Les entreprises françaises aux États-Unis au temps du coronavirus
Le Covid-19 touche de plein fouet les États-Unis. Quelles sont les conséquences pour les entreprises françaises qui s'y sont installées ? Et pour celles qui envisageaient un projet d'installation en 2020 ? Le point avec Laurence Ruiz, de la société Orbiss.
A l'heure où nous écrivons ces lignes (lundi 27 avril), les États-Unis sont le pays le plus touché au monde par l'épidémie de Covid-19, avec plus de 54 000 morts. Les États ont tous instauré un confinement strict : seule la Géorgie est en train de se déconfiner peu à peu. Mais dans les grandes villes, New-York en tête, les rideaux des magasins sont tirés et les rues sont vides.
Ce qui n'est pas sans impact sur l'économie du pays : au 23 avril, 23 millions d'Américains étaient inscrits au chômage et, d'après Coface, les défaillances d'entreprises aux États-Unis devraient bondir de 39% en 2020.
Des aides gouvernementales exceptionnelles... mais limitées
Dans ce contexte, quid des entreprises françaises installées aux États-Unis ? D'après Laurence Ruiz, co-fondatrice de la société Orbiss, qui conseille comptablement et fiscalement les entreprises françaises installées aux États-Unis, les affaires continuent pour les entreprises btob, mais en télétravail.
Pour les autres, notamment les restaurants, la situation est évidemment plus difficile. "Mais le gouvernement fédéral a mis pour la première fois en place des aides considérables à destination des entreprises, et notamment des plus petites", souligne Laurence Ruiz.
Elle cite le Paycheck Protection Program (PPP) qui consiste en un emprunt correspondant à 2,5 fois le total des salaires 2019 divisés par douze. "Cet emprunt devient une subvention si les salariés sont conservés en équivalent temps plein ou en masse salariale dans les 8 semaines qui suivent le versement", précise-t-elle. Une aide qui est également ouverte aux entreprises étrangères.
Seul inconvénient : les 349 milliards de dollars alloués à ce programme ont été épuisés en treize jours, ce qui a immédiatement stoppé le versement du PPP. "Sur les 50 entreprises que nous accompagnons, seulement trois ont touché de l'argent, rapporte Laurence Ruiz. C'est un peu la loterie." Elle espère que la rallonge de 320 milliards de dollars votée le 23 avril permettra à ses autres clients de bénéficier de cette aide. "Mais elle sera peut-être épuisée en 48 heures. Il y a d'autres aides à activer si celle-là ne fonctionne pas, mais c'est la plus intéressante", ajoute-t-elle.
La trésorerie au coeur des préoccupations
Au-delà des aides gouvernementales, les entreprises françaises cherchent différentes solutions pour dégager du cash. A commencer par renvoyer les salariés expatriés en France, la vie étant moins chère dans l'Hexagone qu'aux États-Unis.
Car si le cash est la préoccupation de toutes les entreprises en ce moment, c'est encore plus le cas pour les entreprises qui viennent de s'installer aux États-Unis : une trésorerie suffisante est nécessaire pour se laisser le temps de lancer son activité sur le marché américain. "Il faut bien compter 18 mois avant de signer le premier contrat. Or, faire venir deux/trois personnes aux États-Unis pour lancer l'activité représente rapidement un ou deux millions de trésorerie", calcule Laurence Ruiz.
Compter également que les visas entrepreneurs coûtent de 4000 à 10 000 dollars l'unité et que le salaire moyen à New-York est de 70 000 dollars. Enfin, l'activité tournant au ralenti, ces 18 mois d'acclimatation risquent de s'allonger.
Pas d'installation aux États-Unis avant 2021
Et pour les entreprises françaises qui avaient le projet de s'installer aux États-Unis en 2020 ? "C'est évidemment très compliqué aujourd'hui puisque les frontières sont fermées et qu'on ne sait pas quand elles vont rouvrir. Et même une fois rouvertes, les délais d'obtention des visas seront certainement allongés. Je ne pense pas qu'il sera possible d'obtenir un visa avant janvier 2021", note Laurence Ruiz.
Une installation sur le sol américain ne pourra donc pas se faire avant 2021. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas entamer les démarches. Orbiss a d'ailleurs été contacté par certains chefs d'entreprise en ce sens. "Ils anticipent car ils ont davantage de temps en ce moment, l'activité économique tournant au ralenti", explique Laurence Ruiz.
On peut notamment commencer à s'imprégner de la culture business des Américains. "Il y a une réelle différence culturelle avec les États-Unis, on ne fait pas de business comme en France", pointe Laurence Ruiz qui met notamment en avant la multitude de marchés présents sur le sol américain, chaque État ayant des attentes différentes, étant sensible à des produits différents, parlant, même, des langues différentes. "S'attaquer à l'ensemble des États-Unis, c'est comme souhaiter conquérir toute l'Europe en une seule fois", résume l'experte qui recommande de bien connaître son produit et sa cible pour savoir où débuter.
On peut par exemple profiter de cette période plus calme pour contacter des entrepreneurs qui ont déjà vécu une expérience américaine. "Cela permet de poser des questions pratiques comme le salaire versé aux employés, par exemple", raconte Laurence Ruiz. Une façon comme une autre de mettre à profit son confinement.
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