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Se fournir en Argentine : oui, mais...

Le changement de gouvernement en 2015 a grandement amélioré l'environnement des affaires en Argentine. Mais s'y fournir nécessite de la prudence. Côté positif: levée de taxes à l'export, hausse de la production. Côté négatif: manque d'informations fiables et forte inflation.

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
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Se fournir en Argentine : oui, mais...

Mauricio Macri, le président argentin arrivé à la tête du pays en 2015, a suscité de nombreux espoirs dans le milieu des affaires. Ancien businessman - il était notamment président du prestigieux club de football Boca Juniors -, il applique depuis son élection un programme très libéral favorable au patronat et aux investisseurs étrangers. Est-ce à dire que l'Argentine est devenue le nouvel eldorado où trouver des fournisseurs? Pas si sûr. Entre une inflation toujours importante, et une justice encore complexe, faire affaire avec des entreprises argentines revient à mettre en application la maxime de La Fontaine: "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage."

De l'avis des experts, le nouveau gouvernement a grandement amélioré l'environnement des affaires du pays après le règne des époux Kirchner qui, depuis le début des années 2000, imposaient une politique protectionniste. "Les entreprises argentines sont davantage connectées au marché, note Patricia Krause, économiste au sein de Coface. L'export, par exemple, est favorisé avec des taxes moins importantes et plus faciles à payer." En effet, le gouvernement actuel a supprimé ou diminué certaines taxes (respectivement celles pesant sur les céréales et le soja) sur l'export mises en place par le précédent. Ce qui a profité aux exportations de l'agroalimentaire, qui ont bondi de 25 % en 2016. D'un autre côté, les conditions d'accès au crédit, désormais plus favorables, ont permis aux entreprises argentines d'augmenter leurs capacités productives. On peut donc imaginer ces entreprises devenir les partenaires économiques d'entreprises françaises.

Environnement des affaires: encouragements du jury

Mais si les choses s'améliorent, tout n'est pas encore parfait. "Le président essaye à tout prix de relancer la croissance en attirant les investissements étrangers mais le cadre juridique n'est pas encore clairement élaboré", souligne Philippe Boncenne, consultant international. L'actuel gouvernement contribue au règlement progressif des litiges commerciaux arbitrés par le passé, ce qui rassure les entreprises étrangères. Mais Philippe Boncenne conseille malgré tout de continuer à se faire accompagner d'avocats, notamment pour valider les contrats. L'arbitrage doit, selon lui, obligatoirement se situer à Paris ou à New York.

"Il n'est pas évident de connaître l'état de trésorerie de ses partenaires." Philippe Boncenne, consultant international

Du côté de l'environnement fiscal, même si nous avons dit qu'il avait été allégé et simplifié, les taxes et impôts restent un casse-tête pour les entreprises étrangères. "Il n'est pas toujours facile de comprendre quels sont les impôts à payer ou non. Il arrive donc de payer plus ou moins de taxes que l'on devrait", explique Patricia Krause, qui incite les entreprises étrangères à se faire aider de fiscalistes argentins.

Autre problème: il est difficile d'obtenir des informations fiables sur les entreprises nationales. Alors même s'il y a peu de faillites d'entreprises en Argentine, Philippe Boncenne invite à la plus grande prudence: "Il n'est pas évident de connaître l'état de trésorerie de ses partenaires." Se renseigner auprès d'un organisme comme Coface ou de partenaires locaux est une première étape avant de sélectionner ses interlocuteurs. Autre piste: consulter des juristes, des sociétés bien ­établies en Argentine, des banquiers ou encore l'ambassade afin de se renseigner sur leur réputation.

Patricia Krause constate cependant que les choses s'améliorent: "Le business index de la banque mondiale est de 116, ce qui n'est pas si mal. Faire affaire en Argentine n'est plus si long ni coûteux", observe-t-elle.



Inflation et infrastructures: les points noirs

Si l'environnement des affaires s'améliore, les infrastructures ne sont, de leur côté, pas suffisamment performantes. En effet, pour réduire le déficit du pays, le gouvernement a coupé les investissements dans l'énergie et les transports, ce qui a engendré de nombreuses manifestations. Le pays est donc encore fortement instable socialement.

L'inflation moyenne en Argentine
sur l'année 2016
était de 40%.

Le gros point noir de l'Argentine reste toutefois l'inflation, dont la moyenne sur l'année 2016 était de 40 %. Cela devrait s'améliorer en 2017, avec des prévisions autour de 20/25 %. Mais cela se fait au détriment du peso argentin, fortement dévalué. Conséquence: la monnaie ne vaut pas grand-chose et est très instable. "Il faut bien garder à l'esprit qu'il y a un risque de taux de change important en Argentine", avertit Patricia Krause. Il existe une monnaie alternative, le blue dollar, qui a été créée afin de pouvoir transformer le peso en devises étrangères et réciproquement (ces opérations étant interdites sous le gouvernement précédent). Parfois utilisée par les entreprises, elle est également très instable. "Travailler en pesos argentins, c'est prendre un risque insensé. Et le blue n'a aucune valeur. Mieux vaut le faire en dollars et en euros", conseille Philippe Boncenne.

Les prix sont également problématiques du côté du secteur agroalimentaire, puisqu'ils dépendent des cours de matières premières agricoles. L'agroalimentaire est pourtant le secteur le plus intéressant pour qui veut se fournir en Argentine. Viande, lait, soja, maïs, blé, vin... les exportations agricoles représentent près de 60% du total des ventes à l'export du pays. Cela devrait continuer, et les entreprises françaises auraient tort de ne pas profiter des richesses naturelles de ce pays. À condition de se couvrir.

Parole de Daf !

Depuis 2010, Sylvie Forero est la directrice administrative et financière du groupe H. Triballat (marque Rians), lequel comptait jusqu'à fin 2013 une filiale en Argentine, cédée depuis à une entreprise locale. Elle délivre ici quelques conseils pratiques tirés de son expérience de ce pays.

Sylvie Forero, Daf du groupe H. Triballat

Tout d'abord, elle conseille de constituer des sociétés intermédiaires pour traiter avec des partenaires argentins, afin d'éviter à tout prix que la maison mère soit impliquée dans un litige avec une entreprise argentine, sous peine de ruiner l'entreprise tout entière. Face au manque d'informations fiables sur les entreprises argentines, Sylvie Forero incite à s'intéresser avant tout à la réputation du partenaire envisagé: "Il faut chercher à comprendre quelles sont ses pratiques, ses process, s'assurer qu'il ne connaît pas de difficultés et bien sûr, qu'il n'est pas en redressement."

Elle pense qu'il peut également être utile d'aller sur place, de se montrer. Malgré ces précautions, il ne faut pas s'attendre à ce que les relations commerciales soient les mêmes qu'avec des partenaires français. Même s'ils sont culturellement proches de nous, ils ne travaillent pas comme nous. "Habitués à vivre dans l'incertitude, les Argentins prennent des décisions du jour au lendemain", constate Sylvie Forero. Cette incertitude est également de mise dans l'Administration, où les choses peuvent prendre beaucoup de temps ou être décidées subitement. "L'Administration non seulement n'est pas fiable, mais elle est également très lourde, se souvient Sylvie Forero. Il y a une forte bureaucratie."

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