Facturation électronique : comment anticiper les impacts RH
Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le
Avec le déploiement futur de la facturation électronique, certains collaborateurs des équipes finances des entreprises verront leur quotidien drastiquement bouleversé. Comment les accompagner dans cette transition, comment l'anticiper ? Voici quelques conseils.
Au milieu des vagues d'incertitudes et de remises en question successives sur le projet de réforme de la facturation électronique (comme dernièrement avec l'annonce de la suppression du PPF), il s'agit de continuer à se préparer techniquement à cette échéance mais aussi, et sans tarder, de s'atteler à la problématique RH découlant directement de la mise en place de la facturation électronique : demain, certains collaborateurs des équipes finances verront leur quotidien sensiblement modifié par la facturation électronique. C'est incontournable.
L'enjeu managérial pour le directeur financier est de réussir à emmener toute son équipe dans cette transition en aplanissant les éventuelles inquiétudes quant aux missions « après facturation électronique », et en travaillant d'ores et déjà à une nouvelle distribution des tâches.
Anticiper les formations et la redistribution des tâches
C'est exactement ce à quoi s'est attelée Elise Tatard, la directrice administrative et financière de Solab, bureau d'étude et d'ingénierie pour le bâtiment (95 salariés). Elle s'appuie aujourd'hui sur une équipe de sept personnes dont trois travaillant sur la facturation clients, et une sur la comptabilité fournisseurs. Cette dernière sera une des premières impactées.
« Ma collaboratrice qui s'occupe de la saisie fournisseurs aura très clairement un métier de comptable différent demain. Tout un pan de son travail, la saisie en elle-même, va disparaître. Je sais qu'elle s'inquiète, nous en avons parlé. Mais en réalité, la facturation électronique va nous permettre de fiabiliser nos données, de réduire les erreurs etc. Pour cette collaboratrice, cela lui libèrera du temps pour accomplir des missions plus intéressantes, par exemple du contrôle de gestion. Globalement, au niveau de l'équipe, nous devrons déterminer une nouvelle organisation des tâches », illustre-t-elle. Et d'expliquer, qu'accompagnée par le cabinet Baker Tilly, elle a déjà mené plusieurs ateliers afin d'emmener l'ensemble de son équipe dans cette nouvelle organisation à venir. « Je souhaite que tous les collaborateurs se sentent bien intégrés dans cette évolution, que les inquiétudes soient bien exprimées, que personne ne soit mis de côté. Forcément, dans cette transformation, nous devrons mettre en place des formations, sur l'outil que nous aurons choisi ensemble évidemment, mais aussi plus largement sur les nouvelles missions que certains vont désormais assumer. Globalement, mon équipe est assez ouverte à ces évolutions ».
David Dogimont, Associé chez Forvis Mazars et spécialiste de la facturation électronique préconise de capitaliser sur les équipes en place, dans le process de transformation lié à la facturation électronique, afin d'optimiser le fonctionnement global de la direction financière. « La facturation électronique va supprimer des tâches sans valeur ajoutée. Le directeur financier doit travailler d'ores et déjà à la réaffectation de ces ressources temps libérées vers des sujets plus intéressants pour les collaborateurs mais aussi pour la performance de l'entreprise. La facturation électronique va permettre de professionnaliser les collaborateurs sur leur coeur de métier : ils pourront par exemple se concentrer sur certains points de blocage, faire du contrôle de cohérence plus poussé. Les opérateurs de saisie des directions comptable seront les premiers impactés. Il faut dès à présent mener une conduite du changement et commencer à mener les formations qui leur permettront d'assumer de nouvelles missions ».
L'expert se dit peu inquiet sur les capacités globales des équipes à évoluer et à s'emparer de nouvelles missions plus digitales : la crise du Covid a en effet déjà profondément modifié les habitudes de travail. La capacité d'adaptation des équipes s'en est trouvée renforcée. « Il y a aura forcément des réfractaires, ceux qui ne voudront pas bouger d'un pouce sur leur fiche de poste. Je préconise de ne pas trop s'attarder sur ces profils et plutôt de se concentrer sur les éléments moteurs qui pourront porter l'ensemble de l'équipe ».
Profiter des prochains entretiens annuels d'évaluation
Dans cette redistribution des cartes, Stéphane Gosselin, expert-comptable associé au sein de du cabinet Baker-Tilly, suggère de mettre à profit les prochains entretiens annuels d'évaluation. « Ce sera le bon cadre, et aussi le bon timing, pour écouter ses collaborateurs, en particulier ceux plus spécialement impactés par la facturation électronique, quant à leurs attentes pour la suite. Cela permettra à la direction financière de réfléchir à la future affectation des tâches. A mon sens, il faut reprendre toutes les fiches de poste et échanger très finement sur chacune des missions pour, rapidement, enclencher les actions de formations qui s'avèreront nécessaires ».
Thomas Nesme, associé EY, expert-comptable et commissaire aux comptes, responsable du département Conseil Comptable et Financier, fournit quelques pistes. « Un comptable fournisseur, par exemple, pourrait, grâce au temps libéré par la facturation électronique, devenir comptable général. Il pourrait aussi dédier ce temps à du support aux acheteurs ou au service commercial ». Lui aussi insiste sur la nécessité de se pencher sur ces nouvelles missions au plus tôt, afin, non seulement d'accompagner la montée en compétence de certains, - quand c'est nécessaire -, mais aussi d'éteindre les éventuelles inquiétudes en concrétisant d'ores et déjà les contours des futures fiches de poste. « L'évolution, la formation, cela représente un gage de rétention des talents. Les équipes doivent être formées de manière continue aux nouvelles pratiques, aux nouveaux outils. Cela leur permet de devenir acteurs des projets de digitalisation », abonde d'ailleurs son confrère, Cédric Bernard, avocat associé EY Société d'Avocats, département Tax Technology & Transformation.
L'expert rappelle tout de même que le métier de comptable, y compris celui de comptable fournisseur particulièrement challengé par la facturation électronique, ne disparaitra pas pour autant à moyen terme. En effet, la facturation électronique dans son nouveau format ne concernera pas toutes les factures fournisseurs. « Selon la typologie des entreprises, de nombreuses factures continueront d'être expédiées autrement que sous la forme de factures électroniques au format structuré, notamment les factures reçues de fournisseurs étrangers. Et même pour celles qui arriveront par ce nouveau biais, il faudra toujours des comptables pour les vérifier, lever les points de blocage, analyser etc. On entend parler de la disparition du comptable fournisseur depuis 20 ans. Cela ne sera pas le cas, au moins pour les dix prochaines années», conclut-il.