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[En pratique] Le processus budgétaire au service de la stratégie de l'entreprise

Exercice exigeant, le budget demande au Daf, jusqu'à sa phase de validation définitive, de mettre en place une méthode rigoureuse, un rétroplanning efficace et des outils spécifiques. Voici comment organiser un processus budgétaire efficace en 6 étapes-clés. [Article paru dans Daf Magazine n°6]

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[En pratique] Le processus budgétaire au service de la stratégie de l'entreprise

Produire une vision chiffrée de l'avenir, c'est l'ambition de tout processus budgétaire digne de ce nom. Fruit de l'échange entre les directions opérationnelles, la direction financière et la direction générale, le budget doit traduire les orientations stratégiques de l'entreprise, tout en lui fournissant des outils de pilotage efficaces.

Pour les dirigeants, le budget consiste à mettre en oeuvre la stratégie qu'ils ont décidée pour l'entreprise. Pour les opérationnels, le budget représente une occasion de repréciser leur mission au sein de leur département et de leur entreprise, d'avoir une réflexion structurée sur leur mode d'organisation, de se fixer des objectifs et de réfléchir aux moyens nécessaires pour les atteindre. C'est pourquoi les représentants des différents services sont souvent parties prenantes de l'élaboration du processus budgétaire. " La direction financière peut, à elle seule, construire un budget, en utilisant un système de ratio et en décidant, par exemple, d'une réduction de 5 % des coûts liés à la masse salariale ou en anticipant une augmentation de 5 % des ventes, souligne Aurélie Aballéa, Daf de Lush France, entreprise spécialisée dans les cosmétiques frais (voir son témoignage). Mais, dans la majorité des cas, le budget sera élaboré de façon transversale. Pour qu'un budget soit réussi, mieux vaut en faire un projet d'entreprise. "

Dans ce budget, le Daf ou encore le contrôleur de gestion de l'entreprise (plus de détails ici) va jouer un rôle majeur. " Il est le chef d'orchestre du processus ", résume Alain Banse, consultant et formateur en systèmes d'information. Il lui revient donc d'organiser la remontée d'informations, de faire passer les messages de la direction et de décider du rétroplanning et des outils requis.

[Étape 5] De la réflexion à la finalisation du budget

On distingue généralement quatre phases essentielles.

Première étape, établir une réflexion préalable : revue des données historiques, dialogue avec chacun des responsables amenés à participer au processus (responsable des ventes, responsable recherche et développement, etc.) pour savoir comment il envisage l'année à venir.

Deuxième étape : chaque responsable de département établit son propre budget. Le rôle du Daf va consister à animer chacune des équipes qui participent à l'élaboration du budget, à les aider à se poser les bonnes questions ou à arbitrer entre plusieurs options (augmenter les équipes, privilégier la rénovation des équipements, donner la priorité au développement...). Il accompagne la mise en place du budget propre à chaque département concerné.

Puis le Daf consolide l'ensemble de ces budgets et présente le budget final à la direction. C'est la troisième phase du process.

Enfin, quatrième et ultime étape : les instances dirigeantes valident ce budget. " Cette phase comporte en général une série de navettes entre la direction et le Daf, afin d'opérer d'ultimes réajustements, jusqu'à l'établissement du budget définitif ", précise Alain Banse (consultant).

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Ne tuez pas le budget, transformez-le !

Chronophage, le processus budgétaire est critiqué depuis des années. Il est de moins en moins adapté aux besoins des entreprises, car trop rigide et déconnecté de la stratégie. Pourtant, il reste un outil indispensable. L'étude réalisée par Capgemini Consulting, la marque de conseil en stratégie et transformation du groupe Capgemini, basée sur le résultat d'entretiens menés auprès de 250 directeurs financiers dans des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs, analyse les alternatives permettant d'optimiser et transformer le budget.

[Étape 3] Mettre en place le rétroplanning

Le calendrier et le rétroplanning constituent, en effet, des éléments-clés de la réussite du processus budgétaire. Sa durée s'avère assez variable, un mois ou deux, voire six pour des processus lourds et peu automatisés. Dans tous les cas, il est nécessaire que le budget soit terminé avant le début de l'exercice concerné, généralement deux mois avant la clôture de l'exercice comptable : par exemple, pour une société qui clôture au 31 décembre, le budget de l'année n+1 sera finalisé fin octobre de l'année n.

Pour parvenir à boucler le processus budgétaire dans les temps, il est nécessaire, quelle que soit la taille de l'entreprise, de mettre en place un calendrier de travail. " Il précise la répartition des rôles et surtout les dates butoirs pour chaque service ou fonction, permettant à chacun de connaître les règles du jeu ", explique Olivier Avril (Acting-Finances).


[Étape 4] À bas la feuille Excel !

" Dans de nombreux cas, c'est la classique feuille Excel qui sert à la constitution du budget. Celle-ci doit normalement contenir, pour l'élaboration des nouveaux chiffres, les dépenses de l'année précédente, celles de l'année en cours, une extrapolation pour 12 mois de celles-ci et un montant de budget affecté. S'y ajoute une colonne remarque ou observation. Les frais de personnel font l'objet, la plupart du temps, d'un travail séparé et de supports spécifiques ", commente Olivier Avril.

Cette méthode un peu empirique ne facilite pas la transmission et l'intégration des informations au sein de l'entreprise. " Elle entraîne de multiples recopies et transferts avec les documents utilisés pour les tableaux de bord, reportings et plans ", ajoute-t-il. Pour améliorer le processus budgétaire, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se doter d'outils informatiques spécifiques, qui permettent de déployer le budget à travers l'entreprise en faisant intervenir la totalité des personnes concernées sur un même support. Ces systèmes d'information dédiés se révèlent utiles, même pour une petite entreprise, car ils lui permettent de gagner en souplesse et en réactivité.

[Étape 2] Communiquer pour donner l'impulsion

Un travail de communication spécifique doit être opéré préalablement au démarrage du processus budgétaire. " Le Daf a généralement reçu une note de cadrage, qui délivre les consignes-phare de l'année budgétaire, par exemple un gel des embauches. À lui de les faire redescendre à l'ensemble des parties concernées par le processus budgétaire ", décrit Alain Banse.

En annonçant le démarrage du processus budgétaire, le Daf en précise donc les grandes orientations, la répartition des tâches et donne les premiers éléments de calendrier. " C'est à ce moment-là que sont précisées les étapes de remontée des éléments budgétaires, élaborés par les départements concernés, à la direction financière ", ajoute Alain Banse. Ce travail de pédagogie permet l'adhésion des équipes au processus budgétaire.

S'appuyer sur son contrôleur de gestion

Pour construire le budget, le Daf s'appuie sur le contrôle de gestion. Dans les faits, ce dernier assure l'interface avec les responsables opérationnels de chaque branche et la direction financière. " Au début du processus budgétaire, une première réunion va généralement regrouper la direction générale, les responsables opérationnels de chaque branche et la direction financière afin de dresser les grandes lignes du budget. Le Daf et le contrôleur de gestion travaillent ensemble à traduire ces lignes directrices dans le budget ", décrit Stéphane Boutet, ancien secrétaire général dans le secteur de la banque et futur Daf d'une PME du secteur high-tech.

Pour ce faire, le Daf va beaucoup déléguer à son contrôleur de gestion. Celui-ci va animer les réunions avec les opérationnels, réfléchir avec eux aux objectifs de l'année, caler des hypothèses prévisionnelles, discuter des chiffres avancés par les opérationnels... Et, en cas de désaccord sur les chiffres, le Daf arbitrera.

Voir aussi l'article Le tableau de bord du comité de direction, clé de voûte des actions de progrès de l'entreprise.

[Étape 1] Organiser la remontée des informations : un travail sur mesure

Direction des ressources humaines, direction des achats, direction informatique, direction juridique... : les départements susceptibles de participer au processus budgétaire s'avèrent nombreux. Leur tâche va consister à mettre en place les différentes catégories de budgets à préparer. Il s'agit du budget d'exploitation (prévisions de ventes, budget commercial, budget de production, budget d'approvisionnement, budget des moyens logistiques, etc.) mais aussi du budget de structure (frais généraux commerciaux, de production, administratifs), du budget d'investissement (recherche et développement, locaux, machines et équipements, systèmes d'information, activités nouvelles et croissance externe) et du budget trésorerie (évaluation du besoin en fonds de roulement, opérations financières et patrimoniales éventuelles...).

" La structure du budget et la répartition des responsabilités sont propres à chaque entreprise, explique Olivier Avril, gérant associé d'Acting-Finances. Il n'existe pas de formule toute faite. Mais le travail budgétaire, pour être efficace, doit impérativement coller à l'organisation générale de l'entreprise." Le niveau de détail, notamment, doit être approprié au besoin de pilotage de l'entreprise. L'accent doit pouvoir être mis sur les budgets à enjeu majeur, comme le développement d'une nouvelle gamme de produits. En effet, l'établissement du budget est un exercice chronophage pour le service financier et un processus trop lourd peut devenir contre-productif... Opter pour un type de budget adapté aux besoins réels est donc primordial.

Budget ou rolling forecast ?

Un processus budgétaire digne de ce nom prend du temps, mobilise les énergies et doit bien souvent être révisé. Le processus de rolling forecast, ou budget glissant, peut paraître plus adapté à un pilotage au plus près des réalités de l'entreprise. Selon une étude PwC "Conjoncture incertaine et pilotage de l'entreprise" (Bertrand Augier, Ludovic de Beauvoir, Associés, Céline Joubert, Directeur, PwC, Juin 2010), " seuls 24 % des groupes sont dotés d'un processus de rolling forecast, qui représente pourtant une alternative intéressante au triptyque classique plan - budget - reprévision ".

Le rolling forecast permet pourtant à l'entreprise de réduire la durée des processus prévisionnels et de gagner en agilité. Il fournit une prévision glissante sur une période qui va au-delà de l'année courante, soit sur un horizon de cinq à huit trimestres par rapport au trimestre actuel. Cet outil de pilotage est basé sur des indicateurs proches des leviers opérationnels-clés, comme les commandes, les ventes, les coûts, etc. Cette approche permet de dépasser le seul horizon de la clôture annuelle au profit d'une vision mieux alignée sur le cycle économique de l'entreprise. Elle permet en outre aux entreprises de développer une culture de prévision constante et donc de gagner en anticipation comme en réactivité, tout en disposant en permanence d'une information à jour et pertinente.Une démarche qui nécessite, cependant, la mise en place de processus soigneusement réfléchis...


[Étape 6] Et après ?

Les utilisations du budget annuel dans l'entreprise sont très différentes selon le stade de maturité de la gestion et du pilotage de celle-ci . " Il peut même arriver à certains budgets de se retrouver classés dans un dossier dès qu'ils sont achevés ", témoigne Olivier Avril (Acting-Finances). Mais, la plupart du temps, ils sont intégrés aux tableaux de bord, reportings et prévisions financières et font l'objet d'un suivi régulier des écarts avec les réalisations. On peut parler alors d'un système de gestion budgétaire qui va de la prévision à la budgétisation pour aboutir au contrôle.

Pour les sociétés qui pratiquent des clôtures comptables mensuelles, ce budget est mensualisé, afin d'examiner les écarts éventuels entre le budget et le réalisé. " Cette tâche incombe généralement au contrôleur budgétaire et lui permet de suivre au plus près l'activité de la société. Le dirigeant dispose ainsi d'un outil d'alerte très fin, qui permettra de rectifier rapidement le tir si nécessaire ", explique Aurélie Aballéa (Lush France). Une fusion imprévue, une croissance plus forte qu'anticipée : les conditions de fonctionnement d'une entreprise peuvent changer rapidement en cours d'année. En ce cas, le budget devra être révisé. Une réévaluation à manier cependant avec prudence. " Ce changement de référence peut faire perdre à l'entreprise ses points de repère et entraîner une perte de temps dans la compréhension des événements et des chiffres, ainsi qu'un surcroît de travail pour les responsables parties au processus budgétaire ", avertit Olivier Avril.


Le témoignage d'Aurélie Aballéa, Daf de Lush France

" Un budget ne se résume pas à des chiffres "

Aurélie Aballéa a une expérience du processus budgétaire dans des entreprises de tailles très différentes, puisqu'elle a passé 15 ans à des postes de direction financière dans le groupe LVMH, dont huit comme Daf de La Grande Épicerie pour Le Bon Marché, avant de travailler pendant plusieurs années comme directeur financier externalisé indépendant dans des PME, et de rejoindre finalement Lush, une société britannique de cosmétiques frais faits mains.

" Lorsqu'on réfléchit au processus budgétaire, il faut envisager toutes les dimensions d'un budget. Un budget a une fonction managériale (donner des objectifs aux équipes), une fonction économique (s'assurer de la rentabilité, de la profitabilité de l'entreprise), une fonction stratégique, et enfin une fonction particulièrement cruciale en période de crise (servir d'indicateur de pilotage à la direction). Il ne se résume pas à des chiffres et ne peut se réduire à un aspect purement financier ", résume la Daf.

Une fois établi, le budget ne doit pas être gravé dans le marbre. " Il faut y revenir deux ou trois fois dans l'année et l'ajuster au besoin. Les chiffres qu'on a établis expriment un prévisionnel et il ne faut pas s'interdire de les réviser si nécessaire ", précise-t-elle.


Repères

Raison sociale : Lush France

Activité : Fabrication et vente de cosmétiques éthiques frais faits main

Forme juridique : SARL

Dirigeant : Mark Constantine, gérant-fondateur

Daf : Aurélie Aballéa

Effectif : 180 salariés

CA 2011 : 11 M€

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