Conseils financiers indépendants: une alternative aux big four?
Spin-off des grands réseaux d'audit ou spécialistes de niche, les conseils financiers indépendants ont su devenir des interlocuteurs privilégiés pour les directions financières. Mais sur ce segment très disputé du conseil, les big four n'ont pas dit leur dernier mot.
Dans l'univers de plus en plus standardisé des professionnels du chiffre, les cabinets de conseil financier indépendants se réclament de la haute-couture... À eux les projets "transformants", les missions délicates et les évaluations à haut risque. Depuis les années 2000 et le big bang qu'a connu le monde de l'audit après l'affaire Enron, qui a conduit à la disparition d'Arthur Andersen, ils ont essaimé du coeur même de ces géants anglo-saxons pour revendiquer leur indépendance, gage majeur de l'absence de tout conflit d'intérêts pour leurs clients.
Expertise et séniorité
Précurseur de ce marché, Accuracy, créé en 2004 à l'initiative d'un ex-Andersen, Frédéric Duponchel, articule son offre autour de trois grandes spécialités: conseil en transactions, contentieux et restructuring. "Nous ne fonctionnons pas en silos séparés mais plutôt en pôles d'experts avec une vision globale et une approche multicompétences. La majorité de nos consultants sont pluridisciplinaires et proviennent d'univers variés: conseil en stratégie, entreprise, private equity...", précise Frédéric Duponchel, pour bien distinguer ses équipes du profil d'auditeur pur jus des bataillons des big four.
Autre élément différenciant, la séniorité des équipes: "Nous sommes 18 associés pour 120 collaborateurs en France et la moitié de nos effectifs cumule plus de six ans d'expérience", revendique le patron d'Accuracy, qui voit la structure de son organigramme plus en cylindre qu'en pyramide.
Une séniorité dont se targue aussi June Partners, avec un ratio de neuf associés sur une équipe de 50 collaborateurs. Et cela change tout à la nature des missions exécutées par ce spécialiste du restructuring et du conseil opérationnel aux directions financières, créé en 2013 par un spin-off de Duff & Phelps... "Nous effectuons assez peu de missions autour de la rédaction de rapports, de la réalisation de diagnostics ou autres commodités, assurent les deux associés Marc-Antoine Cabrelli et Frédéric Lumeau. Notre coeur de métier est opérationnel sur tous les sujets de transformation des directions financières."
Exemple: épauler la directrice générale finance de Clear Channel dans la recherche de nouvelles sources de financement face aux besoins importants d'investissement liés à la digitalisation des panneaux publicitaires. June Partners s'est mobilisé sur deux fronts: améliorer le BFR pour générer du cash en interne et mener une réflexion sur le modèle de financement des panneaux digitaux qui a abouti à adopter une solution de co-investissement avec un fonds anglo-saxon. Ce qui implique la transformation progressive du business model de Clear Channel France (260 M€ de CA, 1000 collaborateurs).
28% des Daf ayant recouru à un conseil financier l'ont fait pour un audit RSE/ESG selon l'enquête 2015 DAF magazine/Day One sur les attentes des Daf vis à vis des professions du chiffre
Proximité culturelle
Autres situations où le recours à un conseil indépendant se "banalise", en quelque sorte: les missions d'évaluation, d'audit RSE/ESG et de restructuration, comme le montre la deuxième édition de l'enquête menée auprès des décideurs financiers conjointement par Day One et Daf Magazine. Sur le premier segment, le cabinet américain Duff & Phelps s'est fait le grand spécialiste de l'évaluation et de l'expertise indépendante en France depuis son implantation en 2007.
"Que ce soit dans le cadre d'attestations d'équité ou de missions d'évaluation liées à des transactions, nous observons une convergence des pratiques de recours à un tiers indépendant", se félicite Carine Tourneur, managing director au bureau parisien de Duff & Phelps, qui admet, toutefois, un manque de lisibilité de l'offre pour un Daf non confronté à ce type de prestations de manière récurrente. Bien plus que le conseil opérationnel, en effet, les missions d'évaluation sont les plus sujettes à conflit d'intérêts pour des auditeurs. Ce qui rend l'exercice périlleux pour des big four aux parts de marché hégémoniques en commissariat aux comptes, mais bien plus maîtrisable pour des cabinets de petite taille capable de dresser des barrières "infranchissables" entre leur portefeuille clients CAC et les autres...
Des métiers complémentaires
C'est le choix totalement assumé de Finexsi, qui fait reposer son activité, depuis 15 ans, sur trois piliers: l'audit, le conseil en contentieux et l'évaluation. "Ces trois pôles de compétence bénéficient de fortes synergies et ne fonctionnent pas en silos étanches", explique Olivier Peronnet, qui insiste sur la complémentarité de ses trois métiers et la transversalité de ses équipes pluridisciplinaires.
Avec sa quarantaine de collaborateurs, il se retrouve à la fois sur le terrain de jeux des big pour le commissariat aux comptes et en concurrence avec les Accuracy et Duff & Phelps sur le segment de l'évaluation et du contentieux. Ce qui en fait un animal atypique dans le paysage des professionnels du chiffre. Ce positionnement de multispécialiste de niche est-il pérenne face à la concentration inexorable du secteur? "Nous sommes pragmatiques et ouverts à des rapprochements, mais nous voulons avant tout préserver notre spécificité et notre proximité culturelle avec nos clients ETI", répond Olivier Peronnet. C'est peut-être aussi ça, l'ingrédient secret qui fait le succès des conseils indépendants auprès des Daf d'ETI!
Les Big Four en embuscade
Expertise pointue et pluridisciplinarité sont les deux piliers sur lesquels se fonde sur le positionnement des big four en matière de conseil. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont accéléré la cadence, ces derniers mois, quitte à faire leur marché chez les conseils indépendants ou les expertises annexes à la finance comme PwC, qui a finalisé en 2014 le rachat du spécialiste du conseil en stratégie Booz & Company (devenu Strategy&) ou EY, qui a tout dernièrement mis la main sur le prestigieux cabinet de conseil Ricol & Lasteyrie Corporate Finance, très réputé pour l'évaluation et le conseil financier, pour renforcer son pôle Transaction Advisory Services (TAS).
"Ce qui fait notre force est notre capacité à réunir dans une même structure toutes les compétences nécessaires à nos clients et de les déployer sur mesure en fonction de leurs besoins, explique Guillaume Cornu, qui chapeaute le TAS chez EY. En cela, notre modèle peut se rapprocher du banquier qui fait du coverage et décline ses produits à ses clients dans une relation de proximité et de confiance avec les dirigeants."
Un interlocuteur unique, donc, pour tous les besoins de la direction administrative et financière et de la direction générale: "Nous avons ajouté à toutes nos expertises financières des "offres opérationnelles" regroupant, notamment, Operational Transaction Services Corporate Finance Strategy et Cash & Working Capital Management. Enfin, nous renforçons également la dimension sectorielle dans notre organisation, afin d'être au plus près des enjeux et de l'actualité de nos clients." Une industrie bien huilée qui laisse peu de place aux artisans du conseil.
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