs CA régionaux étaient impactés, pour cause du confinement chinois. Elles ont donc pu, plus rapidement que d'autres, extrapoler au niveau global.

> Y a-t-il une différence entre grands groupes et ETI dans cette crise-là ? N'est-ce pas juste une question de cash disponible ?

Plus que la taille, c'est, en effet, la solidité financière de l'entreprise qui est au centre de la problématique. Une ETI qui est confortable en matière de cash, qui a une trésorerie forte, un actionnariat familial et qui est capable de se projeter vers le temps long, peut passer la crise assez aisément. A l'inverse un grand groupe qui structurellement fonctionne en flux tendus tant au niveaux des stocks que des liquidités peut se retrouver en mauvaise posture. Évidemment, lorsqu'on atteint une certaine taille, on a plus facilement accès au financement quel qu'il soit.

> Comment s'organiser face à la baisse des crédits-entreprise ?

Plus encore qu'à l'accoutumée les Daf sont en discussions régulières avec leurs banques. L'une des possibilités qui s'offrent à eux est de tirer sur la ligne de crédit "rescue" le fameux "revolving credit facilities" (RCF) en renégociant un allongement de la maturité de la ligne. Cela implique d'avoir le soutien de son ou ses partenaires bancaires, ce qui, selon la structure de la dette, sera plus ou moins aisé pour l'entreprise et son Daf.

> Justement comment réagissent les banquiers face à ces situations ?

Ils questionnent avant tout le besoin réel de cash de l'entreprise et évaluent bien sûr le risque. Cela dit, si l'emprunt se fait à travers le mécanisme de facilité bancaire garantie par l'Etat tel que le PGE, le risque pour le banquier est minime. Il n'en demeure pas moins que tout le monde ne peut pas emprunter en même temps auprès des banques sans mettre le système sous-tension. Cela demande donc une approche raisonnée et responsable, mais également solidaire entre Daf. En effet, il importe de communiquer entre directions financières afin de partager sa gestion des trajectoires cash. La relation entre entreprises clientes et entreprises prestataires n'a jamais été aussi cruciale.

> Comment préparer la période post-crise avec si peu de visibilité ?

En se recentrant sur l'indispensable et en travaillant le plan stratégique autour de cela. Les Daf et les dirigeants y travaillent déjà. Ce n'est pas le moment de prendre des risques sur de nouveaux marchés mais bien de renforcer les bases sur les marchés à positionnement dominant pour l'entreprise quitte à redéployer dans un deuxième temps, une fois les turbulences passées, les marchés secondaires. Il y a également une analyse des scénarii de M&A à mener. Si les deals marquent le pas pendant la crise, les sociétés restent bien évidemment attentives à ce qui se passe, et il peut encore y avoir des opportunités d'investissement.


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