Malgré la crise, l'export bouge
Digitalisation, nouvelles façons d'échanger, nouveaux outils de prospection : durant le confinement mondialisé, loin d'être entièrement sinistré, l'export s'est réinventé.
Le covid-19 n'a pas seulement bloqué la France, mais le monde entier. A l'heure de la pandémie, chacun était sommé de rester chez lui. Un mouvement se poursuit notamment : celui des entreprises tricolores qui ont continué de traverser les frontières.
D'après une étude de Team France Export (qui réunit notamment Business France, les CCI et Bpifrance), 55 % des PME ont exporté durant le confinement. Encore mieux du côté des ETI : elles sont 70 % à poursuivre leurs activités à l'international. Bien sûr, il a fallu s'adapter et composer avec des freins bien présents. A parts égales (29 % des réponses) sont cités le manque de visibilité et les problèmes logistiques. " C'est une crise mondiale, mais aussi une crise séquentielle. Aujourd'hui nous sommes plutôt optimistes car le soleil se lève en Asie... A Taïwan, peu touché par le Covid-19, nos équipes ont continué à se rendre au travail. En Chine, malgré la quarantaine imposée à ceux qui souhaitent se rendre dans certaines villes, la vie reprend son cours, commente Frédéric Rossi, directeur général délégué à l'export de Business France. C'est aussi très variable d'un secteur à l'autre. Certains se portent encore relativement bien, comme l'agroalimentaire par exemple. "
Opportunité
C'est le cas de Good Goût, qui propose des produits d'alimentation infantiles bio. Contre toute attente, la crise s'est avérée une opportunité business. " A l'export, nous avons enregistré une croissance en valeur de +39% sur le mois de mars, +169% sur le mois d'avril par rapport à la même période l'année dernière ", déclare sa directrice générale, Pascale Laborde. La raison d'une telle embellie ? Une envolée plus spécifique des ventes en ligne, liée au changement de comportements d'achat.
Le site belge de la marque a fait fois sept pendant le confinement, en comparaison au début de l'année 2020, ou encore fois quatre en République Tchèque. Sans oublier le maintien de l'ouverture des frontières pour le transit des produits alimentaires. Pour la dg, cela tient également au bon soutien de ses partenaires logistiques. " Malgré des délais de livraison allongés, toutes les commandes ont été honorées ", promet-elle.
Relations
L'entreprise, présente dans 26 pays, réalise 5 % de son chiffre d'affaires à l'international. Elle compte le doubler d'ici deux ans, en profitant notamment de l'appui du groupe H&H qui a racheté la marque il y a deux ans. Une aubaine pour Good Goût qui mise notamment sur la Chine pour se développer. " Aujourd'hui, notre stratégie reste la même, malgré la crise mondiale, poursuit Pascale Laborde. Elle s'appuie sur ce qui est, selon nous, les trois facteurs de succès : sélectionner les bons partenaires de distribution, renforcer notre présence avec des clients-clés et sur les réseaux stratégiques de vente en ligne, et créer une stratégie d'influenceurs dans les pays afin de recruter et de fidéliser de nouveaux consommateurs. "
Selon elle, cet épisode aura modifié en profondeur la relation de Good Goût avec ses partenaires à l'international, qu'il s'agisse de la mise en place d'un protocole sanitaire accru ou d'une nouvelle façon de travailler ensemble. " La manière dont on s'adresse et dont on garde le lien à distance avec ses clients et ses partenaires est devenue essentielle ", confirme Frédéric Rossi.
Digitalisation
La crise aura aussi largement contribué à digitaliser l'ensemble des process export : elle a permis de fluidifier les formalités administratives. C'est pourquoi, selon Frédéric Rossi, les entreprises qui maitrisent le digital seront probablement celles qui s'en sortiront le mieux.
" Emission des factures, lien avec les clients par des visioconférences, formalités administratives dématérialisées : tout le processus de gestion des flux en interne et en externe doit être digitalisé pour permettre à l'entreprise de mieux rebondir, assure-t-il. De même, les directeurs export qui sautent d'un avion à l'autre pour parcourir le monde, c'est fini. Il va falloir envisager la prospection commerciale à l'étranger sous des angles nouveaux qui ont, là aussi, un recours beaucoup plus fort au digital. " Une solution ? Des outils de veille qui permettent de s'informer en temps réel sur la situation d'un pays, à l'instar des " Info Live Marchés " développés par Business France et nourris des remontées terrain de ses bureaux locaux à travers la planète. Cette série de 170 webinaires géographiques et sectoriels fait désormais office de salon professionnel.
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Acquisitions
Durant le confinement, le gouvernement s'est également penché sur le cas des entreprises exportatrices. Pour elles, il a mis en place un certain nombre de mesures, comme l'abaissement du seuil de garantie des cautions et préfinancements export ou le report des contrats d'assurance prospection d'un an. Ces aides concernent les entreprises qui ont déjà expérimenté l'international.
Pour Frédéric Rossi, la clé de réussite à l'international en 2020 se joue évidemment dans la préservation de la trésorerie : un atout pour préserver ses talents, ses chances de rebond et saisir les opportunités. " Cette crise, dans certains pays, laissera beaucoup d'entreprises sur le carreau. Ceux qui ont des marges de manoeuvre pour pouvoir entrer sur des marchés complexes en faisant l'acquisition d'une petite société locale bien implantée, gagneront un avantage indéniable ", conclut-il.
Témoignage
" La crise ne fait que ralentir nos projets ", Jean-Louis Poiroux, fondateur de Cinq Mondes
Parmi les secteurs relativement préservés à l'export à l'heure du covid-19, les cosmétiques tiennent bon. L'entreprise Cinq Mondes est une enseigne de spas qui développe également des produits de beauté naturels. Elle a certes vu fermer l'ensemble de ses 1000 spas partenaires et 22 flagship à travers le monde, mais son activité en ligne s'est, elle, accrue. " En France, nos ventes de cosmétiques on-line ont quasiment doublé ", assure même Jean-Louis Poiroux, fondateur de Cinq Mondes. Un phénomène qui se propage à d'autres pays comme l'Italie, les États-Unis ou la Corée du Sud. L'entreprise revoit alors sa copie et produit certaines références très demandées.
En parallèle, Jean-Louis Poiroux évoque un " changement de relationnel commercial " : " Certains pays nous demandent des efforts quant aux conditions commerciales. Nous, nous leur demandons de verser 50 % du total de la commande lors de sa validation. " Pour le dirigeant, la crise sanitaire ne fait que " retarder " les projets de développement à l'international de la marque. Elle qui réalise actuellement 40 % de son chiffre d'affaires à l'export compte doubler cette part d'ici cinq ans. Nouveaux distributeurs aux Pays-Bas ou en Suède, discussions pour un partenariat au Canada... Les projets ne manquent pas.
Cinq Mondes
Spas et cosmétiques
Paris (9e)
Jean-Louis Poiroux, président, 55 ans
SAS
Création en 2001
150 salariés
CA 2019 : NC
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