Le CIR est mûr... pour être réorienté vers les PME et ETI
Publié par Florence Leandri le | Mis à jour le
“Le CIR est efficace, à maturité, bien connu des entreprises, lesquelles souhaitent un dispositif stable.” Fort de ce constat, le sénateur Michel Berson ne propose pas une réforme mais des ajustements, dont l'accélération du versement du CIR : trimestriel pour les PME et à N+1 pour les ETI.
Combattre les idées reçues et supprimer l'effet d'aubaine pour les grandes entreprises afin de réorienter le dispositif vers les PME, tels sont les deux axes du rapport d'information présenté par le sénateur Michel Berson, à la commission des finances de la Chambre haute, le 18 juillet 2012.
C'est en examinant les idées reçues sur ce dispositif que l'on mesure son efficacité. Ainsi :
– “Le CIR bénéficie essentiellement aux services et surtout aux banques.” Selon le rapporteur spécial Michel Berson, la réalité est différente puisque 64% du montant de la dépense (environ 5 milliards d'euros en 2011) va à l'industrie, contre 1,8% pour le secteur bancaire et assurance. Selon le sénateur, cette idée reçue se serait propagée à la suite du rapport de Gilles Carrez rendu en 2009 et qui intégrait dans son décompte les holdings industrielles dans les services ;
– “Le CIR va aux grands groupes.” Oui, mais seulement pour 32% de la dépense. Restent deux tiers, répartis équitablement entre les ETI et les PME/TPE. Le sénateur a aussi tenu à préciser que le ratio CIR/dépenses de R&D déclarées est faible pour les grandes entreprises, environ 23% , si on le compare à celui des ETI (30%) , des PME (32%) et des TPE (36%). Cela s'explique par le plafond instauré sur les dépenses (au-delà de 100 millions, le taux des dépenses éligibles au CIR tombe à 5%) et les taux majorés pour les deux premières années d'éligibilité au CIR ;
– “Le CIR a un coût hors de contrôle.” « Injuste », rétorque le sénateur PS. Certes, le coût pour l'État en 2008 était évalué entre 1,5 et 1,8 milliard d'euros contre 5 milliards désormais, « mais cette perception d'une folle envolée provient d'une erreur d'appréciation du coût de la réforme de 2008 : il y a eu à l'époque une sous-évaluation ». Le sénateur préfère parler d'une « dépense stabilisée autour de 5, voire 6 milliards d'euros, à l'horizon 2014 » ;
– “La procédure d'accès aux CIR est complexe et les entreprises surévaluent les dépenses de R&D éligibles au CIR.” Si le sénateur ne s'est pas prononcé sur la première partie de cette affirmation, il a en revanche insisté sur le fait que les dépenses n'étaient pas surévaluées : 17 milliards d'euros de déclarés au titre du CIR contre 26 milliards de dépenses effectives ;
Créé en 1983 par le gouvernement Mauroy et profondément remanié en 2008, le CIR peut encore gagner en efficience et en simplicité. Pour ce faire, le rapport présenté à la commission des finances le 18 juillet contient 25 mesures dont deux essentielles :
– instaurer un taux de 40% pour les PME et ETI indépendantes et un taux unique de 20% dès le premier euro de dépense pour les grandes entreprises (celles de plus de 5 000 salariés). Pour l'heure, le taux est de 30% pour les 100 premiers millions d’euros de dépense en R&D, puis de 5% au-delà. Selon le rapport, cette mesure permettrait d’éviter le gaspillage de 800 millions d’euros par an, une économie qui pourrait être utilisée pour porter le taux du CIR de 30 à 40% pour les PME et les ETI indépendantes ;
– accroître l'efficacité du CIR en accélérant son versement, qui s’étale actuellement sur les quatre années suivant la dépense, sauf pour les PME, qui sont remboursées l’année suivante. Dans le cas des PME, on pourrait envisager un remboursement trimestriel. Dans celui des ETI, il convient au moins de leur étendre le dispositif existant aujourd’hui pour les PME. Cette proposition, qui fait écho à celle émise par le candidat François Hollande, « coûterait cher à l'État la première année, environ 1,2 milliard, mais procurerait un vrai allégement de trésorerie pour les PME ».
Si Michel Berson approuve l’idée d’exclure du bénéfice du CIR les dépenses de R&D réalisées aux fins d’intervention sur les marchés financiers, exclusion « symbolique mais d'une portée financière limitée », et s'il déplore que les cessions de CIR n'aient aucune réalité bancaire, il ne lui paraît pas opportun d'inclure les dépenses d'innovation dans le CIR, notamment « parce qu'il revient au système bancaire de financer l'innovation » , celle-ci étant génératrice de ROI. L'État peut intervenir, mais « plutôt sur un mode additif et non supplétif », via des subventions notamment. S'il ne ferme pas la porte à un dispositif dédié à l'innovation, il y pose des conditions de définition stricte des dépenses éligibles (prototypes, design…)
Par ailleurs, il se montre favorable à la suppression des plafonds liés à la sous-traitance et souhaite faire des sous-traitants indépendants les vrais bénéficiaires du CIR.
Sur la difficulté que bon nombre d'entreprises rencontrent pour déterminer si telle ou telle dépense sera éligible au CIR, le sénateur admet que pour l'heure, la seule voie possible, celle du rescrit, est peu utilisée et peu fiable, surtout en période d'instabilité fiscale. D'où sa proposition d'un protocole définissant les modalités de coopération entre le ministère de la Recherche et le ministère du Budget (critères d'éligibilité des dépenses, experts, délai pour le rendu d'un avis…).
Enfin, selon le sénateur, il n'y a pas de corrélation entre CIR et contrôle fiscal : « Seulement 2 à 3% des 12 500 entreprises bénéficiaires du CIR sont contrôlées. »