Connaître ses droits en cas de visites et saisies de l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence, qui est chargée de contrôler le respect de règles de la concurrence, peut visiter les entreprises et y effectuer des saisies de documents. Ces opérations de visite et saisie s'apparentent à des " perquisitions ". Revue des droits des entreprises en pareil cas.
Les entreprises n'ont pas le droit de s'entendre entre elles pour fausser la concurrence. Elles ne peuvent pas, par exemple, conclure un pacte de non-agression, fixer un prix en commun, se répartir des marchés. En cas de soupçon d'infraction ou sur dénonciation, les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence accompagnés d'officiers de police judiciaire peuvent, sans prévenir, investir les locaux d'une entreprise pour y trouver des preuves. L'opération peut durer plusieurs heures, voire plusieurs jours. L'entreprise visée ne peut pas s'opposer au contrôle, mais elle dispose cependant de droits.
Les droits de l'entreprise : peu nombreux mais à connaître
L'entreprise a notamment le droit :
- de connaître l'objet de l'enquête et pour cela de se faire remettre dès l'arrivée des enquêteurs l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention ayant autorisé les opérations de visite et saisie de l'administration. Cette décision détermine l'objet des investigations mais aussi le périmètre des lieux concernés.
- d'être assistée de son avocat. Les premières personnes à avertir sans délai de l'arrivée des enquêteurs sont généralement la direction générale, la direction juridique et l'avocat de l'entreprise.
- de choisir en son sein la personne qui sera l'interlocutrice principale des enquêteurs. Il important que, dans chaque entreprise, une ou plusieurs personnes soient formées à l'exercice. Le fait d'avoir la conscience tranquille au regard des règles de concurrence ne signifie pas qu'une telle préparation soit superflue.
- d'accompagner les enquêteurs dans leurs investigations au sein de l'entreprise et de prendre note de tous les documents saisis par les enquêteurs.
- de demander aux enquêteurs de ne pas saisir certains documents comme par exemple ceux couverts par le secret des échanges entre l'avocat et son client, ou encore ceux sans rapport avec l'objet de l'enquête.
- de ne pas s'auto-incriminer. Si les enquêteurs peuvent poser des questions, ces questions ne doivent pas avoir pour objet d'amener la personne interrogée à s'auto-incriminer. De plus, les questions doivent être en rapport avec l'objet de l'enquête.
- d'être assistée par un membre du service juridique ou par l'avocat au cours de l'audition d'un représentant de l'entreprise par les enquêteurs.
- de ne pas aller au-delà des demandes des enquêteurs et de ne pas leur fournir plus qu'ils ne demandent.
- de relire et faire modifier le procès-verbal et l'inventaire des pièces saisies. Cependant, en pratique, les enquêteurs ont souvent tendance à saisir l'intégralité des messageries électroniques.
- de faire mentionner sur le procès-verbal toutes les observations pertinentes.
- de faire un recours (seulement si cela s'avère opportun).
Attention à ne pas faire obstruction à l'enquête !
La sanction pour obstruction est indépendante de l'existence d'une infraction aux règles de concurrence. Une entreprise contre laquelle aucune infraction aux règles de concurrence ne serait finalement relevée pourrait néanmoins être sanctionnée simplement pour avoir fait obstruction à l'enquête. Il est important que les salariés soient formés à la conduite à tenir.
Une amende peut être infligée en cas d'obstruction aux opérations de visite et saisie pour un montant pouvant atteindre 1 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.
Par décision du 22 mai 2019, l'Autorité de la concurrence a sanctionné une entreprise d'une amende de 900 000 euros pour avoir, au cours d'une opération de visite et saisie, brisé un scellé et porté atteinte au fonctionnement d'une messagerie.
Cette sanction vient rappeler que la première obligation de l'entreprise contrôlée est de ne pas faire obstruction à l'enquête, ce qui implique notamment de ne pas détruire des documents sous quelque forme que ce soit (informatique, papier...).
Pour les personnes physiques, les peines sont de deux ans de prison et 300 000 euros d'amende.
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Si les droits de l'entreprise sont restreints, ils ne sont cependant pas nuls. Aussi est-il recommandé de les connaître et surtout d'en faire usage !
Pour en savoir plus
Xavier Henry & André Bricogne
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