A quels enjeux LightOn doit-elle faire face dans le secteur BtoB de l'IA ?
La rédaction s'est entretenue avec Cécile Givron, nouvelle Directrice Administrative et Financière (Daf) de LightOn. L'entreprise tech française qui adresse aux entreprises et secteur public des solutions IA clés en main, a réalisé une levée de fonds remarquée en novembre 2024. Quelles seront les priorités de la directrice financière ? Quels enjeux de développement à l'international l'entreprise tech envisage-t-elle ? Rencontre.

Vous venez d'être nommée Daf de LightOn, entreprise florissante de la French Tech, pouvez-vous nous présenter votre parcours et les liens avec le secteur ?
Cécile Givron : J'ai débuté ma carrière chez Deloitte à Paris, avant d'exercer à Johannesburg, puis de poursuivre à Toulouse. J'y ai accompagné une clientèle diversifiée, composée aussi bien de groupes cotés tels qu'Altron Technologies, que d'organismes publics comme France Télévisions, ainsi que des filiales françaises de groupes étrangers tels que Yamaha Motors, Ralph Lauren, Office Depot ou Daikin.
À l'issue de mon parcours chez Deloitte, je me suis progressivement spécialisée dans les secteurs de la tech, de la R&D et du digital. J'ai ainsi rejoint Toluna, fournisseur de services de marketing en ligne, puis Kindred, acteur BtoC proposant notamment les paris sportifs avec Unibet et des jeux d'argent en ligne, avant de rejoindre Deezer, référence française du streaming musical opérant à la fois en BtoC et en BtoB, notamment avec des partenariats téléphoniques.
Mes fonctions couvrent l'ensemble des responsabilités d'une direction financière, en lien direct avec la direction générale et le comité d'audit, ces environnements étant fréquemment liés à des sociétés cotées, anciennement cotées ou appelées à le devenir. Par ailleurs, j'interviens activement sur des dossiers de croissance externe et sur la négociation de contrats, en particulier avec nos partenaires BtoB. Mon champ d'action concerne également des thématiques telles que la fiscalité, le suivi financier et la gestion de la trésorerie.
Comment votre expérience en direction financière d'entreprises cotées va-t-elle bénéficier à LightOn ?
C.G. : Kindred et Deezer présentaient tous deux une activité de recherche et développement particulièrement soutenue, car ces groupes furent de véritables pionniers dans leurs domaines respectifs. Kindred, fondé par des entrepreneurs suédois à Londres, a été à l'origine du codage des premiers paris sportifs en ligne. De même, Deezer, bien avant Spotify, a porté l'innovation en matière de streaming musical, les premiers développements étant le fruit de talents français. Ainsi, la R&D est apparue comme un levier essentiel pour ces entreprises, tout comme elle l'est aujourd'hui pour LightOn. Dans ce contexte, le suivi du temps passé par projet, l'identification des dépenses associées et l'évaluation de la finalité des projets - notamment s'ils aboutissent à de nouvelles fonctionnalités intégrées au produit - revêtent une importance stratégique.
Cette analyse conditionne également la possibilité d'activer ou non certains coûts. L'expérience acquise chez Deezer et Kindred s'avère donc particulièrement précieuse pour aborder ces enjeux chez LightOn.
Le cas de LightOn présente une particularité, dans la mesure où son introduction en bourse est très récente. Ainsi, mes priorités consistent à garantir que Lighton soit en mesure de satisfaire les exigences propres à une société cotée sur Euronext Growth. Certes, ces exigences sont moins contraignantes que celles imposées à une entreprise comme Deezer, cotée sur le marché réglementé d'Euronext, néanmoins, elles demeurent substantielles, tant en matière de communication financière que de qualité et de respect des délais de production de l'information. Elles impliquent également un travail étroit avec le comité d'audit ainsi qu'avec les autres instances de gouvernance, notamment le comité des nominations et des rémunérations.
Quels sont les principaux défis financiers auxquels LightOn est confrontée pour assurer ce fort développement ?
C. G. : Les défis financiers auxquels nous faisons face sont relativement classiques pour une entreprise investissant fortement en recherche et développement. Ils résident principalement dans le suivi rigoureux des dépenses engagées ainsi que dans la gestion attentive de la trésorerie, la part significative d'activités de R&D rendant ce suivi d'autant plus stratégique et déterminant pour la bonne conduite de nos opérations.
Quelles sont les ambitions de ce développement à l'international ?
C.G. : Lighton développe sa notoriété à l'international en participant à divers salons professionnels de renom. Récemment, l'entreprise était présente au Mobile World Congress de Barcelone. Elle a également participé à deux événements majeurs en Allemagne : CloudFest, le principal salon européen dédié aux fournisseurs de services cloud - visant à renforcer notre réseau de partenaires et de canaux indirects - ainsi qu'à la Hannover Messe, l'un des rendez-vous incontournables de l'industrie, destiné à développer notre clientèle directe.
D'autres participations à des salons sont prévues cette année, dans l'objectif d'accroître la visibilité de LightOn auprès d'acteurs économiques européens, bien au-delà des seules sphères espagnole ou allemande.
La priorité actuelle est clairement orientée vers l'Europe, avec pour ambition de conquérir une clientèle européenne. Parallèlement, LightOn cible également une autre zone stratégique : le Moyen-Orient, les pays du Golfe, une région que l'entreprise connaît déjà, ayant collaboré en 2023 avec un partenaire local dans plusieurs de ces pays. Par ailleurs, ce sont des pays que je connais bien ayant résidé deux ans à Abu Dhabi et ayant collaboré, par le passé, avec des filiales implantées à Dubaï.
Comment LightOn perçoit-elle les enjeux de « souveraineté technologique européenne » face aux géants de la tech américaine ou chinoise ?
C. G. : Nous percevons effectivement cet intérêt tant de la part de nos clients que de celle de nos prospects qui nous sollicitent. Il s'agit d'une préoccupation émergente au sein des entreprises. Nous en ressentons les premiers signes et anticipons une intensification des demandes dans les mois à venir. L'atout de LightOn tient également au fait que l'entreprise est française et que la plateforme Paradigm a été conçue par des ingénieurs français, au service d'une société française. Cet ancrage constitue un avantage concurrentiel que LightOn met en avant auprès de prospects sensibles à cette dimension.
L'entreprise a réalisé une introduction en bourse remarquée en 2024 dans un contexte au ralenti pour la French Tech au 1er semestre. Quels en sont les objectifs ?
C. G. : En 2024, en effet, les introductions en bourse ont été rares, avec seulement quatre opérations recensées dont LightOn. Cette décision a résulté de la volonté des fondateurs de lever des fonds afin de poursuivre les projets de R&D et d'innovation en cours. L'opération a permis de doter LightOn d'une structure financière solide, capable de soutenir à la fois ses efforts de recherche et développement et sa croissance future.
Initialement, l'objectif était de lever 10 millions d'euros et finalement, 13,5 millions ont été collectés, grâce à la participation d'investisseurs européens et d'un grand nombre d'actionnaires particuliers. Ce succès, marqué par une surallocation, atteste de l'attrait rencontré par LightOn.
Quels sont les enjeux d'une entreprise tech comme LigntOn dans le marché BtoB de l'IA ?
Un vif intérêt se manifeste de la part des grands groupes, qui commencent à explorer l'intégration de solutions d'intelligence artificielle générative afin d'optimiser leurs processus, accroître leur productivité et faciliter l'accès à l'information au sein de systèmes d'information aujourd'hui cloisonnés. Les entreprises particulièrement attirées par la solution Paradigm sont celles issues de croissances externes successives, ayant hérité de filiales dotées de systèmes d'information hétérogènes et non interconnectés.
Un autre cas d'usage fréquemment évoqué par les prospects concerne l'amélioration des délais de réponse aux appels d'offres : alors qu'une réponse pouvait autrefois nécessiter jusqu'à deux mois de préparation, elle peut désormais être élaborée en quelques jours grâce à l'IA générative. De plus, les activités support, notamment les centres d'appel, sont également très demandeuses de ce type de solutions, qu'elles souhaitent utiliser pour mieux trier, orienter les appels entrants et améliorer la qualité de la réponse apportée à leurs clients.
Quelle est votre feuille de route pour les mois à venir ?
Les objectifs seront étroitement liés à l'activité opérationnelle et au suivi de la performance. Il s'agira notamment de mettre en place des indicateurs pertinents de pilotage, de les partager régulièrement avec les membres du comité exécutif, de préparer la clôture intermédiaire au 30 juin, ainsi que de mener une réflexion sur un éventuel reforecast. Il conviendra également d'étudier les leviers permettant d'optimiser davantage les délais de clôture, ainsi que de renforcer le contrôle interne en formalisant les procédures existantes. De nombreux processus sont actuellement suivis, mais sans être nécessairement documentés de manière formelle. L'objectif est donc, progressivement, d'enrichir et de structurer l'ensemble des procédures écrites.
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