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La pandémie creuse les inégalités mondiales

A l'occasion de la 25e édition du colloque Coface risque pays, la pandémie actuelle était évidemment au coeur des préoccupations. L'immunité collective par la vaccination est attendue de pied ferme pour permettre le rebond. Mais les pays ne sont pas tous égaux quant à l'issue de cette crise.

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
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La pandémie creuse les inégalités mondiales
© alphaspirit - Fotolia

Souvenez-vous, il y a un an, à l'occasion de son Colloque risque pays, Coface évoquait tout juste l'épidémie qui pointait son nez en Chine, à l'occasion d'un focus sur le consommateur chinois. Pour la 25e édition de ce Colloque Coface risque pays, la crise sanitaire est évidemment au coeur des préoccupations des différents experts de l'assureur-crédit international. Et pour cause : c'est le Covid-19 qui dicte sa loi à l'ensemble de l'économie mondiale.

Cap sur l'immunité collective

"Nous partons du principe que l'année 2021 va être en deux temps : un premier temps qui va ressembler à la fin de l'année 2020 avec ce qu'on appelle aujourd'hui communément des "stop and go", puis un redémarrage plus franc de la croissance dans un deuxième temps, une fois que l'immunité collective sera atteinte à travers la vaccination", a rapporté Julien Marcilly, chef économique de Coface.

Toute la question est désormais de savoir quand cette "immunité collective" sera atteinte. Dans ce domaine l'incertitude règne. D'autant plus que les pays ne sont pas égaux en termes d'accès aux vaccins : "Il y a tout d'abord des pays en avance comme certains pays du Golfe, Israël, les États-Unis et le Royaume-Uni, qui sont dans les temps pour atteindre l'immunité collective d'ici l'été. Vient ensuite un autre groupe, les pays de l'UE, qui semble être en retard et entamera la reprise avec un trimestre de retard, même si le rythme de la vaccination peut encore s'accélérer. Il y a enfin les grands pays émergents pour qui l'immunité collective ne sera pas atteinte cette année mais plutôt en 2022, et même en Afrique et en Asie du sud pas avant 2023", a résumé Julien Marcilly

A cela s'ajoute une autre incertitude : l'efficacité des vaccins contre les différents variants mais aussi la durée de l'immunité. Est-ce que cette "immunité collective" dont parle Coface sera réellement atteinte en 2021 par les pays qui sont en avance dans leur vaccination ?

Tous les pays ne poursuivront pas les mesures de soutien

Il n'y a pas qu'à travers l'accès à la vaccination que la pandémie va creuser les inégalités entre les pays en 2021. La capacité des autorités gouvernementales à poursuivre leur soutien à l'économie nationale pèse également énormément dans la balance. En effet, l'ensemble des pays ont injecté des liquidités (le plus souvent sous forme de prêts), mis en place des plans de relance, etc... afin d'éviter aux entreprises et aux habitants de sombrer avec la crise sanitaire. Coface estime que ces aides équivalent à 9% du PIB mondial, soit un montant 21 fois supérieur à la crise précédente.

Si ces aides gouvernementales massives ont permis de passer l'année 2020 sans trop d'encombres, la question est de savoir elles vont se poursuivre en 2021, jusqu'au tant attendu rebond. Cela va dépendre de la situation économique des différents pays. "En Europe, les prêts garantis par l'État devraient se poursuivre au moins jusqu'à juin, d'autant plus que cela ne coûte pas grand chose étant donné qu'il s'agit juste de garanties. Les mesures beaucoup plus coûteuses comme le chômage partiel devraient aussi être prolongées au cas par cas mais on peut penser qu'elles seront arrêtées en premier à mesure que la reprise gagnera en intensité", a indiqué Julien Marcilly.

Mais d'autres régions du monde ne pourront pas maintenir les politiques économiques de 2020. "Certains pays émergents, comme le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Inde, ne vont pas pouvoir prolonger certains programmes d'aide car ils font face à un risque de défaut à moyen termes et doivent donc couper dans leurs dépenses. Les entreprises de ces pays risquent de se retrouver dans des situations difficiles. Les marges de manoeuvre monétaire pourront également moins être utilisées, notamment en Russie, Indonésie et Mexique", a analysé Julien Marcilly.

Patricia Krause, économiste Coface pour la région sud-américaine, a rapporté que l'une des mesures les plus fortes prise au Brésil dans le cadre de la crise sanitaire, l'aide aux travailleurs informels (qui a concerné 56 millions de Brésiliens), a expiré en décembre dernier ; tout comme les mesures pour protéger l'emploi des petites et moyennes entreprises, qui ont également été stoppées. "Je suis par contre optimiste pour le Pérou et le Chili qui vont pouvoir continuer leurs efforts de soutien à l'économie et qui bénéficient de l'accélération du commerce extérieur, notamment au niveau du cuivre dont le prix reste à un niveau élevé, en raison de la forte demande chinoise et de l'intérêt grandissant pour les énergies renouvelables, le cuivre étant nécessaire dans la construction des voitures électriques", a-t-elle ajouté.

L'Asie, toujours usine du monde

Une des autres inégalités est en effet d'ordre sectoriel. "Cette crise est singulière à plusieurs points de vue et notamment parce qu'elle touche davantage les activités de service que les activités manufacturières, au contraire de précédentes crises", a souligné Julien Marcilly. En effet, les secteurs qui ont le plus souffert (hôtellerie, transport, etc...) sont des activités de services et vont mettre probablement un certain temps à repartir. Les activités manufacturières ont quant à elles souffert du premier confinement mais on rebondi assez rapidement et davantage qu'anticipé ; elles ont par ailleurs moins souffert de la deuxième vague. Notons enfin que des activités (industrie pharmaceutique, agroalimentaire, électronique) se sont au contraire montrées très résilientes.

Cela a évidemment des conséquences sur les pays, en fonction de la dépendance de leur économie aux activités de service comme le tourisme ou aux activités pétrolières, qui ont souffert des différentes restrictions en termes de mobilité. A contrario, la Chine a retrouvé son niveau d'exportation d'avant -crise en quelques mois seulement, contre 2 ans pour la crise précédente. "Le secteur manufacturier est revenu en ligne rapidement grâce à la demande du reste du monde pour reconstituer les stocks épuisés. Concernant plus particulièrement les technologies et équipements médicaux, la production va augmenter cette année et cela va créer des bénéfices pour certaines économies asiatiques", a estimé Bernard Aw, économiste Coface pour la région asiatique. Il estime une croissance de 6,7% du PIB pour l'Asie émergente en 2021.

L'économiste ne craint par ailleurs pas les discours des pays occidentaux sur le relocalisation de leur production : il observe davantage une stratégie qu'il nomme "Chine +1" : la majorité de la production reste en Chine mais une deuxième base de production est ouverte dans un pays plus proche géographiquement, afin de faire face à d'éventuelles ruptures d'approvisionnement.Il est probable que la Chine sorte renforcée de cette crise.

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