Private Equity : l'ESG redéfinit les règles du jeu
La troisième édition du Panorama Investissement responsable d'EthiFinance révèle une adoption massive des pratiques réglementaires sous l'impulsion du SFDR. Les fonds Article 8 et 9 gagnent du terrain, mais les petites sociétés peinent encore à structurer leurs démarches RSE.
EthiFinance a dévoilé, jeudi 19 décembre, la troisième édition de son "Panorama IR Private Equity & Dette Privée en France". Réalisée sur un échantillon de 192 sociétés de gestion, cette étude offre une vision claire des évolutions de 2024, marquées par l'impact des réglementations européennes, notamment le SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et l'Article 29 de la loi française sur le climat. Des réglementations qui poussent les acteurs à aligner leurs pratiques sur des standards toujours plus exigeants, contribuant à une transformation en profondeur du secteur.
Le SFDR : moteur d'évolution incontournable
« 2024 marque une évolution générale du marché vers plus de transparence ESG », affirme Xavier Leroy, directeur groupe du pôle conseil et solutions d'EthiFinance. Désormais, les fonds Article 8, qui intègrent des caractéristiques environnementales ou sociales, sont devenus incontournables pour tout nouveau lancement. Pas moins de 67 % des sociétés de gestion déclarent en gérer au moins un, tandis que les fonds Article 9, centrés sur des objectifs durables spécifiques, progressent plus lentement (33 %).
Cette évolution reflète l'obligation croissante des sociétés de gestion à respecter les normes européennes. Pour autant, ces progrès s'appuient davantage sur des impératifs réglementaires que sur une véritable conviction. « Il s'agit avant tout de répondre aux attentes des investisseurs institutionnels et à une demande accrue de conformité », précise Xavier Leroy.
La taille des sociétés, un facteur déterminant
L'étude souligne une forte corrélation entre la maturité ESG et la taille des encours sous gestion. « Les leaders ESG, souvent les plus matures, gèrent en général plus de 800 millions d'euros d'actifs », explique Vincent Le Feuvre, analyste ESG chez EthiFinance. À l'inverse, les structures de taille plus modeste, avec des encours inférieurs à ce seuil, peinent à structurer des démarches ESG robustes, faute de moyens.
La formation des équipes, le recours à des prestataires spécialisés ou encore la mise en place d'outils de suivi restent souvent hors de portée pour ces petites sociétés. Pourtant, ces éléments sont essentiels pour progresser dans la classification ESG et répondre aux attentes des investisseurs.
Exclusions sectorielles
Les exclusions liées aux énergies fossiles connaissent une forte progression en 2024. Les exclusions du charbon ont augmenté de 92 %, tandis que celles des autres énergies fossiles ont bondi de 129 %. Ces engagements s'ajoutent à des exclusions plus traditionnelles, telles que celles liées au tabac, aux armes ou encore à la pornographie. Cependant, Xavier Leroy tempère : « Ces exclusions, bien qu'importantes symboliquement, ont souvent un impact limité dans le private equity, où les financements ciblent rarement ces secteurs. »
Stratégies RSE : un retard à combler
Si 86 % des sociétés de gestion formalisent une politique ESG, la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) reste le parent pauvre des démarches durables. « Les petites structures, notamment, perçoivent encore la RSE comme optionnelle, faute d'enjeux commerciaux ou réglementaires directs », observe Vincent Le Feuvre. Ces politiques RSE, lorsqu'elles existent, intègrent toutefois des engagements précis, notamment sur la gouvernance ou la diversité. La charte pour la parité homme-femme de France Invest séduit 66 % des sociétés de gestion, tandis que 36 % adhèrent à l'Initiative Climat Internationale (ICI).
EthiFinance prévoit de publier des études similaires en Allemagne et en Espagne début 2025. Ces analyses permettront de comparer la maturité ESG des différents marchés européens. « Le marché français est l'un des plus avancés, grâce à une combinaison de réglementations strictes et de dynamisme des associations de place », conclut Xavier Leroy. Un leadership à nuancer : la complexité croissante des réglementations, couplée aux attentes des investisseurs, impose aux acteurs de la gestion d'actifs de maintenir leurs efforts, notamment en matière de RSE.
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