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[Tribune] La CSRD est transposée, cap sur la durabilité des entreprises

La CSRD, au-delà du reporting d'informations en matière de durabilité, est un levier de transformation des entreprises vers un modèle durable, centré sur la réduction des impacts et contributif à la transition écologique et sociale.

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La France est donc devenue le premier pays à transposer la CSRD qui concerne 6.000 entreprises françaises environ et un total de près de 50.000 entreprises européennes.

Les entreprises concernées

Les SAS seront désormais soumises au reporting de durabilité (Art. 2), alors qu'elles avaient échappé à l'article 225 de la loi Grenelle 2 comme à la DPEF. Quant aux seuils, ils seront prochainement précisés par décret. Initialement, dans l'acte délégué du 31 juillet dernier, la CSRD devait s'appliquer aux entreprises qui remplissaient 2 des 3 critères suivants : Plus de 250 collaborateurs / Plus de 40 M€ de CA / Plus de 20 M€ de bilan. Depuis, la Commission Européenne a adopté des amendements à la directive comptable pour tenir compte de l'inflation. Désormais, pour les moyennes et grandes entreprises, le seuil du chiffre d'affaires net passe de 40 à 50 millions d'euros et le seuil du bilan de 20 à 25 millions d'euros. Qu'en sera-t-il ?

L'extra-territorialité est de mise. Les filiales européennes de sociétés mères non européennes pourront être concernées en fonction des seuils qui seront précisés par décret. Initialement, il s'agissait des entreprises qui réalisent plus de 150 M€ de chiffre d'affaires en Europe et une filiale ou succursale basée dans l'Union européenne. Soit environ 10.000 entreprises dont 1/3 d'entreprises américaines.

Les sanctions encourues

C'est nouveau, et quelque part, c'est une preuve de la volonté d'inscrire le rapport de durabilité dans les pas des rapports financiers. Seront sanctionés le défaut de publicité (passible d'une amende de 3 750 € et possible exclusion de la procédure de passation d'un marché publique), le défaut de désignation d'un commissaire aux comptes (passible de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende) mais aussi l'entrave à l'audit (passible de 5 ans d'emprisonnement et de 75.000 € d'amende).

La vérification

On note une évolution qui va dans le sens d'un audit renforcé. L'ordonnance de transposition précise les rôles et les missions des auditeurs des données ESG et ouvre le marché de la vérification. En plus des commissaires aux comptes, les experts-comptables, les avocats ou encore des OTI (organismes tiers indépendants) pourront auditer et certifier les données de durabilité.

Ces nouvelles professions pourront effectuer la vérification, à condition d'avoir été habilités par le COFRAC et le H2A (Haute Autorité de l'Audit) qui remplace le H3C (Haut Conseil du Commissariat aux Comptes) et d'avoir suivi une formation de 90 heures, validée par un examen final. Au final, un audit renforcé, avec dès l'exercice fiscal 2024, une assurance limitée puis une évolution vers l'assurance raisonnable attendue pour 2028.

Cap sur la durabilité

La transposition de la CSRD dans le droit français est une très belle avancée pour les entreprises sur le chemin de la durabilité. Ce chemin vers la durabilité commence par l'analyse de double matérialité. Une analyse qui constitue un véritable défi pour les entreprises, même celles qui étaient précédemment soumises à la DPEF.

L'analyse de double matérialité constitue tout d'abord un véritable défi méthodologique. Rappelons l'objectif : identifier, avec ses parties prenantes, les enjeux environnementaux et sociaux matériels, c'est-à-dire, ceux qui représentent des risques et opportunités pour le modèle d'affaires de l'entreprise. Mais aussi, dans le même temps, partout où l'entreprise opère, et en prenant en compte sa chaine de valeur, les enjeux qui impactent le monde. Comment pré-identifier les enjeux à analyser, quelles parties prenantes interroger, quelle grille d'évaluation et de pondération utiliser pour crédibiliser la démarche et produire les résultats escomptés ? Les entreprises soumises devront rendre compte de leur méthodologie.

L'analyse de double matérialité constitue également un défi quant à la capacité à générer de la confiance auprès des parties prenantes, au premier rang desquels les acteurs financiers. Si l'implication de la gouvernance dans l'engagement de durabilité des entreprises est exigée par la CSRD, la crédibilité de la gouvernance est engagée par la robustesse attendue des analyses de double matérialité qui constitueront demain le socle de la transformation des entreprises vers des modèles durables. Ne nous y trompons pas, l'enjeu de l'analyse de double matérialité n'est pas de répondre à une exigence de conformité !

Par ailleurs, certains observateurs ont été pour le moins effrayés par le fichier projet de 1178 points de données publié par l'EFRAG. En première lecture, de quoi décourager les plus sincères convictions quant à la nécessité de « pivoter ». Cependant, gardons à l'esprit que l'analyse de double matérialité, réalisée sincèrement, avec une méthodologie robuste, revient à réduire drastiquement le nombre de datapoints à retenir. On devrait s'orienter vers une fourchette comprise entre 400 et 600 points de données qui devront être intégrés dans un questionnaire pertinent pour piloter les KPIs associés aux Impacts, Risques et Opportunités (IRO).

Certains parlent également de défi budgétaire, alors même que de nombreuses ETI n'ont pas encore de ligne budgétaire dédiée à la RSE. Il apparait tout à fait logique de consacrer des budgets conséquents aux études marketing quand il s'agit de s'assurer de la pertinence de la sortie d'un nouveau produit. Ne serait-il pas tout aussi logique, quand il s'agit de la durabilité de l'entreprise, d'y consacrer un budget suffisant ? Reste cependant la question de l'effet d'aubaine et de son potentiel corollaire inflationniste, soulignés par certains.

En conclusion, le cap sur la durabilité, sur la transformation vers un modèle durable, compatible avec la transition écologique et sociale, exige que la RSE soit désormais stratégique, intégrée et pilotée. Plus qu'un défi organisationnel, la CSRD est une source d'opportunités et d'innovations au service de la performance des entreprises. Elle est de nature à générer de nouvelles ambitions pour les entreprises qui aborderont la CSRD dans sa capacité à générer le changement, c'est-à-dire à reconfigurer leur modèle d'affaires traditionnel vers celui d'entreprises contributives, prélude à celui des entreprises régénératives.

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