Décryptage - Prix de transfert : les recommandations de l'OCDE
Pour la première fois, une certaine flexibilité en la matière apparaît, pour les groupes subissant des pertes liées à la crise actuelle.
Quatre sujets sont traités par l'OCDE :
L'affectation des pertes dans un groupe
Les principes qui régissent les prix de transfert sont basés sur l'affectation des profits et des pertes entre sociétés du même groupe, en fonction de deux critères : la valeur ajoutée apportée par chacun des parties lors de la transaction, et le niveau de risque pris.
Les membres d'un groupe qui ne prennent aucun risque (sociétés captives, prestataires de services exclusivement dédiées à leur groupe par exemple) ne devraient pas être affectées par le Covid. En revanche, et c'est la nouveauté qu'apportent ces recommandations, l'OCDE indique qu'il devient possible aujourd'hui d'affecter une partie des pertes du groupe aux sociétés dites " à risques limités ", pour une durée réduite et sous condition de justification.
Par ailleurs, l'OCDE rappelle que le référentiel des politiques de prix intra-groupes doit rester, quel que soit le contexte, la politique de prix de structures indépendantes. Il convient donc de se référer à l'approche qu'aurait une entreprise indépendante qui subirait les effets de la crise sanitaire sur la fixation de ses prix, et dans quelle mesure elle répercuterait les coûts exceptionnels liés à cette crise sanitaire sur ses prix.
Autre nouveauté : l'OCDE ouvre la voie à la mise en oeuvre de clauses de "Cas de force majeure" dans les relations intra-groupes. Elles permettent de justifier une renégociation des termes de ces relations, et notamment la fixation des prix intra-groupes.
La prise en compte de la période Covid (2020-2021 ?)
L'ajustement des politiques de prix de transfert et en particulier au travers des benchmarks tri-annuels définissent les marges cibles de pleine concurrence des groupes, ainsi que le sort des comparables en perte dans les benchmarks.
Au regard de la gravité de la crise économique, l'OCDE reconnaît la possibilité pour les groupes d'ajuster leurs politiques de prix intra-groupe sous réserve de pouvoir prouver par des données objectives, l'impact de la crise dans leur secteur économique et dans leur organisation. Cette justification passera par une documentation appropriée, sectorielle, et la prise en compte adaptée des années 2020 et sans doute 2021 dans les benchmarks de comparables.
Enfin, pour la première fois, l'OCDE ouvre la porte à la prise en compte de sociétés comparables en perte dans l'élaboration des benchmarks, pour peu que l'on puisse justifier que la perte soit liée à la crise sanitaire.
Les effets du Covid sur les groupes engagés dans des rulings
Prix de transfert qui couvrent généralement une période de 5 ans : l'OCDE reconnaît que le degré de gravité de la crise sanitaire et son caractère mondial pourrait justifier à lui seul la remise en cause des termes de contrats signés entre les groupes internationaux et les autorités fiscales (Accords Préalables sur les Prix - APP). Il conviendra, en tout état de cause, d'analyser la situation des APP au cas par cas. La modification des politiques de prix de transfert initialement validées au travers de ces APPs sera assujettie à la preuve étayée de l'impact du Covid sur le groupe en question.
Pour les APPs en cours de négociation, l'OCDE recommande de scinder en deux les contrats : un APP couvrant la période Covid et un autre sur la période postérieure.
L'impact des aides gouvernementales dans la détermination des prix et des marges de pleine concurrence :
Afin de limiter les effets de la crise sanitaire, le gouvernement français, à l'instar de nombreux pays, a mis en place des aides publiques. L'OCDE attire l'attention des groupes sur les effets de ces aides en terme de compétitivité mais aussi sur leur politiques de prix intra-groupes, ces aides venant naturellement gonfler artificiellement les marges des sociétés. L'OCDE recommande à cet effet une analyse précise des impacts de ces aides publiques au cas par cas, pour chacune des entités du groupe.
Sabine Sardou, avocat managing partner BDO, spécialiste réputée en matière de Fiscalité Internationale-Prix de Transfert. Elle intervient notamment dans les secteurs de l'IT, l'automotive, les produits pharmaceutiques, la banque-assurance et les produits de luxe.
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