Covid-19 : comment réagir face à une demande de reconnaissance de maladie professionnelle ?
Le décret du 14 septembre 2020 permet désormais la reconnaissance des pathologies liées au Covid-19 en maladie professionnelle et a défini les modalités selon lesquelles un salarié pourrait bénéficier d'une prise en charge à ce titre.
La question de savoir si le Covid-19 peut être reconnue comme maladie professionnelle a été, depuis mars 2020, longuement discutée.
En effet, avant cette pandémie, le Covid-19 n'était pas comprise dans les affections susceptibles d'être qualifiées de maladies professionnelles.
Avant l'été, face à la propagation du virus, le Gouvernement avait décidé que le personnel du secteur de la santé pourrait bénéficier d'une telle possibilité, qui permet notamment aux salariés d'obtenir d'une meilleure prise en charge de leurs frais de santé.
C'est chose faite avec un décret du 14 septembre 2020 qui a défini les conditions dans lesquelles une maladie professionnelle peut être reconnue dans une situation de contamination au Covid-19. Ce décret est entré en vigueur le 16 septembre 2020 et est applicable aux secteurs de la santé mais également aux autres secteurs sous réserve de remplir certaines conditions.
Dans quelles situations un salarié peut-il faire une déclaration de maladie professionnelle lorsqu'il estime avoir été contaminé par le Covid-19 au temps et au lieu de travail ? Comment les employeurs peuvent-ils limiter leur responsabilité ?
Le Covid-19, une nouvelle maladie professionnelle
A titre liminaire, il doit être rappelé qu'une maladie professionnelle peut être caractérisée sur la base d'un tableau qui définit certaines conditions quant à l'affection subie par le salarié, au délai de prise en charge ou encore aux conditions de travail par exemple. Lorsque les conditions énumérées par le tableau ne sont pas remplies par le salarié, un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) est appelé à statuer sur le lien entre le travail du salarié et sa maladie, dans le cadre d'une procédure complémentaire au terme de laquelle il est amené à rendre un avis.
Le décret du 14 septembre crée deux nouveaux tableaux (n°100 pour le régime général, n°60 pour le régime agricole - " cas n°1 "). Grâce à ce tableau, les affectations respiratoires aigües liées au Covid-19 sont susceptibles d'être reconnues en tant que maladies professionnelles.
A qui ce tableau s'adresse-t-il ? Il s'adresse au personnel du secteur sanitaire et médico-social qui présente une affection respiratoire grave et qui, sous réserve de remplir d'autres conditions cumulatives (notamment un délai de prise en charge de 14 jours et de travail en présentiel), peuvent désormais bénéficier d'une présomption de maladie professionnelle.
Les salariés qui ne remplissent pas ces conditions (soit parce qu'ils ne souffrent pas d'une affectation respiratoire aigüe, soit parce qu'ils ne relèvent pas du secteur sanitaire et médico-social, ou encore parce que leur délai de prise en charge ou leurs conditions de travail ne sont pas conformes aux exigences du tableau - " cas n°2 "), quant à eux, pourront bénéficier de la reconnaissance éventuelle des pathologies liées au Covid-19 en maladie professionnelle s'ils passent par la procédure complémentaire spécifique devant le CRRMP dédié au Covid-19.
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A noter que ce texte fait déjà débat et est considéré comme étant trop restrictif par les syndicats CGT et FO.
Quel impact pour l'employeur ?
Eviter la reconnaissance d'une maladie professionnelle constitue un enjeu dans l'entreprise notamment en raison du contentieux pouvant être engendré par une telle reconnaissance.
En effet, lorsqu'une maladie professionnelle est caractérisée, le salarié peut ensuite engager deux types de procédure. D'une part, il peut solliciter des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur devant le Conseil de prud'hommes, et d'autre part, il peut solliciter la reconnaissance d'une faute inexcusable devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire.
Ces deux actions peuvent être menées en parallèle et peuvent s'avérer très coûteuses pour l'entreprise.
Concernant un second enjeu lié habituellement à l'augmentation du taux de cotisation AT/MP, il faut savoir que le régime sera particulier pour les reconnaissances de maladies professionnelles liées au Covid-19. En effet, pour ces pathologies, les dépenses seront mutualisées entre tous les employeurs au sein du " compte spécial " qui existe déjà pour d'autres dépenses. Il résultera de ce compte une majoration forfaitaire de cotisation AT/MP pour tous les employeurs, sans nivellement en fonction de la reconnaissance effective ou non, au sein de l'entreprise, d'une maladie professionnelle.
Comment prévenir la reconnaissance du Covid-19 en maladie professionnelle ?
En cas de déclaration de maladie professionnelle par un salarié, il sera plus ou moins difficile pour l'employeur d'en contester la réalité.
Pour ce faire, il devra notamment démontrer que la maladie a une cause totalement étrangère au travail - ce qui, en pratique, sera difficile à démontrer (" cas n°1 "), ou bien que la maladie n'a pas pu être causée par le travail (" cas n°2 ").
En tout état de cause, cette nouvelle règlementation impose à l'employeur de construire un dossier comprenant des pièces pertinentes de nature à démontrer qu'il a mis en place toutes les mesures visant à éviter la contamination et que le salarié n'a pas pu contracter la maladie dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.
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Dans son dossier, devront par exemple apparaître les éléments suivants :
- la preuve de la mise en place des règles sanitaires et des gestes barrières par la mise à disposition de masques, de gel hydroalcoolique, la mise en place du télétravail ou la réorganisation des espaces de travail permettant la distanciation sociale ;
- l'affichage des documents internes réactualisés régulièrement : le protocole de déconfinement, le document unique d'évaluation des risques, les fiches conseils sur les règles sanitaires ou toute autre note de service et les communiquer aux salariés en la matière ;
- l'intervention des acteurs permettant la validation des actions de l'employeur (médecin du travail, le référent Covid-19) ;
- tout échange de nature à démontrer que le salarié n'aurait pas respecté ces mesures voire, le cas échéant, les sanctions qui lui auraient été notifiées en ce sens.
Pour l'application de ces mesures, il sera possible de se référer au guide publié le 8 octobre dernier par le Ministère du Travail intitulé " conseils et bonnes pratiques pour l'employeur " face au virus, afin le cas échéant d'améliorer le processus déjà mis en place.
En savoir plus
Anne Leleu-Eté associé fondateur du cabinet Axel Avocats, dédié au droit du travail et de la sécurité sociale. Axel Avocats conseille des entreprises, TPE et PME françaises et étrangères, de tous secteurs. Pour ses clients, le Cabinet intervient tant en conseil quotidien en matière de gestion du personnel et de représentants du personnel que sur des dossiers plus ponctuels tels que restructurations, audits, contrôles URSSAF, détachement/expatriation, sous-traitance, etc.
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