Défaillances dans le monde : à quoi faut-il s'attendre ?
Publié par Stéphanie Gallo le - mis à jour à
Le nombre de défaillances d'entreprises devrait faire un bond de 21% dans le monde cette année et de 4% l'année prochaine selon la dernière étude de l'assureur crédit Allianz Trade.
+21% de défaillances d'entreprises à prévoir dans le monde en 2023 par rapport à 2022, année qui affichait déjà un léger rebond à +2%, après des années Covid ayant connu un recul historique de défaillances (-11% en 2021 et -14% en 2020) en raison des mesures préventives instaurées par la plupart des états dans le monde.
Voici la prévision actualisée de l'assureur crédit Allianz Trade dans son tout dernier rapport publié la semaine dernière. « On attend une augmentation des défaillances dans pratiquement toutes les zones du monde et cela concerne quasiment tous les secteurs d'activité », pointe Maxime Lemerle, responsable des études défaillances chez Allianz Trade. Dans le détail, +47% de défaillances sont attendues en Amérique du Nord cette année, +20% en Amérique latine, + 20% également en Europe de l'Ouest, +31% en Europe de l'Est et Europe centrale, +5% en Afrique et +12% en Asie Pacifique. « En Europe, nous attendons 59.000 défaillances en France en 2023 (+41%/2022), 28.500 au Royaume-Uni (+16%), 17.800 en Allemagne (+22%) et 8.900 en Italie (+24%). Aux Etats-Unis, nous prévoyons une hausse des défaillances de +49% en raison de conditions de financement plus dures et d'un ralentissement économique prononcé. La Chine ne devrait elle subir qu'une petite hausse des défaillances de 4% mais la réouverture de l'économie n'a pas fait disparaître tous les risques, notamment dans le secteur de l'immobilier », analyse l'expert.
Normalisation et pression sur les entreprises
Ces augmentations fortes du nombre de défaillances sont à mettre au crédit d'une normalisation après deux années de soutien aux entreprises ayant engendré une sous-mortalité artificielle. A cette normalisation, s'ajoutent selon l'analyse d'Allianz Trade un ralentissement de la demande, une pression sur la rentabilité des entreprises, un affaiblissement des trésoreries et un durcissement des conditions de financement. L'environnement économique actuel est propice à une augmentation généralisée des défaillances. « Nous avons calculé que la zone euro et les USA auraient besoin respectivement de +1,3 point et +1,5 point de croissance additionnelle en 2023-2024 pour espérer stabiliser les niveaux de défaillances », explique Maxime Lemerle, alertant par ailleurs sur un risque d'effet domino. En effet, le nombre de défaillances d'entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 50 millions d'euros est désormais légèrement supérieur à 2019. Parmi les secteurs les plus affectés : la construction, la distribution et les services.
Poursuite de la hausse des défaillances en 2024
Pour 2024, le nombre de défaillances devrait continuer de progresser, mais moins vite : +4% de défaillances sont attendues dans le monde l'année prochaine. Là encore avec des disparités relativement importantes : +15% en Amérique du Nord, +3% en Amérique du Sud, +5% en Asie Pacifique, +1% en Afrique mais -1% en Europe centrale et Europe de l'Est et une stabilisation en Europe de l'ouest. « La stabilisation en Europe de l'ouest cache toute de même une hausse prévisible des défaillances d'entreprises en Allemagne en 2024 ainsi qu'en Belgique par exemple. Les défaillances devraient en revanche diminuer en France, mais à partir d'un haut niveau en 2023 ». Dès fin 2024, la majorité des pays dépasseront les niveaux de défaillances de 2019.
C'est d'ailleurs le cas dès 2023 pour la France avec un nombre de défaillances attendues, 59.000, de 15% supérieur à 2019. En 2024, avec 57.000 défaillances envisagées, le niveau sera encore 11% supérieur à la dernière année pré-covid.
Sur l'export proche, Maxime Lemerle appelle à une vigilance plus particulière sur le Royaume-Uni, fragilisé par le Covid, le Brexit et la guerre en Ukraine ainsi que sur les Pays-Bas très exposés aux cycles internationaux du fait de son économie liée à l'activité portuaire.
Analyser encore plus finement le risque de contrepartie
Dans ce contexte, l'expert d'Allianz Trade conseille de renforcer son analyse des risques de contrepartie. Éventuellement, avec l'aide d'un assureur crédit, en tout cas en monitorant encore plus finement le comportement de ses clients à travers le monde. « Nous identifions évidemment des zones géographiques ou des secteurs d'activité qui risquent d'être plus impactés par les conditions économiques actuelles mais il est difficile de généraliser. Les entreprises doivent prendre en compte l'exposition aux cycles économiques de leurs clients ainsi que leur solidité financière et organisationnelle ».
Une vigilance absolument indispensable et qui devra monter encore d'un cran en cas de crise financière, redoutée suite aux récentes perturbations connues par le secteur bancaire en Europe et aux USA. « Selon nos estimations, une crise financière similaire à celle de 2008 engendrerait 21.600 défaillances d'entreprises additionnelles aux USA en cumulé en 2023-2024 et 99.900 en Europe de l'Ouest. Même sans une crise financière majeure, un credit crunch de l'ampleur de celui de 2000, lors de la bulle internet, engendrerait respectivement 12.900 et 95.300 défaillances additionnelles. Et en cas de gel de l'accès au financement, on dénombrerait respectivement 10 700 et 46 300 défaillances supplémentaires », prévient Maxime Lemerle.