"Barème Macron" : son application toujours contestée par certains tribunaux
Malgré l'avis de la Cour de Cassation rendu le 17 juillet dernier, certains Conseils de prud'hommes refusent d'appliquer le "barème Macron" qui plafonne les indemnités de salariés licenciés " sans cause réelle et sérieuse ". On fait le point.
La saga de l'application du " barème Macron " se poursuit. En témoigne une décision du Conseil de prud'hommes (CPH) de Troyes rendue le 29 juillet 2019. Un ancien salarié licencié " sans cause réelle et sérieuse " s'est vu accorder par le tribunal une indemnisation dépassant le barème fixé par les ordonnances de la loi travail de 2017. Quelques jours auparavant, le 22 juillet 2019, un juge du CPH de Grenoble a rendu un jugement semblable. Il a estimé que " le préjudice subi " par la salariée lésée " est supérieur " au plafond maximum prévu par le barème.
Bras de fer juridique
Pour motiver leurs décisions, les deux CPH ont invoqué la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui regroupe 187 États dans le monde dont la France. Dans le cas d'un licenciement " sans causes réelles et sérieuses ", ladite convention stipule qu'une réparation " appropriée " et une " indemnité adéquate " doivent être accordées par l'ex-employeur. Selon les CPH de Troyes et Grenoble, le principe d'un barème contrevient à ce principe.
Peu après, l'entrée en vigueur du " barème Macron " en 2017, des dizaines de conseils de prud'hommes en France avaient refusé de l'appliquer en invoquant ce texte de l'OIT. Le 17 juillet 2019, un avis de la Cour de cassation réunie en session plénière extraordinaire devait définir la jurisprudence à adopter. Elle a finalement attesté la conformité du " barème Macron " avec la convention 158 et le droit français. Pour la haute juridiction française, " le terme "adéquat'' devait être compris comme réservant aux États parties [de la Convention 158, ndlr] une marge d'appréciation ".
L'avis de la Cour de Cassation, toujours contesté
Mais les chambres prud'homales de Troyes et Grenoble ont estimé que l'avis de la Cour de Cassation " ne constituait pas une décision sur le fond " et n'était qu'un avis, quand bien même il avait une capacité d'influence importante dans la jurisprudence. Les employeurs condamnés dans les affaires prud'homales de Troyes et de Grenoble ont néanmoins la possibilité de faire appel et d'aller jusqu'en cassation, qui probablement statuera en leur faveur en raison de sa position sur le sujet.
Mesure phare du gouvernement Macron
Pour rappel, le barème des indemnités prud'homales est l'une des mesures de tête des ordonnances de la loi travail de 2017. Auparavant, les juges prud'homaux fixaient en fonction de leur appréciation le montant des indemnités accordées à un salarié licencié " sans cause réelle et sérieuse ". Estimant que les dommages et intérêts versés par les CPH étaient de plus en plus disproportionnés et créaient " une peur de l'embauche " - notamment dans les petites structures - le président de la République Emmanuel Macron et son gouvernement ont instauré ce barème. Désormais, l'indemnité doit être comprise entre un plancher et un plafond qui dépend de l'ancienneté du salarié lésé. Par exemple, une personne ayant travaillé un an pour l'employeur mis en cause, peut prétendre à une indemnité allant d'1 à 2 mois de salaire brut. Au-delà de 30 ans d'ancienneté, la fourchette varie entre 3 et 20 mois de salaire.
Jurisprudence encore en devenir
En attendant que la Cour de cassation statue plus fortement, de nouvelles décisions de justice sont attendues. Le 25 septembre, les Cours d'Appel de Paris et de Reims, dans deux dossiers distincts, devront dire si la grille d'indemnisation du " barème Macron " respecte le texte de l'OIT. Les syndicats de salariés ont parallèlement déposé un recours devant le Comité européen des droits sociaux et le Bureau international du travail. Une saga qui promet d'être riche en rebondissements.
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