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Digitalisation de la fonction finance : quelle stratégie managériale adopter ?

Comment manager ses équipes finance dans un contexte de digitalisation du métier ? Faut-il recruter des profils plus IT ou former en interne ? Et comment faire adhérer au mieux ses collaborateurs ? Explications.

Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
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Digitalisation de la fonction finance : quelle stratégie managériale adopter ?

Avec l'avènement de la digitalisation se pose la question de la conduite du changement des équipes. Comment gérer la transformation numérique du service finance sur le plan RH et comment embarquer ses équipes ? Faut-il recruter des nouveaux profils plus IT ou alors former les collaborateurs financiers au numérique ? Et surtout, comment donner envie aux équipes d'avancer sur le sujet digital ?

Recruter ou former : un choix pragmatique

Pour certaines entreprises, la question d'attirer de nouveaux talents technophiles pour gérer au mieux un projet de transformation digitale se pose dès le recrutement. « Nous recherchons chez les candidats dès le recrutement un mindset, soit un état d'esprit, une appétence au digital. Ils doivent être capables de comprendre d'où vient la donnée, comment elle est transformée et enfin comment l'utiliser », avance Ferdinand Brunet, daf de Memo Bank, banque d'entreprises. Ce qui, avouons-le, est plus facile dès le départ dans une start-up comme Memo Bank. D'autant que ces profils digitaux très recherchés ont un coût. Ainsi, « la politique RH d'une PME est faite de contraintes. Il existe un vrai sujet de pénurie de collaborateurs comptables et financiers et recruter des profils très digitaux qui affichent souvent des salaires élevés a un coût qu'une PME ne peut pas se permettre », explique de son côté François Père, directeur financier, en charge des activités Corporate et ressources humaines chez Careit, PME spécialisée dans l'immobilier d'entreprise. De ce fait, chez Careit, la formation des équipes déjà en place est de mise : « Très pragmatiquement, il s'agit d'accompagner les collaborateurs de la fonction finance en interne et de modifier leur périmètre d'action en les formant et en leur proposant de nouveaux outils », souligne François Père. Plus généralement pour « démystifier la data » auprès de leurs équipes finance en interne, les daf misent sur des programmes de formation avec des vidéos, des quizz et/ou un accompagnement par des cabinets externes.

Identifier des talents en interne

La digitalisation peut faire peur. Et certains peuvent redouter de ne pas tenir la cadence. Ainsi, selon une étude du cabinet Robert Walters, 32 % des cadres préféreraient démissionner que de se confronter ou exprimer leur désaccord face à l'IA. D'autres métiers comme ceux de la comptabilité peuvent également exprimer des réticences quant à une éventuelle disparition de leur métier dans un avenir plus ou moins lointain en raison de l'automatisation toujours plus poussée de certaines tâches. Pour le daf de Memo Bank, « nos équipes ont besoin de preuves. Il faut les rassurer et cela peut passer par les retours d'expériences d'autres entreprises ». Une autre pratique managériale consiste à identifier des talents en interne pour donner envie aux autres d'aller se confronter au sujet de la digitalisation. C'est le cas chez Careit : « Nous identifions des talents en interne : une ou deux têtes de pont qui maîtrisent les outils d'analyse, de reporting... afin de créer une sorte d'attelage pour embarquer les autres collaborateurs et donner envie », souligne François Père. Chez Memo Bank, cela peut passer par le fait de « rendre les différents métiers de la finance acteurs de la digitalisation pour se l'approprier », selon les mots de Ferdinand Brunet. En somme, ils doivent être force de proposition et savoir faire remonter leurs besoins en outils digitaux pour un meilleur exercice de leur fonction. Concrètement, chez Memo Bank, la finance exprime ses besoins outils auprès de l'équipe produits (à destination de l'interne et des clients) qui analyse ensuite des business cases, les gains que cela peut apporter aux métiers en question et réfléchit ensuite en concertation avec la R&D et la finance sur l'utilité ou non de créer et/ou obtenir ces outils. « Dernièrement, un comptable de mon équipe a remonté le besoin d'un module pour automatiser la comptabilisation des factures et du traitement de la TVA. Après une réunion commune avec l'équipe produits et la R&D, nous avons développé un nouveau produit que nous utilisons en interne et que nous proposons désormais à nos clients du monde de la banque », explique Ferdinand Brunet.

Dépasser le clivage générationnel

À la question, la digitalisation crée-t-elle un clivage générationnel dans les équipes, la réponse ne semble pas évidente. Pour le daf de Careit, « ce n'est pas une généralité. Il faut davantage convaincre le ventre mou (ndlr : les collaborateurs les moins enthousiastes sur le sujet) de ne pas avoir peur et de s'intéresser au sujet ». Et les réfractaires au changement ne sont pas ceux que l'on croit si l'on se réfère au livre blanc de Robert Walters de décembre 2023 sur le thème de la perception des seniors en entreprise. Ainsi, l'usage des nouvelles technologies et des nouveaux modes de travail est cité comme le second frein à l'embauche des seniors en entreprise (par 48 % des entreprises et 30 % des cadres interrogés) juste après une rémunération trop élevée. Or, seulement 24 % des seniors estiment que leur usage des nouvelles technologies constitue un frein à leur embauche. Pour Aude Boudaud, Associate Director, Robert Walters : « Ces différences peuvent s'expliquer par des biais naturels : les cadres plus jeunes ont l'impression que leurs collègues plus seniors ont un usage plus limité des nouvelles technologies, tandis que ces derniers se sentent à l'aise avec les outils digitaux. Il se peut aussi que les plus jeunes cadres aient une vision différente de ce que signifie « nouvelles technologies », impliquant notamment l'utilisation poussée de data et d'IA, tandis que les plus seniors y verront le fait d'utiliser certains logiciels de type BI et ERP. » C'est pourquoi chez Careit, François Père avoue être vigilant sur le fait de ne pas créer de fossé entre des métiers dans la finance très technophiles et d'autres moins. Ainsi, des collaborateurs sont formés sur des outils IT plus avancés tandis que d'autres suivent en parallèle une formation sur des outils déjà existants. « Il faut rester groupé ! Il faut éviter les décrochages entre les membres de l'équipe finance sur le sujet du digital, conclut-il. Car tout le monde est dans le même bateau ! »

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