Humaine et cadre d'exécution clair, les deux clés d'une fusion réussie
Dans cette tribune exclusive Thuy-Trang Doan, partner, et David Guillet, directeur du cabinet Julhiet Sterwen développent quelles sont les clés pour réussir le processus d'intégration post fusion d'une entreprise. Pour eux il est essentiel de parler de la mobilisation progressive et structurée des talents clés, l'alignement culturel et un cadre d'exécution clair et partagé.

Après un net recul des fusions acquisitions en 2023, l'année 2025 s'annonce être une année de reprise pour les fusions acquisitions. Le marché évolue pour se recentrer sur les activités coeur, s'adapter aux nouvelles réglementations, notamment ESG et faire face à une concurrence fintechs plus soutenue. Ces mouvements créent un environnement favorable aux fusions acquisitions. La recherche de synergies et d'efficience soutient cette tendance. Toutefois, la valeur de ces exercices reste toujours étroitement liée à la qualité d'exécution du projet et à la bonne mobilisation des équipes. Une question s'impose donc : comment réussir à tirer les bénéfices attendus et à développer ses ressources durant cette période ?
Une clarification des enjeux, condition sine qua non
Lors d'une fusion, chaque entreprise est motivée par des enjeux spécifiques en lien avec son marché et/ou sa propre efficience organisationnelle : accélérer la croissance, accroître les parts de marché et les nouveaux marchés, diversifier les activités ou générer des économies d'échelle. Dans la pratique, et en conséquence, la fusion de deux entités entraine plusieurs objectifs de mise en oeuvre. Ces derniers peuvent s'avérer complémentaires mais parfois contradictoires. Il est donc nécessaire de clarifier les enjeux pour mobiliser les bons acteurs sur les bonnes priorités et au bon moment. Ces priorités sont tributaires des ressources humaines et financières mobilisables sur le projet et de l'agressivité du business case établi. Même si des outils sur étagère peuvent servir de base de départ, il faut savoir rapidement se centrer sur les actions qui vont servir les objectifs prioritaires et favoriser la rapidité de déclinaison et d'exécution des plans d'action. Et pour y arriver, il est indispensable de réussir à mobiliser de manière pertinente les personnes clés, de retenir les talents et de poser une gouvernance de projet et un cadre d'exécution opérationnelle clair.
Une mobilisation progressive des personnes clés
L'une des complexités des projets de fusion est de trouver le bon équilibre entre des exigences de confidentialité, qui se lèvent progressivement, et la nécessité de transparence pour mobiliser efficacement les ressources. L'enjeu est de créer les bonnes conditions de partage des enjeux prioritaires pour mobiliser au fur et à mesure les équipes et faire avancer le projet. Le principe fondamental de réussite est donc de fonctionner par capillarité. En effet, responsabiliser les managers sur des périmètres et actions précises permet leur autonomie d'action. Progressivement, ils peuvent embarquer les personnes clés sur les actions à mener au gré de la maturité de chaque sujet et dans une optique de déclinaison opérationnelle. S'il semble simple à mettre en oeuvre, ce principe doit s'appuyer sur une coordination structurée, des outils de vulgarisation des enjeux, une gouvernance et un suivi des plans d'action. Sans cet effort de documentation et de structuration accessibles à tout moment aux collaborateurs, les managers peuvent être amenés à improviser, voire sortir des orientations fixées, et créer de la confusion au sein des équipes.
Une équipe à motiver et à pérenniser
Le choix des talents qui soutiennent la réussite de la fusion est également fondamental. Les expertises cruciales doivent être sécurisées, et ce dans les deux entités qui se rapprochent.
En effet, les projets de convergence impactent fortement les talents en termes de positionnement et de projection, et donc de motivation. Dans un cadre perturbé par le changement et l'incertitude, les talents clés doivent être identifiés et rapidement embarqués. C'est essentiel pour maintenir une dynamique positive, instaurer une culture commune, préserver les expertises et conserver l'historique des opérations de toutes les entités. Une attention managériale particulière doit donc être portée aux talents et le plan de mise en oeuvre de la fusion doit permettre de leur donner des perspectives et de les impliquer.
En parallèle, l'entreprise doit s'assurer de pouvoir continuer à opérer efficacement et sans risque. Ainsi il est nécessaire d'organiser les back-ups tôt dans le processus de fusion et d'anticiper des leviers de sécurisation des ressources. Pour accompagner ces efforts, l'implication des ressources humaines est déterminante pour matérialiser les perspectives, soutenir le dispositif de manière équitable et animer les équipes.
Un cadre structuré pour assurer la stabilité des opérations
Le cadre d'exécution opérationnelle est nécessaire pour favoriser une dynamique progressive et efficace. Le cadre régalien est essentiel pour assurer une mise en oeuvre souple. Les objectifs sont de faciliter le fonctionnement opérationnel, d'accompagner les équipes et de bien maîtriser la communication.
Dans un contexte de fusion, l'attention peut se réduire sur les opérations récurrentes liées au pilotage financier et les processus support. Cependant, ces sujets doivent être anticipés et organisés pour ne pas faire perdre du temps aux équipes sur des sujets à faible valeur ajoutée. Il s'agit de mettre en place des outils de pilotage souples pour suivre l'évolution du projet et garantir la capacité des équipes à mesurer l'avancement et l'efficacité de leurs actions. Des outils de pilotage opérationnel adaptés permettent de sécuriser les engagements budgétaires, d'éviter la dérive des coûts et de conserver aux équipes leur capacité d'exécution. Cet objectif est d'autant plus important que les managers sont souvent jugés à l'aune des résultats obtenus dans les premiers mois pour se positionner au sein de la nouvelle structure.
Enfin, les priorités habituelles de l'entreprise, comme la clôture, la validation des comptes ou les déclarations réglementaires, sociales ou fiscales, ne doivent pas être délaissées même partiellement au risque de créer des difficultés opérationnelles ou d'engendrer un défaut d'information auprès de la direction générale ou des tiers. Il est donc important d'identifier les dispositifs opérationnels et livrables à sécuriser en parallèle du plan de convergence et d'adapter une partie des priorités à ces enjeux.
Lors d'une fusion, la première priorité reste la clarification des enjeux de la nouvelle structure convergée qui se met en place. Les talents clés, s'ils sont bien mobilisés, soutiennent la période d'alignement culturel, la convergence des processus et outils post fusion et la mise en oeuvre de l'organisation. De même, un cadre clair facilitant l'autonomie d'action et l'initiative est déterminant pour la bonne exécution et la réussite du projet. Force est de constater que la meilleure stratégie du monde, si elle ne suscite pas l'adhésion et si elle est mal opérée, n'apportera pas la valeur ajoutée attendue. « Tout est dans l'exécution : la discipline pour aller au bout des choses" comme l'évoque Larry Bossidy [1].
[1] Ancien PDG d'Honeywell - auteur de « L'exécution : la discipline de l'action » - 2002
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