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La finance, un secteur qui se féminise

Sous l'effet des évolutions législatives, les femmes tendent à être davantage représentées au sein des directions financières et des départements financiers des entreprises.

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Woman with glasses we can do it the power of feminism. Retro style pop art
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La mixité dans les entreprises est devenue une affaire d'État. Depuis une dizaine d'années, la lutte contre les discriminations, et notamment celles fondées sur le sexe, est au coeur de tous les agendas politiques. La loi sur l'égalité économique et professionnelle de 2021, dite loi Rixain, instaure des quotas dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. L'objectif est d'imposer 30 % de femmes aux postes à plus hautes responsabilités en 2027, puis d'atteindre 40 % en 2030. Cette loi n'est pas une première. La loi Copé-Zimmermann de 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'admi­nistration et de surveillance, impose une représentation des femmes « pas inférieure à 40 % » dans les conseils d'admi­nistration des structures de plus de 250 person­nes. Depuis 2019, toutes les entreprises de plus de 250 salariés et, depuis 2020, toutes celles de plus de 50 salariés doivent calculer et publier leur index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes chaque année au 1er mars.

Les effets de ces lois sont-ils réels sur le terrain ? « Nous constatons les résultats de ces obligations chez nos différents clients, des ETI aux grands comptes. Un grand travail de parité a été mené au niveau des conseils d'administration, rapporte Elia Ferreira, associée IT technologie M&A au sein du cabinet Deloitte. Dans les directions financières et les départements financiers des entreprises, les femmes sont très représentées. Il y a une évolution marquante au cours de ces dernières années. La féminisation est encore plus forte au sein des banques, des assureurs et des ­mutualistes. Ce sont sans aucun doute les secteurs où la parité est la plus aboutie. Dans le milieu de l'assurance, en France, cinq ­directrices générales sont des femmes. »

Des évolutions plus mitigées dans le capital investissement

Du côté des organisations professionnelles, les choses évoluent aussi dans le bon sens. Au sein de l'association DFCG, les femmes forment la moitié des effectifs de présidents de région et de groupes d'échange. « Lorsque je suis arrivée dans la profession en 1986, et au sein de la DFCG en 1996, j'étais entourée de "costu­mes-cravates" dans les événements. Les femmes étaient très peu nombreuses, moins de 20 %. À partir de 2010, les choses ont commencé à évoluer. Nous sommes plus de 3 100 adhérents, qui occupent des postes de directeurs financiers ou de contrôleurs de gestion dont 35 % sont des femmes. L'évolution de ces trente dernières années est donc nette. La parité dépend notamment du portage des valeurs de mixité et de complémentarité au sein des directions générales », constate Marie-Hélène Pebayle, présidente de la DFCG depuis le 1er janvier 2024, par ailleurs Daf de la PME 100 % bio Le Pain de Belledonne.

Dans le capital investissement et les sociétés de gestion, en revanche, l'évolution des mentalités semble beaucoup plus lente. Selon l'étude 2022 sur la parité dans le capital investissement, conduite par Deloitte auprès des investisseurs en capital membres de France Invest (l'association française des investisseurs pour la croissance), la proportion des femmes s'établit à 27 % dont 38 % au grade d'analyste/chargée d'affaires, et 22 % au sein des directoires et comités exécutifs. « Nous voyons de plus en plus de femmes au niveau du capital investissement, mais nous héritons d'un historique important, un pouvoir de décision et de management majoritairement masculin. En 2024, la situation reste dans la lignée des années précédentes », ajoute Elia Ferreira.

Des écarts de salaire dans les directions financières

Les écarts de salaire dans la fonction finance témoignent de cette moindre responsabilisation des femmes et du chemin à parcourir. Selon une étude menée par Spendesk baptisée Les salaires de la Daf en 2023, l'écart salarial entre les hommes et les femmes dans la fonction finance est en moyenne de 15 %. Des disparités qui diffèrent selon les pays. Tous territoires confondus, le salaire moyen s'établit ainsi à 121 000 euros par an pour les hommes et 108 000 euros par an pour les femmes. En France, dans le secteur financier, le salaire moyen d'une femme s'élève à 78 500 euros contre 90 500 euros pour les hommes. « Dans les fonds d'investissement et parfois aussi dans les entreprises, nous ressentons que les femmes sont les bienvenues, mais elles doivent s'organiser pour rendre ces prises de postes possibles. Il y a encore une part non négligeable des rôles attendus des femmes, en ce qui concerne la prise en charge du collectif, professionnel ou personnel. Nous avons des biais de raisonnement que nous devons faire évoluer », estime Elia Ferreira.

Des améliorations possibles

Pour avancer sur ce sujet, le groupe d'échange DFCG au féminin a été créé pour permettre aux femmes dans la finance d'entre­prise de partager des situations qu'elles peuvent rencontrer : confiance en soi, développement du réseau... et travailler ensemble à dépasser leurs a priori. « Les femmes osent plus et se reconnaissent dans leur individualité. Dans les écoles de commerce, les masters en contrôle de gestion, les choses évoluent aussi favorablement. Les promotions ne sont plus uniquement masculines, à la différence des écoles d'ingénieurs, où l'on observe depuis la Covid une baisse de la féminisation. Je suis convaincue que les femmes ne doivent pas être les seules à porter cette évolution et que la performance des comités de direction dans l'entreprise passe par la parité », assure Marie-Hélène Pebayle.

La parité impose par ailleurs, selon Elia Ferreira, une nécessaire approche par les parcours et les cycles de vie. « Ce n'est pas spécifique aux femmes, mais cette démarche passe par la prise en considération des phases de vie des personnes et du besoin d'aménager des trajectoires de carrière qui puissent permettre à chacun de naviguer entre les contraintes de sa vie professionnelle et personnelle. » Dans un contexte d'allongement des carrières, il faudrait, selon l'experte, pouvoir intégrer et reconnaître des phases de moindre investissement et de présence, des temps partiels et des aménagements, en cas notamment de maladie, d'accompagnement d'enfants ou de parents, afin de permettre aux salariés de reprendre leur poste après une absence ou d'avoir des phases d'accélération et d'autres de stabilisation de leurs parcours professionnels.



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