Hugues Bied-Charreton, Daf du ministère de la Défense: "je vois le back office d'une très grosse entreprise industrielle qui délivre une prestation atypique"
Coté gestion financière, en quoi votre poste se rapproche-t-il de celui d'un Daf en entreprise?
Je me considère comme le directeur financier d'une holding...La holding c'est le ministère, avec trois grosses filiales, la direction générale pour l'armement (DGA), le secrétariat général pour l'administration (SGA) et le chef d'état-major des armées (voir l'organigramme) ! Si mon équipe compte 210 salariés, celles des " filiales " qui me sont rattachées fonctionnellement représentent 6500 personnes. Je me rapproche aussi des directeurs administratifs et financiers du privé sur la gestion prévisionnelle, la consolidation et la fiabilisation de l'information financière et sur l'anticipation, inhérente à notre processus budgétaire. Notre cadre c'est la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la loi de programmation militaire, laquelle fixe une vision à 6 ans minimum. Nos engagements se font sur le long terme. Autre point commun: le besoin de traiter les aléas de gestion que sont par exemple chez nous les régulations budgétaires demandées par Bercy, le financement de dépenses imprévues ou la couverture des opérations extérieures de la France.
Vite dit
Ce qui vous a le plus surpris à votre prise de poste... en positif?
La vraie compétence financière des équipes au sein du ministère.
Comment définiriez la gestion financière du ministère en 2015?
Très contrainte! Les raisons d'être de mon poste sont : cohérence et soutenabilité. Je dois garantir d'une part, la fiabilité de l'information financière délivrée en m'assurant notamment que les services disposent des outils et des méthodes adéquats pour évaluer et contrôler leurs coûts et d'autre part, veiller à la soutenabilité financière de notre mission militaire, c'est-à-dire notre solvabilité financière à court et à moyen-long terme. De ces deux items, à l'heure actuelle c'est sans doute le second qui a la part la plus importante!
Or, nos coûts fixes, de structure, d'intervention militaire sont très importants et ne nous laissent guère de marge de manoeuvre pour des économies rapides. La flexibilité est difficile au sein d'une administration mais plus encore ici. Certes, nous menons de gros chantiers, notamment sur l'organisation des fonctions support, sur la supply chain avec les services de maintenance du matériel et sur la stratégie achats , cette dernière représentant une économie de 120 millions d'euros par an environ. Mais au regard de nos coûts fixes et des engagements à tenir et souscrits depuis des années en terme de salaires, de maintenance et de dépenses d'armement, les marges d'ajustement sont très limitées à court terme. Couper dans notre budget ne peut se faire qu'en remettant en cause des marchés et donc des équilibres contractuels au risque de toucher au tissu économique environnant et de perdre des compétences très rares. Le futur sous-marin nucléaire d'attaque, le Barracuda ou bien le M 51, missile qui porte la tête nucléaire des sous-marins, ne sont pas des objets produits en série !
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