Paiements par carte : comment les DAF peuvent (et doivent) reprendre la main
Publié par Philippe Roy Fondateur de Red Yucca le - mis à jour à
Dans cette tribune, Philippe Roy explique que face à des structures tarifaires parfois opaques, les DAF et directeurs de la trésorerie se sentent souvent démunis lorsqu'il s'agit de négocier les contrats d'acceptation des moyens de paiement. Pourtant, des marges de manoeuvre existent.
L'acceptation des cartes de paiement est une évidence pour les grandes entreprises, qu'elles soient des distributeurs, des chaînes hôtelières, des enseignes de restauration rapide ou autres. Mais derrière cette nécessité se cache une réalité irritante : les frais imposés par les acteurs de la chaîne de paiement pèsent lourdement sur les marges et sont souvent perçus comme inévitables. Ces coûts auraient même augmenté de manière significative ces dernières années.
Mais cette croyance que « rien ne peut changer » est erronée. Avec une approche structurée, les DAF peuvent non seulement réduire ces frais, mais aussi rééquilibrer une relation historiquement à sens unique.
Déconstruire la croyance limitante selon laquelle il n'est pas possible de réduire les frais de paiement. Beaucoup de DAF pensent que les conditions des contrats d'acceptation des moyens de paiement sont immuables. Cette perception est liée au poids écrasant des acteurs américains du secteur et à une structure de marché à caractère oligopolistique.
Mais le contexte a changé. Tout d'abord, la concurrence entre prestataires s'est intensifiée, notamment avec l'émergence des fintechs. De plus, les régulations européennes (PSD2 Payment Services Directive 2), comme le plafonnement des commissions d'interchange, ont créé un terrain plus favorable pour les commerçants. Ces réglementations ne sont pas parfaites, et ont même parfois créé des dommages collatéraux sur les structures tarifaires. Mais elles ont le mérite d'exister et peuvent constituer un levier si elles sont bien utilisées. Ces évolutions offrent aux entreprises des opportunités pour renégocier des aspects clés de leurs contrats.
Procéder à une analyse détaillée de la valeur
La valeur n'est pas une vérité universelle. Elle est contextuelle. Si l'acceptation de certaines cartes de paiement dans certaines industries ou chez certains acteurs est inévitable, il est en revanche possible de s'en passer dans d'autres contextes. Pour renégocier avec succès, il est essentiel de comprendre où se situent les opportunités. Voici trois pistes clés :
- Analyser la structure des frais : Identifiez les différents coûts (interchange, frais fixes, frais de change, etc.) ... et comparez-les à des benchmarks sectoriels. Vous pourriez découvrir que certaines lignes sont plus négociables que vous ne le pensiez.
- Analyser le coût réel d'acceptation : Il est essentiel de mesurer le coût total réel et non pas le coût facial. L'impact sur le coût de distribution n'est pas le même. Malheureusement la complexité des constructions tarifaires rend souvent opaque la lisibilité de ces informations. C'est d'ailleurs ce que reprochent actuellement les coalitions et autres groupements de commerçants auprès de Bruxelles appelant la commission européenne à faire en sorte qu'il y ait plus de transparence.
- Une meilleure utilisation du temps : C'est une erreur que je rencontre fréquemment lorsque j'accompagne des clients dans leurs renégociations de contrats, quel que soit le secteur d'activité et aussi bien en France qu'à l'étranger : ils démarrent la négociation beaucoup trop tard. La complexité de ces contrats est telle qu'il est nécessaire de débuter longtemps à l'avance. Car au-delà de l'analyse détaillée des coûts réels, les leviers de négociation sont eux aussi contextuels et propres à la situation de chaque entreprise : Les conditions actuelles sont-elles décorrélées des réalités du marché ? Parle-t-on d'un contrat local ou international ? Dans quel(s) pays ? Quelles sont les pratiques du marché en question ? Le poids respectif des acteurs ? Les usages ? Les règlementations en place ? etc... Autant de complexités qui nécessitent d'utiliser le temps en amont de la négociation afin de ne pas être défavorisé.
Redonner du pouvoir aux DAF : au-delà des coûts, une relation équilibrée
Négocier ne se limite pas à réduire ses coûts et obtenir de meilleures conditions commerciales. Il s'agit également de procéder à un audit de la relation contractuelle client - fournisseur. Cela peut inclure des discussions sur des aspects comme :
S'il existe un secteur d'activité ou faire appel à un accompagnement est indispensable, c'est bien l'univers du paiement. Face à la complexité légendaire des structures tarifaires et la puissance des prestataires, les directions financières ne devraient pas se lancer seules dans ces négociations. Un regard extérieur permet d'identifier des opportunités souvent invisibles et historiquement ignorées. Et de transformer une source de frustration en un levier de performance.