[Chronique de la relance] Préparez dès maintenant les conséquences de votre clôture annuelle !
Nous avons évoqué la semaine dernière les options pour bien apprécier la performance financière de votre entreprise dans votre clôture. Maintenant nous allons regarder certaines des conséquences que peut avoir la crise sur les comptes des entreprises.
La clôture de 2020 constate les impacts de la crise COVID sur la santé financière de nombreuses entreprises. Il est donc important non seulement de bien apprécier la performance financière de celle-ci et de l'expliciter dans la clôture des comptes mais aussi de bien appréhender les conséquences de la crise sur les comptes eux-mêmes.
D'une part, certaines sociétés, certains pays traversent la crise sans encombre. Pour certains groupes, la croissance est au rendez-vous. J'ai un client dans l'aménagement d'espaces, un autre dans la maintenance qui connaissent une très forte croissance en 2020. En ce qui concerne les pays, la Chine est repartie et a été peu confinée, la Corée et une large partie de l'Asie mais aussi des pays plus proches comme la Finlande, le Danemark ou même l'Allemagne sont beaucoup moins impactés que la France.
D'autre part, certaines entreprises souffrent. Cet article concerne avant tout ces sociétés.
Les restaurants, les hôtels, le tourisme, mais aussi la formation et beaucoup d'autres secteurs sont exposés. Intéressons-nous à ces sociétés qui généralement voient leur chiffre d'affaires chuter, première cause de la baisse de leur résultat. Mais leurs frais ne sont bien souvent pas réduits à proportion pour préserver leurs profits. Bien sûr elles ont coupé dans leurs coûts et bénéficié des aides de l'État (chômage partiel, incitation pour les loyers, quasi subventions pour les fonds de solidarité). Nous avons même parfois des frais variables toujours présents alors que l'activité est au plus bas. Souvent il reste une part trop significative de frais fixes.
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Estimez votre résultat à fin décembre 2020
Ces sociétés ont une forte dégradation de leur résultat net, voir passent en perte. Dans tous les cas, l'EBE (ou la trésorerie générée par le compte de résultat, la CAF) est détérioré. Pire, la CAF peut être négative. En conséquence, l'entreprise peut perdre parfois même sa capacité à rembourser ses emprunts. Ceci est un des signes du surendettement.
Pendant la même période, celle de 2020, pour faire face à leurs échéances, ces mêmes entreprises ont contracté des dettes en l'occurrence des Prêts Garantis par l'État, PGE). L'obtention de ce prêt était assez aisée. Beaucoup plus que d'habitude. Il fallait montrer une prévision de trésorerie avec un besoin de financement à couvrir par le financeur, la banque, contre garantie de l'Etat à 90%. Pour les cas refusés, des recours ont été mis en place par l'État afin de soutenir l'activité en France. Action compréhensible dans le but d'éviter les faillites etdépôts de bilan.
Mais tous ceux qui ont demandé un prêt sur 5 ou 6 ans à leur banque avant 2020 savent combien il a été plus complexe de l'obtenir. Et les critères d'obtention n'étaient jamais liés à un besoin de financement pour faire face à des échéances court terme, mais à une rentabilité d'un projet, à la capacité de rembourser dans le futur les sommes avancées par la banque.
Le PGE n'est pas un prêt comme les autres
Les règles habituelles n'ont pas été appliquées avec la même rigueur en 2020. Cela a sauvé des entreprises assurément. Mais il va falloir retourner dans la norme financière prudentielle dans un contexte de production des comptes particulièrement perturbé.
En effet, le ratio d'endettement va être très dégradé, à la fois dans son numérateur et son dénominateur. Le taux d'endettement mesure l'endettement net par rapport à l'EBE (ou la trésorerie issue du compte de résultat, la CAF). La pratique actuelle souhaite que ce ratio soit inférieur à 3. Au-delà de 3, l'entreprise concernée a une tendance à avoir moins de marges de manoeuvre pour rembourser ses dettes, à être plus risquée. Plus ce ratio est important, plus le risque de surendettement est élevé. Il est donc particulièrement suivi par les banques, les établissements financiers et les organismes de crédit.
Reprenons le cas de notre entreprise qui a vu chuter son EBE alors qu'elle a fait appel à de nouveaux prêts (PGE par exemple). Sa capacité d'endettement s'est brusquement effondrée. L'entreprise qui est passée de fin 2019 à fin 2020 d'un CA de 5 M€ à 4 M€, d'un EBE de 500 000 € à 300 000€ et d'une dette de 1M€ à 1,5 M€, son ratio est passé de 2 à 5 alors qu'elle a pris un PGE assez faible au regard de son CA (moins d'un mois et demi de CA). Nous constatons par cet exemple que la double dégradation du résultat et de l'endettement entraine une chute particulièrement rapide et importante du taux.
Anticipez vos ratios d'analyse financière
Si ce ratio est mauvais, cela va provoquer des réactions négatives de vos financeurs et de vos parties prenantes. En 2021, alors que vous pensez que la crise sera finie, ce que nous espérons tous, vous aurez à affronter des soucis de scoring. Ne soyez donc pas surpris et préparez-vous dès maintenant !
Dans ce cas, la note de la Banque de France va se trouver dégradée. La cote auprès de la banque diminuée. Les assureurs crédits vont être plus prudents, vont peut-être réduire les enveloppes d'encours. En conséquence l'accès aux prêts, aux leasings, peut-être même aux relations commerciales avec vos fournisseurs, voir vos clients, peut s'en trouver perturbé.
Attention aux " covenant " : Renégociez
En particulier, j'attire votre attention sur les " covenant " qui régissent peut-être votre prêt. En effet, il est fort probable que les ratios financiers de votre structure se dégradent et déclenchent des augmentations de coût de la dette, de la prime. Il vaut mieux prévenir et tenter de renégocier les seuils dès maintenant plutôt que de les subir dans quelques mois.
Le ratio de capacité d'endettement se calcule par tous les tiers sur le passé, avec vos comptes à fin 2020. Mais, pour donner de la perspective, il est souhaitable de se projeter, d'estimer ce qu'il va se passer l'an prochain, en 2021. En effet, il est important de prévoir la trésorerie de votre entreprise et aussi de valider son financement, sa capacité à rembourser ses dettes. Vous avez pour cela un outil : le business plan.
La semaine prochaine, nous aborderons le sujet plus large de la gestion de la sortie de crise.
L'auteur : Yves Peccaud est fondateur de Culture Cash, cabinet de conseil spécialisé dans la performance financière et la gestion de crise. Il est diplômé d'HEC et enseigne la stratégie et la finance à Dauphine, Centrale Supelec et BPI. Il conseille des dirigeants pour résoudre les difficultés de leur entreprise et financer la relance. Il s'appuie sur une solide expérience de DAF et de dirigeant de sociétés en redressement judiciaire. Il a créé une méthode pour retrouver rapidement la trésorerie par le déploiement d'une Culture Cash®
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