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Prélèvement à la source: 4 réalités qui vont agacer les dirigeants

Un rapport sur le prélèvement à la source commandé par le gouvernement avant l'été, et remis mardi 10 octobre 2017, identifie quatre difficultés de taille que vont devoir gérer les entreprises.

Publié par Mallory Lalanne le - mis à jour à
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Prélèvement à la source: 4 réalités qui vont agacer les dirigeants

La faisabilité de la réforme du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 ne fait pas de doute, malgré les difficultés anticipées et les risques à maîtriser. C'est l'une des conclusions du rapport de l'inspection générale des finances et du cabinet d'audit privé Mazars, remis au Parlement mardi 10 octobre 2017. Commandé par le gouvernement avant l'été, ce rapport détaillé de plus de 600 pages, évalue la charge réelle incombant aux futurs collecteurs, et identifie quatre difficultés qui pourraient donner des sueurs froides aux entreprises.

1. Une mise en place de la réforme coûteuse

L'inspection générale des impôts estime que la charge financière se situerait entre 310 et 420 millions d'euros pour les entreprises, et non 1,2 milliard comme évoqué au début de l'été dans un rapport pour la délégation sénatoriale aux entreprises.

Plus de 70 % du coût correspondrait au temps de travail interne aux entreprises à savoir le paramétrage des logiciels, la formation des utilisateurs, la communication auprès des salariés et la réponse à leurs questions. "L'adaptation des logiciels de paie ne devrait pas, selon les éditeurs interrogés, faire l'objet d'une facturation (elle serait intégrée dans les contrats de maintenance des logiciels de la DSN phase 3), mais elle suppose un temps de paramétrage et de formation des utilisateurs dans les entreprises", note le rapport. L'intégration des taux de prélèvement dans les logiciels sera par ailleurs automatisée pour les entreprises qui déclarent directement en DSN depuis leur logiciel de paie.

Les coûts sont plus élevés en phase de mise en place qu'en phase pérenne. L'impact par salarié étant compris, pour la mise en place, dans une fourchette de 6 à 8 euros pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et grandes entreprises (GE), et de 26 à 50 euros pour les TPE et les PME.

Pour la phase pérenne, compte tenu notamment de la diminution de la charge de réponse aux questions des salariés qui auront intégré les grands principes de la mesure, le coût par salarié est estimé entre 3 et 4 euros par an pour toutes les catégories d'entreprises, sauf pour les TPE gérant en interne leur paie pour lesquelles le coût annuel est estimé à 9 euros.

2. L'application d'un taux neutre par défaut

Pour préserver la confidentialité des revenus du foyer vis-à-vis de l'employeur, l'option d'un taux d'imposition "individualisé" ou "neutre" est proposée en lieu et place du taux normal.

Dans ce cas, l'employeur appliquera le taux correspondant à la rémunération de son employé, définie dans la grille de taux neutre (votée en loi de finances pour 2017) et similaire au taux applicable à un célibataire sans enfant. Le salarié devra le cas échéant verser à l'administration fiscale une somme correspondant à la différence entre l'application de son taux personnel de prélèvement et l'application du taux neutre.

Jusqu'à un salaire mensuel imposable de 1 367 euros par mois, ce taux sera toutefois nul en métropole car, à ce niveau de revenus, les personnes ne sont pas imposables.

Exemple

Pauline et Nicolas sont un couple marié de 33 ans et 40 ans. Tous deux salariés, ils gagnent respectivement 2000 et 4000 euros net par mois. S'ils décident d'opter pour un taux neutre, l'employeur va appliquer un taux de 11,3% (soit un prélèvement de 452 euros pour Nicolas et 226 euros pour Pauline), même si Nicolas touche un salaire deux fois plus élevé que Pauline.

S'ils décident d'opter pour des taux individualisés, Nicolas sera alors prélevé d'un taux de 13,5% (soit un prélèvement mensuel de 540 euros), et Pauline de 6,9% (138 euros).

Ce taux "neutre", non choisi par le contribuable, sera également appliqué si l'administration fiscale n'est pas en mesure de communiquer un taux au collecteur, par exemple en cas de début d'activité professionnelle ainsi qu'aux personnes qui sont fiscalement à la charge de leurs parents afin qu'elles ne subissent pas un prélèvement excessif.

Il est également applicable dans le cadre d'un contrat court (CDD de moins de deux mois ou dont le terme est imprécis). Dans ces cas, le prélèvement à la source est calculé après application d'un abattement d'un demi -SMIC mensuel au revenu versé. Au lieu d'être situé à 1 367 euros, comme dans le cas général, le seuil de déclenchement du taux neutre, à 2%, sera donc de 1964 euros.

3. Un risque de "sur-prélèvement" d'impôts

Le rapport d'évaluation met en garde que l'application du taux neutre peut entraîner un "sur prélèvement" réel. Ce sur-prélèvement ne sera régularisé qu'avec le solde de l'impôt sur le revenu, à l'été de l'année suivante. Outre l'enjeu financier, cette application d'un taux neutre "par défaut" pourrait susciter des questions de la part des contribuables. Ce qui inquiète les employeurs.

Pour répondre aux risques de sur-prélèvement, le gouvernement a adopté un amendement aménageant les modalités de calcul du PAS pour les contrats courts (CDD qui n'excède pas plus de deux mois ou dont le terme est imprécis), dans la limite des deux premiers mois d'embauche.

Selon le rapport, cette réponse ne règle toutefois pas la question des salariés qui débutent un contrat d'une durée supérieure à deux mois, puisqu'ils se verront appliquer le taux neutre selon les règles de droit commun. Par ailleurs, les personnes enchaînant de nombreux CDD courts au cours d'une année pourraient ne se voir appliquer que des taux neutres "sous-évalués", avec une régularisation systématique l'année suivante.

4. La gestion des indemnités journalières subrogées

Pour déterminer le prélèvement à la source, l'employeur doit être en capacité de déterminer la base imposable. Or le secret médical fait obstacle à ce qu'il connaisse la situation de son employé, notamment d'une éventuelle affection longue durée (ALD) qui rendrait l'IJ maladie non imposable. La solution envisagée depuis mars 2017 par l'administration consiste à soumettre les IJ subrogées (à savoir directement perçues par l'employeur en lieu et place du salarié) au PAS pendant les deux premiers mois d'arrêt maladie, puis d'en arrêter la collecte à partir du troisième mois.

"Outre sa faible cohérence fiscale, cette solution est jugée insatisfaisante par l'ensemble des acteurs", souligne le rapport. Elle s'avère complexe à appliquer non seulement du côté des employeurs et des éditeurs de logiciels, mais aussi difficilement compréhensible pour les salariés. Ils recevront, après plus de deux mois d'arrêt maladie, un revenu net supérieur à celui qu'ils perçoivent en activité et verront leur impôt systématiquement régularisé l'année suivante (restitution des deux premiers mois pour ceux en ALD et prélèvement des mois suivants pour ceux qui ne sont pas en ALD).

Des possibles aménagements

Le gouvernement "entend tirer les conséquences" (de ce rapport), selon un communiqué de Bercy du mardi 10 octobre 2017 et pourrait proposer des aménagements au dispositif dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en fin d'année.

Opposé depuis le début au principe du prélèvement à la source, la CPME met en avant les charges supplémentaires qui vont peser sur les entreprises. "Cet audit ne fait que confirmer que les entreprises et plus particulièrement les TPE et PME seraient les grandes perdantes de cette réforme en termes de charges financières, de renforcement des lourdeurs administratives mais également de relations avec leurs salariés", estime la Confédération dans un communiqué publié mercredi 11 octobre 2017. "Des solutions alternatives existent via les banques, ainsi que le rappelait ce matin François Asselin lors d'un entretien avec Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances. Elles éviteraient de faire jouer aux entreprises un rôle de collecteur d'impôts qui n'est pas le leur".

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