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Rapprochement Criteo/Publicis : la pépite française revient dans l'actualité

Criteo est connue pour sa très médiatique introduction sur le Nasdaq fin 2013. Le CFO relate, pour DAF magazine, la structuration de cette entreprise à la croissance exponentielle, qui revient en force dans l'actualité.

Publié par Florence Leandri le | Mis à jour le
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Rapprochement Criteo/Publicis : la pépite française revient dans l'actualité

Ce n'est qu'une rumeur. Après l'échec de la fusion Publicis avec Omnicom, un rapprochement avec Criteo serait en discussion. En effet, d'après le site Boursier.com, des rumeurs fondés sur des mouvements qui ont fait grimper jeudi 28 août 2014 le cours, avant bourse, de Criteo de plus de 20%, le groupe Publicis pourrait étudier l'opportunité de racheter la société spécialisée dans le reciblage publicitaire : pour en savoir plus, cliquer ici.

Retour sur l'histoire de Criteo et notamment la structuration de sa direction administrative et financière avec Benoit Fouilland, CFO de l'entreprise en hyper croissance, qui avoue avoir été séduit par une triade: " un business model de rupture", " une capacité à monter en puissance couplée à celle de dupliquer le modèle" et "la valeur ajoutée que je pouvais apporter dans le cadre d'une introduction en bourse".

En mars 2012, Benoit Fouilland arrive donc dans une entreprise "saine avec deux dynamiques: la technologie et le développement international" mais où l'écart entre les infrastructures et l'ambition était flagrant. Le CFO qui revendique une tête froide et qui a quadruplé en deux ans son équipe désormais composée d'une centaine de personnes, fait le choix immédiat de s'appuyer sur des managers de transition. A eux le quotidien, à lui de s'imprégner de la stratégie... et d'agir pour soutenir la croissance exceptionnelle de l'entreprise : entre 2007 et 2012, son CA avait grimpé de 202 100% !!


Hyper croissance rime avec ERP, CSP et IPO

La volonté d'aller en Bourse était déjà très prégnante chez les actionnaires notamment américains d'où un IPO plan présenté au board dès juillet 2012 et un plan arrêté en septembre. "J'avais l'expérience des entreprises cotées sur le marché américain, précise Benoit Fouilland, qui a fait une grande partie de sa carrière chez Business Objects puis SAP: je savais où on allait". Une science utile et qui lui a permis d'anticiper et d'identifier les zones de faiblesse: " pas d'ERP, une équipe réduite et une situation de trésorerie tendue, digne d'une entreprise en hyper croissance comptant 10 filiales à l'étranger".

Ancien CFO de SAP EMEA, Benoit Fouilland veut pour Criteo une "colonne d'information fiable, solide et capable de supporter un business de plusieurs milliards d'euros, bref un ERP". Et Benoit Fouilland d'assurer que SAP n'était pas un incontournable pour lui d'autant que " la complexité de la mise en place de cette suite logiciel suscitait de l'appréhension parmi certains membres du board". "Nous avons regardé les solutions en mode Saas mais elles ne permettaient pas, à l'époque, de répondre aux besoins compte tenu de la couverture déjà très globale de l'entreprise ". Bilan: l'implémentation de SAP "extrêmement rapide et brutale " reconnait le CFO. Décidée en juillet 2012, elle sera effective dans toutes ses composantes dès janvier 2013. Le prix à payer? Aucune customisation. "C'est en 2013 que nous avons pris en compte l'aspect user friendly et révisé le modèle de controlling, trop complexe pour un business aussi rapide que le notre". Auparavant, le CFO qui veut centraliser les transactions, installe un CSP dès fin 2012 couvrant l'ensemble des activités comptables, d'administration des ventes et de recouvrement clients pour toutes les entités du groupe. Il crée en début d'année 2013 une direction du plan et du contrôle de gestion afin d'accompagner les opérationnels dans la gestion de la performance.

Autant de fondamentaux impératifs pour accompagner la stratégie de l'entreprise mais aussi pour sécuriser l'IPO.

Benoit Fouilland, CFO de Criteo

Une préparation d'IPO "cas d'école"

En mars 2012 Benoit Fouilland monte à bord d'une entreprise qui n'avait pas encore bouclé ses comptes annuels. Or l'IPO requérait de présenter un historique de 8 trimestres de comptes. Coté positif, "les comptes consolidées en IFRS existaient déjà et les auditeurs étaient internationaux". Code of ethics, gouvernance interne, administrateurs indépendants, prise en compte des exigences de la loi Sarbanes Oxley, mise en place de process de planification, la liste des briques à empiler en vue d'une introduction en bourse au NASDAQ est conséquente. La cotation aux Etats-Unis? " le meilleur moyen de maximiser les chances de succès de l'opération" assène le CFO , "car tous les comparables à notre activité sont américains, tout comme l'écosystème des investisseurs et les analystes financiers dédiés à la technologie internet".

Et puis "le niveau de liquidité du titre que l'on peut obtenir pour les mid-cap sur le marché américain est beaucoup plus élevé qu'en Europe pour les mêmes sociétés n'atteignant pas le seuil critique, aux alentours de 5 milliards d'euros" poursuit Benoit Fouilland qui parle aussi d'une fenêtre d'ouverture moins fragile outre-Atlantique. Résultat : la réalisation de l'IPO sur le NASDAQ le 30 octobre 2013 s'est faite sur la base d'une valorisation de Criteo de 2 milliards de dollars qui a permis à l'entreprise de lever 288 millions de dollars de fonds propres. Puis, grâce au succès de l'Introduction, Criteo a lancé une nouvelle opération d'émission secondaire, avec une part minime de primaires, en mars 2014 qui lui a rapporté 24 millions de dollars de cash supplémentaire et a permis aux actionnaires historiques d'obtenir une première tranche de liquidité pour environ 230 millions de dollars. La capitalisation boursière de Criteo est aujourd'hui identique à celle de l'Introduction soit environ 2 milliards de dollars. " Avec un cours actuel aux environs de celui de l'introduction en bourse, Criteo a fait une belle performance au regard du secteur Internet et plus encore dans le sous-secteur ad tech ". Pour rappel LinkedIn ou Twitter ont déçu les marchés en début d'année.

Une présentation sécurisée et "qui ressemble à celles des autres IPO " assure le CFO mais une préparation "hyper intéressante et critique" qui coté financier, passe par la constitution du syndicat des banques et le choix des avocats en janvier 2013, un " org meeting " en mars 2013 "par une journée neigeuse qui bloquait les transports" où le top management présente l'histoire de Criteo à ceux qui, banques, avocats, auditeurs, avaient manifesté leur intérêt pour les accompagner. Puis de mars à mai, le travail sur le document d'offre présenté ensuite à la SEC, le gendarme de la bourse américaine avant 12 jours de road show à l'automne avec une centaine de meetings et plus de 200 personnes rencontrées.

Cette introduction en bourse s'est " faite à un bon moment " précise Benoit Fouilland, comprendre après de belles performances du secteur Internet. La fourchette initiale entre 24 et 26 dollars dans le document d'offre est passée à 27-29 en cours de commercialisation pour passer à un prix définitif de 31 dollars la veille de l'IPO. Un cas d'école donc avec un seul bémol: "dans ma course constante à l'anticipation des besoins, j'aurai pu accélérer encore plus le calendrier des embauches .. Mais j'ai aussi peiné à trouver les bons profils au bon moment".

Trois essais avant de trouver le bon business model

En 2005, deux ingénieurs des Mines, Franck Le Ouay et Romain Niccoli intègrent l'incubateur de start-ups Agoranov et y croisent la route de Jean-Baptiste Rudelle, un jeune serial entrepreneur issu de l'école Supélec. Leur projet prendra le nom de Criteo, un moteur prédictif en temps réel basé sur l'analyse de la navigation des internautes.

Puis début 2006, la société mise sur la R &D et change 4 fois avant de trouver le bon modèle pour aboutir à des recommandations de produits personnalisées au sein de bannières publicitaires (pour une saga sous un angle produits et marketing cliquez ici). Nous sommes alors en juin 2008. Très vite le chiffre d'affaire affiche des croissances mensuelles vertigineuses. 1,2 millions d'euros sur le seul second semestre de 2008, 15 millions en 2009, 66 en 2010 ...et 444 millions en 2013. Durant cette période, Criteo, qui déménage trois fois, ses effectifs explosant, réalise 4 levées de fond, en cercles concentriques, à l'image de son développement international. D'abord avec des investisseurs français, puis européens, puis américains et, après l'arrivée de Benoit Fouilland, la quatrième, pré-IPO, bouclée en septembre 2012 avec principalement SoftBank Capital et Yahoo! JAPAN. Dans le viseur : le développement en Asie. Et en chiffre : 30 millions d'euros pour une entreprise qui forte alors de 200 millions d'euros de CA, n'avait jusqu'alors levé que 17 millions d'euros (pour la partie financement notamment, lire la relation très dynamique faite par Marie Ekeland, associée chez Elaia Partners, l'un des fonds d'investissements historiques de Criteo).

Cette activité que les fondateurs ont tant peaufiné, apporter de la performance à la publicité digitale requiert une présentation adaptée pour le marché. Criteo suit et mesure la performance de son activité via un CA ex- Traffic acquisition costs (TAC), le TAC désignant pour Criteo les coûts d'achat des emplacements publicitaires sur lesquelles l'entreprise diffuse. "Le CA ex-TAC, utilisé par Google ou bien Yahoo, est une métrique courante dans le secteur et donc bien comprise des investisseurs". Si le CA 2013 ex-TAC (cf lexique ci après) était de 179 M€, celui de 2014 devrait s'envoler de plus de 56%, aux alentours de 280 millions d'euros (selon les dernières perspectives en août).

Lexique
Finger printing
: technique qui permet non pas d'identifier une personne mais une machine via le comportement de l'utilisateur. Logiciels et extensions installées, fuseau horaire, police d'écriture, taille et résolution d'écran, votre navigateur Web glane certaines informations liées à votre système informatique Le tout forme une "signature" ou "empreinte digitale". Selon l'EFF (Electronic Frontier Foundation), qui a mené une enquête en 2010 sur les navigateurs Web de 500 000 internautes, 84% des internautes sont identifiables.
TAC : coût d'acquisition de traffic, soit achat d'inventaires auprès d'éditeurs. Un CA ex TAC est un CA net après coûts d'achat des espaces publicitaires.

Maximiser le potentiel de croissance de l'entreprise et non pas jouer sur sa seule rentabilité, c'est à n'en pas douter le mantra professionnel de Benoit Fouilland. L'entreprise est toutefois profitable depuis le 2eme semestre 2009 coté EBITDA et depuis 2010 coté résultat net. Et au premier semestre 2014, elle affichait un bénéfice net de 6.2, millions d'euros contre une perte de 4,9 en 2013 sur la même période.

Culture d'entreprise plutôt que RSE

Conséquence de l'hypercroissance de l'entreprise, "mon poste est à géométrie variable" résume le CFO devenu directeur général délégué fin 2013, qui a en charge la finance, le contrôle de gestion, la direction juridique, les achats, les services généraux, l'immobilier, et depuis juillet 2013 le corporate development. Dans cette fonction que Benoît Fouilland décrit comme celle qui " permet à l'entreprise de maximiser son potentiel de manière durable", il ne faut pas sous-estimer les risques. Ainsi, en est-il de la propriété intellectuelle, puisque ce sont des algorithmes maison qui permettent à Criteo de cibler les annonces en fonction du comportement de l'internaute. Pour Criteo qui a déposé son premier brevet dès 2006 aux États-Unis et en France, protéger la propriété intellectuelle d'algorithmes n'est pas sans nuance: " cela revient à sortir du bois et à exposer ce que l'on veut protéger". Mais c'est un impératif aux USA où une telle protection est plus répandue et donc plus attendue, plus réclamée qu'en France". Et coté protection des données personnelles des internautes, le CFO assure que Criteo était et est leader en la matière. Depuis 2009, dans chacune de ses bannières publicitaires une icône en forme de triangle (certes pas très visible) permet à l'internaute de se renseigner sur le type de données collectées (réputées ne pas permettre l'identification car anonymisées), l'utilisation qu'en fait Criteo, et comment procéder à la désactivation provisoire ou permanente de ces bannières. Le choix est laissé à l'utilisateur, notamment sur leurs récentes applications mobiles (lesquelles représentent désormais 15% du CA ex-TAC), pour peu que celui-ci s'en soucie. Fort de cette position, Benoît Fouilland affiche une force tranquille lorsque le sujet de la directive de Bruxelles dite paquet télécoms est lancé : "il y a eu une vraie effervescence autour de la question des transpositions nationales de la directive. Au final, seuls les Pays-Bas ont opté pour l'accord explicite (Opt-in) de l'internaute, qu'ils ont abandonné depuis"". Il estime que désormais "l'environnement est stabilisé". Et si Criteo se dit est ouverte aux autres technologies (par exemple le finger printing cf lexique ci après), " le cookie répond à nos besoins " précise le CFO. La R& D reste la force de l'entreprise, avec 40 % des effectifs constitués d'ingénieurs, afin de maintenir et maximiser l'avance technologique de l'entreprise. D'où notamment une récente avancée qui permet de cibler, pour les clients de Criteo, les utilisateurs d'iPhone ou d'iPad. Et donc le dépôt d'un brevet.

Ouverture d'esprit donc mais aussi " énergie, persistance et flexibilité" c'est comme cela que le CFO décrit la dynamique de l'entreprise, laquelle depuis son origine fait participer les salariés au capital dès 2005 via des stock-options...une démarche rare pour une entreprise alors non cotée. Criteo, dont la moyenne d'âge des salariés est de 29 ans, revendique plus une culture d'entreprise qu'une démarche RSE. " Nous n'avons pas d'approche pro-active en la matière, notamment coté communication ". Le prix de l'hypercroissance sans doute.

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